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# [Common Future(s) - 16 juillet 2018 à SOFFFA](https://frama.link/commonsfuture-s-16072018)
![Source: https://www.eventbrite.com/e/common-futures-journee-thematique-autour-du-design-de-demain-tickets-47470018102](https://i.imgur.com/6D9tyMw.jpg)
## 0. À propos de ce doc
*Ce pad est contributif et soutient la documentation de la journée '[Common Future(s)](https://mcpaccard.com/common-futures) qui a eu lieu le 16 Juillet au SOFFA* Notez tout ce que vous sentez et n'hésitons pas les doublons !
## 1. Étaient présent·e·s ce jour :
* **Fabrice Liut** - Designer systémique - liut.me - 0626880686
* **Gauthier Roussilhe** - Designer - gauthierroussilhe.com - 07753984976
* **Marie-Cécile Paccard** - Designer systémique - mcpaccard.com - 0622218382 - @mcpaccard
* **Tiphaine Monange** - UX designer - @notoriousbigre
* **Sylvia Fredriksson** - Designer et chercheur - @s_fredriksson - 0609420862
* **Nicolas Roesch** - Designer et chercheur - nicolas.roesch@citedudesign.com - nicolasroesch@gmail.com 0670957998
* **Romain Barrallon** - Consultant & facilitateur - barrallon@gmail.com - 0769465683
* **Thibault Mangeard** - Designer graphique holistique - thibaultmangeard.com - 0698823444
* **Thomas di Luccio** - Designer - 0610127011
* **Alexandre Monnin** - Philosophe - web-and-philosophy.org - @aamonnz
* **Marion Georges** - Ergonome - marion@sogilis.com
* **Pierre-Yves Gosset** - Directeur d'asso - pyg@framasoft.org (présent en fin de journée)
* **Célia Deyzac** - Designer d'interactions - celiadeyzac@gmail.com - @celiadzc (idem - présente en fin de journée)
* **Damien Gosset** - Entrepreneur et ingénieur (tech / mobile) - damien@gosset.info
* **Thomas Jund** - Designer, UI developer. http://sacripant.fr - @_sacripant
## 2. Notes de la matinée
### 2.1 Pourquoi Common Future(s) ?
Cela fait un moment que les designers se posent la question de leur niveau de responsabilité sociétal. Il est temps de réfléchir autour de l'Anthropocène et de la collapsologie pour penser de nouvelles pratiques en résonnance avec l'anthropocène, les promouvoir au sein de notre corporation pour mieux anticiper les potentiels effondrements.
Cette réflexion doit se faire main dans la main avec d'autres actrices et acteurs, pour recontextualiser le rôle du design et enrichir la vision des designers.
### 2.2 Alexandre Monnin (@aamonnz)
Thèse sur la philosophie du Web. Recherche sur le numérique et le Web sémantique. Essaie de penser l'avenir du numérique et d'un point de vue écologique. S'intéresse à la **fin du numérique**.
#### Association Adrastia
S'intéresse à l'effondrement par la veille et proposent des analyses, à l'avenir des interviews de chercheurs, etc. Objectif en cours : allier l'effondrement aux communs. **Jonction en train de se faire**.
Essaie de refléter les idées de la manière la plus large possible. Description de cette activité : **collapsographie** (proposition d'Alexandre Monnin, pas la position officielle de l'association).
Question : comment agir aujourd'hui pour ne plus nuire à l'environnement ? Question autour de l'économie circulaire qui n'est pas une solution absolue.
#### Origens Medialab
Collectif Origens Medialab : https://origensmedialab.org. Travail sur le **droit des non-humains** en Bolivie, Colombie, Nouvelle-Zélande.... Les entités sacrées deviennent des sujets de droit et des entités politiques. Projet sur la dignité des objets (juridique et philosophique). Le ministère bolivien de la Terre-Mère a initié ce chantier sur les objets matérielles.
Programme de recherche-action CooPair : repenser l'enquête, collaboration entre sciences humaines et dures. Travail sur les zones de micro-effondrement, effritement local.
Qu'est-ce que l'Anthropocène fait aux entreprises et aux organisations ? Question laissée de côté par les SHS. Constradiction des organisations face à l'Anthropocène.
