# Critique de l'article à charge de Stéphane Foucart contre la Fresque du climat <details><summary>Voici l'article en question ⬇️.</summary> ![](https://i.imgur.com/sfVVVRb.png) ![](https://i.imgur.com/LNdedun.png)</details> ## Critique Le ton provocateur employé par Stéphane Foucart m'autorise je crois à également mettre mes gants de boxe pour critiquer à mon tour cet article. Je vise ici non pas le journaliste directement, mais le contenu qu'il fait paraitre dans Le Monde, journal détenu par des oligarques Français, chantres du capitalisme. > Comme des centaines de milliers de Français, les journalistes du Monde ont commencé à suivre, ces dernières semaines, la formation sur le changement climatique créée par Cédric Ringenbach en 2015, la Fresque du climat. Le Monde, "quotidien national de référence", toujours au top sur l'actualité climatique dis-donc ! Même les députés se sont formés avant eux, c'est dire. > C’est un atelier ludique N'est-ce pas une dépolitisation d'un atelier très grave, sous l'apparence d'un atelier collectif ? Il ne s'agirait pas de présenter la fresque comme une partie de Seven Wonders. On se marre pas. On n'a pas envie de la refaire. D'ailleurs, ça s'appelle "la fresque", pas "le jeu" du climat. Certes, la phrase "c'est un atelier ludique et pédagogique" est directement empruntée au site de la fresque. Mais je croyais qu'on analysait avec un regard critique ? > guide les participants (les « fresqués ») dans un jeu de cartes Non ce n'est pas un jeu de cartes. Pensez aux lecteurs qui ne sont pas sensés avoir fait l'expérience. Il en reste 66 million, car la Fresque n'a été faite que par 1 million de persones. Tout le chemin reste à faire. Le fresqueur distribut des cartes-vignettes qui sont ensuite déposées sur un grand poster. Encore une fois, c'est pas Seven Wonders. > la Fresque du climat donne à peu près tout à comprendre de la question. Non, et ils s'en garderaient bien de le prétendre. C'est même marqué sur le site. ``` Vous voulez agir pour le climat mais n’avez pas le temps de devenir climatologue ? La Fresque du Climat permet à chacun de comprendre le fonctionnement, l’ampleur et la complexité des enjeux liés aux dérèglements climatiques. ``` Ce n'est qu'une brique de la dizaine qu'il faut accumuler pour commencer à agir et militer. > Alors qu’un sondage (Ipsos/EDF) publié fin 2022 sur le sujet suggère que 37 % des Français demeurent climatosceptiques, nul ne saurait contester l’utilité de la Fresque. Du coup, pourquoi le faire dans le titre de l'article, je cite, « La Fresque du climat invisibilise les racines politiques et idéologiques du réchauffement ». Dire de quelque chose qu'il invisibilise les racines politiques et idéologiques d'un sujet qui n'est autre que le défi du siècle, si c'est pas "contester l'utilité", alors je comprends plus le français. Ou peut-être suis-je trop politisé ? > elle n'aborde le réchauffement que sous son aspect technique > Elle en fait un problème physico-chimique, une question de sciences naturelles. Parler de sécheresses, de famines et de guerres avec 10 cartes dignes des chatiments bibliques, déroulées en fin d'atelier, et avec 1h de discussion libre par la suite, ce n'est pas "présenter le réchauffement que sous son aspect technique". Ce n'est pas non plus parler de physique-chimie. ![](https://i.imgur.com/8dHrkTT.png) Le lecteur de l'article est trompé. Il imagine littéralement un cours de physique-chimie qui va donner les équations d'équilibre du forçage radiatif et proposer aux élèves de les résoudres en exercice. Non, la Fresque, ce n'est pas ça. J'ai assisté à 5 fresques dans ma vie, chacune des 5 a mené à des discussions politiques et philosophiques. C'est le but. Ne pas balancer dans la gueule des participants des phrases du style "abattre le capitalisme, c'est la priorité pour lutter contre le climat". L'idée de la fresque, tel que je la comprends, c'est de permettre au participant de se poser lui-même ces questions, en partant de sa réalité à lui. De cheminer vers un engagement concrêt sans se braquer. Il a peut-être 22 ans, à la FAC, en train de préparer des études