--- title: Radical image: https://images.unsplash.com/photo-1598168024017-6f71ebf5832b?ixlib=rb-4.0.3&ixid=MnwxMjA3fDB8MHxwaG90by1wYWdlfHx8fGVufDB8fHx8&auto=format&fit=crop&w=687&q=80 description: Les grandes décisions de notre présent seront jugées au futur --- # Radical N'oublions jamais que les décisions et non-décisions qui peuvent nous paraitre radicales aujourd'hui (donc en 2023 quand j'écris ces lignes) seront jugées dans le futur (par exemple en 2033) à l'aube d'un contexte très différent. Ceux qui font le choix de prendre de l'avance prennent un risque certain au présent, mais leurs adversaires risquent leur futur : celui d'avoir participé, signature à l'appui, à notre faillite. En tant qu'élu, chaque € que je vote pour la bagnole en 2023 est un engagement *contre* le climat, contre le pouvoir d'achat et les économies d'énergies ; *pour* la pollution, pour le désastre sanitaire de l'obésité et du manque d'activité. Voter pour mettre le vélo au centre est vu comme radical aujourd'hui, mais a toutes les chances d'être la norme en 2030, comme ça l'est aux Pays-Bas, en Finlande ou encore à Barcelone. Du moins, je fais ce pari. Chacun est libre de faire le sien, qui influencera ses choix d'ajourd'hui qui ne seront donc pas dénués de d'implications pour notre personne en 2033. En particulier, s'agissant des "décideurs", le plan (la réduction des gaz à effet de serre entre autres) et les conséquences désastreuses d'un non-respect du plan sont tellement limpides qu'il est impossible d'exclure que le futur ne condamnera pas les élus qui auront fait le choix de voter pour les normes du passé. Quand on parle climat, on a tendance à oublier qu'on parle d'événements d'une gravité inégalité dans *l'histoire de l'humanité* ! Dans une moindre mesure, plus pratique et morale que juridique et professionnelle, il en va de même pour les citoyens. En termes d'investissement par exemple : en 2023, acheter un bien non isolé sans une décôte permettant de financer les travaux est une erreur évidente, qui mène droit vers un bien interdit de location ; pire encore pour l'achat d'un bien dans une région qui potentiellement en 2025 n'aura plus d'eau courante potable. Oui, en 2023 des biens se négocient toujours à des centaines de milliers d'€ dans des régions qui ont des problèmes d'eau tellement graves qu'elles refusent les constructions neuves, pour éviter d'augmenter la population. De même pour l'achat d'un véhicule thermique, dont les usages et la valeur de revente diminueront chaque année, au fur et à mesure des ZFE, des hausses du prix des carburants fossiles, des chocs pétroliers et des conflits. Également et non des moindres, au fur et à mesure de la ringardisation, voir de la criminalisation des voitures fossiles dans l'opinion publique. Car oui, en termes moraux et sociaux, le mode de vie très carboné a de grandes chances d'être de plus en plus critiqué, surtout par les jeunes générations lors de discussions de famille violentes, parfois irréconciliables. En 2010, c'est des "écolos" qu'on se moquait, avec leur quinoa et leurs vélos. En 2023, le quinoa est grand public, le vélo est le premier véhicule électrique vendu en Europe, les termes "boomer" et "vroomer" sont apparus. Certains pays comme le Qatar et les États-Unis, ou encode le Canada, souffrent ou souffriront d'un bashing de plus en plus violent quand à leur refus de diminuer leur immense empreinte par tête... même si pour l'instant, il est clair que ça ne les dérange guère. Le rôle et la culpabilité des citoyens n'est pas à négliger, tant ils sont importants dans la conduite de la politique spectacle d'une démocratie où beaucoup de choses se décident à court-terme pour satisfaire les revendications des groupes d'électeurs les plus puissants. Si la France n'a pas de politique écologique, cela tient beaucoup à la faiblesse politique des militants écologistes, pour l'instant incapables de bloquer le pays pour cette cause. Ce propos pourra vous étonner, et pourtant je me considère pleinement comme un militant écologiste : ma conviction a déclenché beaucoup de changements dans ma vie (réorientation professionelle, mode de vie et de consommation radicalement transformé, participation à des manifestations de blocage public). Pourtant, le résultat est là : on ne convainc pas assez. Nous perdons le rapport de force, de loin. Pour l'instant. Le devoir du peuple pourrait être jugé proportionnel à son empreinte climat et sa richesse (souvent corrélé à l'empreinte d'ailleurs, mais c'est bien plus compliqué que ça en réalité), richesse qui lui donne le loisir de s'informer et d'agir. Je pense que cette culpabilité est souvent ignorée, notamment par la puissance du conflit d'intérêt entre notre vie, et notre projet politique. N'attendez pas que des députés qui prennent l'avion encadrent ce dernier à la hauteur de l'urgence climatique. Toujours est-il qu'on attend légitimement que les élus soient bien davantage éclairés que les citoyens, et donc capables de répondre à nos désirs et contradictions en prenant en compte les contraintes environnementales. À quoi servent-ils sinon ? Revenons à notre sujet, la radicalité présente. Du point de vue de 2035, ne pas s'être engagé en 2025 pourra être jugé comme une faute, que ce soit politiquement avec une mise au placard, mais surtout juridiquement vu la gravité des faits déjà amplement décrits, dès le premier rapport du GIEC et les premières analyses sur notre pauvreté énergétique. La commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France, qui s'est déroulée en 2023, quoiqu'on pense de ses conclusions, n'est qu'un préliminaire aux rapports et peut-être procès qui auront lieu demain. On sous-estime tous bien sûr la difficulté de s'opposer à une majorité, avant d'y être confronté en personne. Surtout quand surgit la dimension humaine qui incarne parfois en demi-teinte les intérêts puissants. Ils sont représentés par des individus charismatiques, souvent au sein même de notre propre camp. Des individus qui peuvent galvaniser les autres, de la réunion au café jusqu'au meeting politique. Imaginer les débats actuels dans le futur, un futur radicalement différent, peut aider à ne pas fléchir et donc ne pas prendre sa part de responsabilité dans les terribles et coupables contradictions du présent. Se placer dans le contexte du futur aide à [verser son acompte écologique](https://kont.me/versez-votre-acompte-écologique), et simplement à continuer ces combats ardus. ----------- Une belle coïncidence : le titre de cet article est tombé sur cémantix quelques jours après ![](https://i.imgur.com/kmq4FQK.png)