Londres est une ville peu durable (surtout post Brexit) : proposer un programme pour l'Anthropocène, comment atterrir sur une terre qui n'est plus inépuisable ? Double approche : comment hériter du monde aujourd'hui (existant) et fermer les futurs non viables (innovation)?
#### Projet Closing World
Comment atterir aujourd'hui (à partir du *Où atterrir* de Bruno Latour) ? Quelles solutions concrètes ? Inspirations : Bruno Latour, Tony Fry. Fermer l'innovation, dignifier les objets existant, mener une politique de l'enquête pour généraliser les cadres inventés pour atterrir.
**"Trop de futurs, pas assez d'avenir"** - Nous avons besoin de fermer l'innovation pour tout ce que l'on sait déjà être insoutenable (c'est particulièrement le cas avec le 'numérique').
**Communs négatifs** - Les communs ne sont pas que champêtres, halieutiques, bucoliques. On hérite de supermarchés en déshérence, de rivières polluées (...) Ces infrastructures existantes n'ont pas été conçues en tenant compte de l'Anthropocène. Design redirectionnel (Tony Fry).
**Besoin d'une observation terrain pour connaître => retravailler un design du monde de manière factuelle, porté par des idéaux** - Des initiatives privées existent et proposent des "solutions" à des gens qui ont de l'argent et souhaitent l'utiliser pour "limiter les dégâts au moment de l'impact". Mais plus fondamentalement, l'instrumentation juridique actuelle ne munit que pour la croissance et n'offre pas d'ouverture(s) pour s'y soustraire. Inertie climatique de 40 ans. Les énergies renouvelables ne sont pas des substituts mais des ajouts qui évitent la problématique de la sobriété énergétique. C'est un raisonnement erroné. Besoin de trouver et découvrir les moyens pour permettre un "atterissage" aux entreprises et organisations.
Présentation du projet : https://www.youtube.com/watch?v=4z8du0Aqvnc
### 2.3 Emmanuel Bonnel (ESC Clermont)
Philosophie et science(s) de gestion. Ingéniérie des organisations (on les maintient pour qu'elles puissent continuer à fonctionner en persistant dans leur logique) Projets d'exploration pour lesquels les objectifs et moyens doivent évoluer constamment. Ex : simulation de la NASA dans l'UTAH (expé. sur Mars): situation d'exploration où les attentes ne sont pas stabilisées.
**Que peut-on apprendre quand on ne sait pas ce qu'on va apprendre ?** Qu'est ce qu'une organisation dans laquelle différents êtres peuvent coexister sans que l'homme ne soit le principe organisateur ? Constat de vide stratégique. Elon Musk est un bon exemple !
### 3.4 Présentations de chacun.e
Suite à cette belle dose d'infos pour commencer, chaque participant.e s'est présenté.e.
> Je les invite dans cette section l'état de leurs réflexions actuelles, et ce qu'ils veulent proposer comme dynamique, suivant le modèle simple suivant :
**Fabrice Liut -** *Dans une démarche de connecter les acteurs locaux (de la région lyonnaise) pour faciliter les collaborations et l'émergence de dynamiques locales. Par les expérimentations locales viennent des communs pouvant inspirer une culture globalement. En cours : observation locale, interconnection des acteurs et des ressources intellectuelles et physiques. Ensuite : facilitation des collaborations pour permettre à un groupe de basculer de l'abstrait à des tests concrets, i.e. COMPRENDRE et entrer en ACTION dans le but de transformer et régénérer.*
*—Insérez votre présentation ici !—*
### 2.5 Présentation de Thomas Jund
Il va nous parler du Sénégal, avec une présentation générale de l'état local.
Thomas a fréquenté le milieu des hackers au Sénégal - mise en place d'actions pour faire vivre ce milieu. Il y a énormément de designers au Sénégal, mais ils n'en portent pas le nom et les diplômes de design n'existent pas dans le pays. En Casamance, les ressources locales exploitables sont inexistantes, donc aucun intérêt européen pour le Sénégal.
Supperposition évidente de la carte des ressources et celle des guerres en Afrique. Pour conséquences : au Sénégal il y a eu très peu ou pas de guerres.