pour augmenter le chiffre d'affaire d'une entreprise de services bancaires. Ou ingénieur s'apprêtant à signer chez Total. C'est peut-être naïf, mais c'est ce que je constate. C'est pour moi toute la force de nosgestesclimat.fr. Quel que soit ton prisme politique, tu mesure ton empreinte de consommation. Et tu chemines, à partir de là, les mois et années suivantes pour en tirer des conclusions sur ta vie, ton engagement politique, les 40h de ta semaines à bosser pour ton patron. > La première est celle du caractère performatif du savoir : produire et diffuser de la connaissance sur un problème reviendrait à le résoudre. D'une, la Fresque ne pense aucunement être un outil suffisant. Lui prêter l'ambition de "résoudre" le réchauffement climatique, c'est je crois un beau sophisme. Tous les gens qui bossent dans l'engagement climatique sont conscient du fait que leur action n'est qu'au mieux une goutte d'eau face au défi. Faut tout changer. (Au passage, lisez Andreas Malm). De deux, on peut faire l'exact même reproche aux médias, donc à Le Monde, si ce n'est que ce dernier est aux mains d'un milliardaire. Qu'est-ce que la définition d'un média se disant de gauche, si ce n'est notamment produire et diffuser de la connaissance en imaginant (pas de sophisme ici) que ça aidera à résoudre les problèmes de notre société ? De trois : qu'est-ce qui prouve que si 100% des français faisaient une fresque chaque année, il n'y aurait pas une baisse significative des émissions de GES ? Encore une fois : 1% des Français ont fait la Fresque. Là on aurait un protocole solide pour tester le caractère performatif du savoir inculqué par la Fresque. On n'y est pas, à ce niveau de diffusion, et je pense que cet article n'a ni pour objectif ni pour effet d'aider à atteindre cette masse critique d'éducation au problème. Reste l'hypothèse que Le Monde serait en train de se préparer une petite stratégie de développement d'une offre de sensibilisation au climat sous forme d'atelier, potentiellement payant. Hypothèse, je précise bien. On verra. J'en sais rien, ce n'est que spéculation. > auprès des décideurs, mais cette connaissance accumulée ne s’est pas traduite par une diminution des émissions de gaz à effet de serre. Peut-être parce que ceux que vous nommez "décideurs" n'ont pas la souveraineté sur la plupart des décisions qui pourraient stopper nos émissions ? Qu'elle est partagée avec la population, qui n'est pas sensibilisée ? Qu'elle est partagée avec les chefs d'industrie, qui possèdent la presse privée, qui a une main mise certaine sur l'opinion et la forge des candidats et vainqueurs de la présidentielle ? En parlant de présidentielles : la personne qui a dessiné Trump et Thunberg ici juste en-dessous de "Famines" et "Conflits armés" était bien sûr en train de faire l'exercice de réduction acido-basique proposée par le prof Fresqueur. ![](https://i.imgur.com/Fwm6hh4.png) > une série de mesures techniques solubles dans tout projet politique. Mais pourquoi encore cette fixette sur "la technique", alors qu'on est en train de parler de solutions aussi dingues et transversales que la remise en cause de la voiture dans nos sociétés ? Contester le tout-bagnole, c'est un incontournable de la Fresque, via de subtiles cartes illustrée qui permettent aux gens d'en tirer des conclusions ou de renforcer leurs intuitions. > Vouloir explorer les causes profondes du changement climatique, c’est au contraire accepter d’aller bien au-delà des sciences naturelles. Mais vous êtes surs que votre version de la Fresque n'a pas été censurée ? C'est de la science naturelle l' "Utilisation des bâtiments" qu'on voit sur la capture ci-dessous (trouvée au hasard sur google images) ? La déforestation, c'est de la "science naturelle" ? Vous tombez précisément dans l'écueil que vous reprochez ensuite à Béchu ! Les gros camions qu'on voit sur la carte "Transport", c'est un cours de sciences naturelle ? Les dessins faits par les gens, étape systématique de la Fresque où l'art est discrètement invité (j'aurais bien voulu voir les dessins des journalistes du monde, pourquoi ne pas en avoir parlé ?) pour