Avoir un emploi, c'est être actif dans l'économie du pays (selon le Pôle Emploi local). Le travail n'a pas le même sens qu'en France : 10 à 15% de salariés à salaire fixe avec mutuelle et retraite. Le reste repose sur du travail informel (au noir), qui est doté, au Sénégal, de son propre ministère (rattaché au ministère du Commerce et de la consommation). Une société effondrée est définie par la fin des services publics, des droits fondamentaux (accès à l'eau & l'énergie) défendus par l'Etat et garantis par son autorité.
Au Sénégal, ces critères ne sont pas pertinents : l'économie n'est pas basée sur les mêmes critères qu'en France par exemple, il n'y a pas de salaire, donc pas de sécurité sociale supportée par des cotisations. Cette économie de survie repose essentiellement sur le travail informel. Pas de structure, pas de magasin, pas de stocks : on vend dans la rue, au fil de l'eau et des besoins. Des taxes s'appliquent cependant.
Le salaire éventuel est versé au jour le jour, l'argent est échangé directement avec le consommateur. Moins de 10% de détenteurs de comptes en banque (même si en fait, les portables permettent une bancarisation)
Une société est plus résiliente quand elle repose sur du fiduciaire (des billets). La société sénégalaise n'exporte pas, n'a pas de production industrielle lourde. La production est essentiellement agricole. Tout repose donc sur l'artisanat, et n'importe qui peut ouvrir un business avec ce qu'il a sous la main et les ressources du moment.
"Minimal viable product" : tout se vend à l'unité, du clou à la cigarette. Les déchets sont donc minimaux.En revanche, beaucoup de ce qui est consommé est du rebut industriel (produits européens non utilisés sur place) et a donc une durée de vie très courte, ce qui génère beaucoup de déchets.
Le Sénégal est encore assez illettré, donc le fait de monter une société sans savoir écrire une facture et faire leurs comptes pose problème. Solution : ne tenir aucun compte, ne rien déclarer. Quand on est embauché pour une mission, c'est le client qui écrit le contrat, qui déclare et paie les charges / cotisations directement à l'état.
La qualité de couverture santé et celle des hôpitaux est catastrophique (Lié à l'effacement du rôle de l'Etat, donc fonctionnement à l'américaine, les opérations sont payées directement par le malade)
En l'absence d'une TVA traçable et payable, l'état a choisi de taxer tout ce qui rentre, à la source des cargos. Un avion se pose, il est taxé, d'où les prix des vols vers Dakar qui coûtent plus cher qu'un Paris New York.
Les produits sont extrêmement chers. Rien n'est vraiment neuf : électroménager, véhicules... On est dans une économie de recyclage et de réutilisation. Le savoir-faire de recyclage est "magique" au Sénégal. On assiste à des tours de force. Les cars rapides sont souvent des véhicules qui roulent depuis 40 ans. Les voitures trop électronisées sont vite rejetées. Le savoir est transmis sous le principe du mentorat, à l'oral.
L'Etat tente de "nettoyer" le parc automobile des cars rapides pour s'adapter aux logiques de développement durable.
Thomas nous raconte l'histoire de Moussa, né près de la frontière avec le Mali et la Mauritanie, dans un environnement dépourvu de ressources, fait de petits villages. À 12 ans, il est parti à Dakar. Il s'est intégré aux jeunes ayant également quitté leur village natal, louant des chambres à 7 ou 8 et sortant dans la rue la journée pour trouver de petits boulots à faire. Deux fois par an, ils rentrent pour les récoltes. Comme l'état est très peu présent pour la société, tous les adultes sont présents pour les enfants et participent à leur éducation à travers l'autorité. Tout adulte a aussi une responsabilité sur son quartier, tout le monde se mêle des bagarres qui éclatent, il n'y a plus d'individualisme. Tout le monde aide tout le monde.
On arrive à des niveaux de dangerosité assez importants. Il existe des réglementations, les véhicules doivent disposer d'un extincteur, les taxis d'une licence, mais tout est détourné et la police en profite.
Comme rien n'est produit dans le pays, tout est fait à la main, sans outils. La destruction d'un bâtiment se fait à la masse. Il n'y a pas d'imprimerie, les enseignes et les publicités sont toutes faites à la peinture, en exemplaire unique. Les infrastructures sont minimalistes : un garage automobile se limite à une boite à outils et un espace dans la rue.
Dans un pays où la survie règne, la religion prend une place incroyable. Le rapport au sacré s'installe, cela résonne pour Thomas avec les potentiels effondrements à venir chez nous. Les manipulations sont énormes, les gens sont prêts à tuer pour ne pas payer leur transport et voyager jusqu'au centre religieux.
Dans le cas de l'eau, "on" tente de faire fonctionner une infrastructure qui a plus de 50 ans. Le réseau électrique est tout aussi précaire, dans certaines périodes, on a des coupures de 2-3h d'électricité dans des quartiers entiers. Thomas a vécu des coupures d'eau de 4 semaines dans une grande ville, amenant des conditions d'hygiène désastreuses. Il existe des nappes d'eau au Sénégal mais elles sont contaminées, donc des pipelines apportent de l'eau depuis le lac de Gers. Si ce pipe-line est rompu, l'absence d'industrie du pays est incapable de réparer l'infrastructure : le pays est alors dépendant des pays industrialisés pour envoyer les pièces et les matériaux nécessaires. Pendant 3 semaines de coupure, la population allait chercher entre 60 et 100 litres d'eau dans des bidons, chaque jour. La différence entre l'eau et l'électricité, c'est qu'on peut la stocker. Donc les gens stockent chez eux. Les plus riches ont un ballon d'eau sur le toit, au moins d'un mètre-cube pour tenir 5-6 jours. La consommation d'eau est bien moindre au Sénégal.
Il n'y a pas de chauffe-eau. On chauffe à la demande pendant les mois froids. Une cuisine sénégalaise s'articule autour de bassines en plastique, on s'y douche, on y fait la vaisselle... Pas de robinet, pas de douche, même à Dakar.
La contrepartie de vendre tout et n'importe quoi est l'impact écologique. Pour survivre, on affrète un container avec une petite avance d'argent et on achète à l'opportunité des objets divers : sacs en plastique, rallonges électriques pas au normes... qui sont ensuite distribués à des gamins qui vont vendre cela dans la rue. La logique est de faire au moins cher, tout le temps.
Gestion des déchets : on a distribué des containers-poubelle classiques comme on en dispose chez nous. Les gens ont saisi l'opportunité de détourner l'usage de ces containers (de grands réservoirs à roulette et à couvercle !) qui ont vite disparu. Du coup, une benne passe une fois par semaine et les gens y jettent leurs ordures. Avec la chaleur, les animaux domestiques, l'activité... les mouches sont omniprésentes, l'odeur aussi. Avec le business du recyclage, les gens montaient dans les bennes pour récupérer des matières et objets recyclables. Maintenant, les camions poubelle passent hebdomadairement et klaxonnent, il faut être là pour sortir à temps. On n'a pas de sacs en plastique, tout est ouvert et trié.
En cas d'effondrement en Europe, les plaques d'égoût, les câbles informatique, le cuivre... ne feront pas long feu.
Concernant le réseau de télécommuications : très peu de réseau Internet au Sénégal, de manière générale très peu de câbles ont été tirés en Afrique. La 3G/4G innonde les pays d'Afrique, il y a des antennes partout. On capte même au fond du grand parc naturel régional. Les portables sont encore des feature-phones à clavier, pas tout le temps les smartphones.
Les services via SMS ont explosé et sont exploités par les startups. On leur rappelle leur RDV au dispensaire par SMS ou par message vocal... On n'a pas d'abonnement, on consomme à l'unité. On achète 5000 FCFA de crédit, dès qu'on se connecte cela débite notre crédit, etc. Dans les boutiques, on achète son pain avec le crédit téléphone.
Effondrement du réseau Internet : des choses fantastiques ont été faites là bas. Un collectif cachait des clés USB dans Dakar, laissant uniquement le port USB dépasser. Un site recensait les clés posées, les gens pouvaient alors échanger des fichiers sans Internet. D'autres expérimentations ont été tentées : One Laptop Per Child. Ces machines sont devenues des relais wifi. Le projet n'a pas reçu assez de financement pour être poursuivi. On trouvait des bornes de téléchargement pour les machines sous Linux, avec des copies de dépôts de code.