aider les gens à ne pas sombrer dans la dépression ? Les Amazon, Ikea, Shein, AliExpress, MacDo que les gens ont desciné *à l'occasion de la fresque*, c'est des sciences naturelles dépolitisées ? Les centrales nucléaires mises au même rang que ces marques industrielles, c'est pas de la politique ? Si, c'est de la politique, la mauvaise, celle qu'on lit dans les colonnes du Monde et qui tape sur l'une des solutions au changement climatique. Ah qu'set-ce qu'on serait mieux si la Fresque adoptait une ligne politique anti-nucléaire comme toute l'écologie "racine" française. ![](https://i.imgur.com/NgpJKPL.jpg) > par exemple s’interroger sur les modalités de la création monétaire et du financement des économies Justement le genre de choses dont les gens parlent *après la fresque dans l'heure dédiée à ça justement*. "Mais du coup on fait quoi de notre argent ?", "Si seulement les banques pouvaient arrêter de financer les grands projets fossiles" sont le genre de phrase qu'on entendra dans cette heure de réflexion en commun. > A l’inverse, l’émergence du mouvement Scientifiques en rébellion montre qu’une part de la communauté savante ne se satisfait plus du rôle pédagogique auquel elle s’était assignée. Le temps n’est plus seulement à expliquer la science du réchauffement – comme le fait la Fresque du climat –, mais à la prise de position, voire à l’action politique. Et qui sait, ces scientifiques en rébellion sont peut-être passés par la claque de la Fresque ? Peut-être qu'il n'auraient donc pas utilisé l'expression "à l'inverse" pour opposer réveil climatique et mise en mouvement ? > Le temps est certainement venu, pour les concepteurs de la Fresque du climat, de réfléchir à un second volet de leur célèbre atelier. Après les 3h de Fresque nécessaires pour comprendre les enjeux ? Avant l'atelier 2 tonnes ? Après myCO2 ? Après https://nosgestesclimat.fr ? Ou au milieu de 2 lectures de BonPote, un auteur si dépolitisé qui ne fait que parler de sciences nat'. Ou encore après 2h de conf de Jancovici, lui aussi tellement dépolitisé qu'il va ~~cirer les pompes~~ dégommer des banquiers directement chez eux en Suisse ? Ou faut-il placer cette suite de la Fresque dans le manifeste de XR ? De Dernière Rénovation ? Des Soulèvementes de la Terre ? Ou peut-être que le problème est ailleurs, ça pourrait être une hypothèse à considérer. Que le problème, ce n'est pas la Fresque, c'est Hanouna, et tous les autres qui captent l'attention et désinforment les français. C'est CNews. C'est Bolloré. C'est TikTok, c'est Philipot, c'est BFM. C'est Niel. C'est Le Monde. C'est les délires complotistes de Mélenchon, les dogmes d'EELV ("le parti des écolos" qui fait moins de voix dans les urnes que le nombre de participants à la dite Fresque du climat) qui rendent impossible l'infusion sérieuse de la question écologique dans les partis actuels de gauche. Un problème sociétal, et une telle accusation de contre-productivité à l'égard d'une des briques fondamentales du réveil écologique, me semble, vous l'aurez compris, très malvenue. Je me permets alors de penser que Foucart n'arrive pas à mettre les mots sur une réalité : la faillite des partis politiques français à convaincre sur le climat et l'écologie. Et sur plein d'autres choses au passage. Qu'on soit clair : la recette magique pour convaincre, personne ne l'a. Si c'était le cas, les émissions françaises auraient baissé de 10% par an chaque année. Donc soyons critiques, soyons innovants, testons plein de chemins, mais ne tirons pas de façon si mal documentée ou avec autant de mauvaise foi dans les pattes d'un des seuls "cours de climat" qui est devenu *un tout petit peu* grand public. À la place, pourquoi ne pas en proposer une suite, qui pourrait s'appeler "Après le constat, comment bouger les choses ?". Pourquoi ne pas commencer à étaler les centaines d'heures de travail que constituent la création d'un kit pédagogique, qu'il parle du problème ou des solutions politiques ? Puis les centaines d'heures à le tester. À recruter des formateurs bénévoles. À trouver son public. À itérer. Plus facile à dire qu'à faire, ça c'est sûr.