Le numérique n'a pas vraiment changé la manière de se rassembler. Les gens se connaissent physiquement et leur réseau virtuel est relativement réduit. Ils n'utilisent Facebook et Whatsapp que pour se connecter à la diaspora ou les personnes à l'étranger.
Valeur travail : l'expression "tu fais quoi dans la vie" n'est pas du tout utilisée. Avec 80% de travail "informel", le travail n'est pas la vie. Les questions, c'est "tu habites où, qui sont tes parents...". La valeur travail n'existe pas, elle n'a peut-être jamais vraiment existé. On peut changer de boulot tous les 6 mois de toute façon. C'est un peu ce qui nous arrive en ce moment : notre travail change assez souvent dans notre vie, si la valeur travail disparaît, ce ne sera pas forcément une mauvaise chose.
## 3. Notes de l'après midi
### 3.1 Intervention de Fabrice Liut
Fabrice Liut : les écosystèmes humains et la permaculture des esprits. Fabrice est arrivé à Lyon il y a 7 ans et s'est posé la question des modalités de rassemblement des gens autour d'un sujet donné. Autour du design, les "Designers Lyonnais" est aujourd'hui une communauté de 2500 personnes et peut-être 1000 actifs. Même si les gens se réunissent de temps en temps, il est difficile de maintenir la dynamique.
Dans les cercles créés naturellement au sein de grands groupes, il y a des connecteurs identifiables qui pourraient fluidifier les connexions et en faire naître de nouvelles. L'idée est également de connecter les dynamiques existantes (cf. des écosystèmes comme la Cordée).
Fabrice propose d'adopter dans notre groupe une démarche de catalysation, de réorganisation de l'énergie existante pour faire émerger des choses.
Le facilitateur aide des personnes dotées d'histoires et de langages différents à travailler ensemble autour d'un but commun. Les connecteurs et facilitateurs sont souvent connus sous un autre nom. Les réseaux d'interconnaissance ne peuvent pas se rencontrer physiquement assez fréquemment pour pouvoir créer ensemble. D'autres personnes sont donc nécessaires pour servir de trait d'union. La MYNE a une configuration sociale intéressante parce que sa communauté, effervescente, n'a pas de coeur stable. Elle agrège différentes personnes de passage autour de projets qui se créent. Cela semble chaotique mais des choses concrètes en émergent. Cette propriété est enrichissante car elle peut se greffer sur des communautés plus ordonnées, où cette énergie se diffusera différemment.
Les réseaux humains ont une structure organique proche de la structure neuronale. Les périodes tribales où le contact était fondé sur l'intelligence émotionnelle ont disparu, éliminées par une forme de rationalisation. Il faut désormais identifier des points connecteurs pour créer une dynamique vers un avenir souhaitable. Les différents écosystèmes sont encore trop isolés, il faut les lier entre eux pour qu'ils soient efficaces, au delà d'une logique d'évènement. Les évènements doivent être des points de départ sur la base desquels on peut construire.
Métaphore de la permaculture : pour créer une symbiose, il ne doit pas y avoir d'accaparation par une espèce plutôt qu'une autre, sauf si elle rediffuse l'énergie sur tout le terreau.
Il faut passer rapidement par le prototypage pour fédérer des groupes et faciliter leur dialogue malgré leurs langages divergents.
Si tous les échanges sur les systèmes sont basés sur un support numérique décentralisé (type blockchain), l'information sous jacente est disponible pour tous et en toute transparence. Les gens du système peuvent s'approprier la valeur créée, et chacun peut voir quelle appropriation en a été faite. La création de confiance fonctionne sur cette couche de code disponible qui visibilise le travail et l'échange.
La notion de réseau est mobilisée comme une roue de secours en cas d'effondrement, mais c'est le réseau mobilisé par la start up nation pour être compétitif. Est-il si fabuleux que ça, qu'il soutienne à la fois l'économie libérale et son effondrement? Ne sommes nous pas producteurs d'une logique de projet alors que si on prend au sérieux l'anthropocène, les cycles de conférence répétés chaque année n'ont pas de sens. Comment penser le dernier projet de l'humanité, au lieu de penser que tout est possible ?
Les systèmes de plateforme récupèrent et confisquent la confiance créée par le tiers de confiance. Il y a peu de réseaux redistributifs, la plupart de ceux qui existent captent / collectent la valeur.
Fabrice expérimente encore des difficultés à présenter des modèles de fonctionnement distributifs et transparents. La plupart des organisations ont du mal avec ces notions.
### 3.2 Intervention de Thomas Di Luccio
Thomas Di Luccio est président de la MJC Jean Macé (Maison de la Culture et des Jeunes)
Les compétences de la MJC sont d'être un relais de l'éducation, la plupart du temps à travers des activités, souvent périscolaires. Cette organisation a une visée politique non partisane qui est d'accompagner les gens à participer à la vie de la cité, d'assumer individuellement un chemin que l'on veut prendre, au delà de la religion, de l'avis des autres... et d'avoir la capacité émotionnelle de l'assumer.
Au fil des années, nos structures se sont peu à peu dépolitisées pour devenir de simples structures dépolitisées. La MJC Jean-Macé comprenait 500 adhérents, installée dans une toute petite maison au milieu d'un carrefour. La relation avec la ville était bonne. Au cours du changement de locaux (700m2), la structure a évolué à 15% de croissance annuelle : 2800 adhérents, 800 enfants en groupes scolaires, 110 salariés, 30 équivalents temps plein... Les chiffres sont vertigineux...
Quand on regarde ça avec le spectre, le dogme de la croissance, on est en plein succès. Sauf que des difficultés opérationnelles se sont greffées en chemin. Perte de valeurs chez des salariés fidèles à la maison et se sont sentis isolés, une structure qui ne fonctionne que si on a au moins 4% de croissance par an. Pendant longtemps, on n'a eu aucun problème pour absorber les problème sous-jacents.
Puis les locaux se sont "rétrécis", la croissance a fini par provoquer moins de confort pour les intervenants, des horaires moins favorables, une perte d'élèves... Les financeurs arrivaient encore à suivre l'inflation. L'un dans l'autre, les besoins de croissance ont été compensés, jusqu'au point de rupture.
L'un des problèmes de notre modèle économique est que nos financeurs allaient toujours pouvoir nous financer et que le public allait toujours trouver un intérêt dans ce que l'on faisait. Jusqu'à ce qu'on termine l'exercice avec une balance à juste quelques centaines d'euros. Aujourd'hui, la structure est bien gérée et a 3 ans de marge avant de cesser toute activité.
Thomas a porté le message depuis avant d'être président afin d'identifier cette chute à venir. Pendant plusieurs saisons, tout le monde se trouvait assez désarmé face à cela, et voyait le mur se rapprocher sans avoir aucune idée de quoi faire. Le cheminement intellectuel n'est pas parti des ressources, mais de l'utilité sociale et la volonté de former des citoyens. Au final, les gens venaient faire leur cours à la minute, en créant une absence de moments de vivre ensemble.
La structure a connu un genre d'épuisement collectif : tout ce que la structure portait et toutes les difficultés vécues a usé les gens. "Nous nous sommes posés et avons crevé l'abcès", pour un résultat totalement différent. Au lieu de devenir l'unique moteur des activités, la structure s'est placée différemment, en "accueil" d'initiatives.
La structure a peu à peu appris à transférer du pouvoir. On remet symboliquement les clés de l'association, en faisant confiance aux structures et en leur donnant les règles. On fonctionne beaucoup plus sur le principe du troc. On accueille des compagnons en résidence qui vont faire du théâtre avec les enfants.
Conséquence : le rayonnement au sein du quartier explose, on est peut-être en train de rééquilibrer les fondations de notre maison pour ne pas dépérir, il y a plus de joie dans notre maison, les gens se sentent l'envie de rester. Avant ce changement, on ne pouvait pas donner le pouvoir, la structuration le rendait impossible.
La question dans la cité en général, c'est "à quoi pourrais-je être utile ?". Dans une structure qui accompagne des enfants, on se rend compte qu'on arrive à être un lieu où l'on se croise et où des choses se créent et vont émerger et vont partir, parce que des gens ont remarqué que des choses pouvaient s'accrocher, selon le temps que chacun-e a à donner.
On est dans un "effondrement pour riches", loin d'un effondrement politique ou des ressources, mais peut-être qu'il y a des leçons à apprendre dans ce renoncement et cette redistribution du pouvoir et dans cette redéfintion d'un collectif. **On n'a jamais été aussi utiles dans notre quartier que depuis qu'on a arrêté à tout prix de vouloir créer quelque chose**.
Thomas pose la question de comment faire face à l'inflation, et comment pérenniser les activités d'animation, qui sont mises à mal par la rémunération déficiente et le modèle d'organisation du temps.
Les premiers partenariats tissés se sont fondés sur les plus grandes faiblesses de la MJC, sur un mode réellement symbiotique. Laisser totalement mourir la structure au lieu de chercher à transformer pour assurer une survie ? La question s'est posée. Les partenaires n'ont pas l'intérêt de nous voir mourir, car des écoles seraient privées de périscolaire par exemple. En même temps, ils ne comprennent pas le besoin de nous transformer. Sûrement que si nous nous étions effondrés, les gens auraient trouvé autre chose.
La ressource de résilience sur laquelle la MJC s'est appuyée, c'est les valeurs, qui ont été le vécu de transformation.
Quand on conçoit un modèle économique, savoir qui finance est primordial. Mais celui qui finance est aussi celui qui contrôle. Plus on se met dans une situation où on est dépendants des financeurs, plus on se met en difficulté et on cède du pouvoir. Il peut y avoir des revirements politiques, des facteurs extérieurs... Pour continuer à toucher de l'argent, quels sont les paramètres ? Doit-on préserver telle famille politique pour conserver nos financements ?
Un bon consommateur est un consommateur déresponsabilisé. Le premier modèle de fonctionnement de la MJC était celui-là. Il a été remplacé par une pédagogie de désapprentissage de ce modèle là et vers une re-responsabilisation des acteurs et des partenaires. L'un des processus de résilience est un travail de déconstruction et de travail sur une re-responsabilisation.
Une des manières de transformer l'organisation a été d'agir non pas sur la prise en charge des devoirs des enfants, mais sur leur capacité à les faire, à comprendre, à s'épanouir dans leur propre assurance. **On ne propose plus des cours de musique, mais on crée des groupes**, ce qui est pédagogiquement totalement différent.
Il existe des cas où l'exploitation de ces ressources issues des valeurs peut être pervertie (woofing, travail sans rétribution pécuniaire). Sylvia évoque un projet avec la ville de Lille qui a réfléchi à un modèle de financement de tiers-lieux, avec des "appels à communs". Chaque acteur qui a reçu des financements de la ville doit participer aux communs. Comment dépasse-t-on les effets de récupération ?
Il existe un effritement continu de la mise en réseau des structures MJC. Il existe un réseau sur la ville de Lyon qui fonctionne sans moyens. C'est très délicat, la mise en réseau ne fonctionne pas, les réalités des maisons sont profondément différentes. Ça fonctionne avec les 12 MJC de Lyon grâce à leurs tailles assez similaires, ça ne fonctionne pas toujours sans frictions de par la disparité des cas. Sur les 12 MJC, seulement 3 ont intégré l'intérêt de transformation du modèle. Avec les autres, on ne sait pas se parler.
Nommer les choses pose problème. La MJC est une "structure laïque" au sens premier du terme. Thomas fait très attention aux termes qu'il utilise, qui sont très facilement interprétables. Après avoir utilisé le mot "décroissance", il a constaté un véritable cataclysme. Chacun apporte son imaginaire autour des termes, qui sclérosent le débat.
### 3.3 Mise en commun (ressources & réseaux)
*Retranscription brute prise par Marie-Cécile lors de la mise en commun. À venir : la photo des tableaux créés en groupes et la mise au propre des notes ci-dessous.*
FUTUR
- Mise en réseau de réseaux qui ne se ressemblent pas. Permaculture des esprits
- On ne peut pas penser l’Anthropocène sans penser le vivant. Besoin de décentrer la vision humano-centrée. Concentrons nous sur comment sont reliés les êtres vivants
- Internet 3.0 : être en contact avec des objets VS Internet 4.0 : relier les espèces
- PLEASED > mettre des "capteurs" sur les arbres pour décoder les signaux qu’ils produisent. On tendrait à voir ce que le monde voit de nous (les êtres humains)
PASSÉ
- Numérique : Apple, cloud computing, design, méthodes de design centré utilisateur
- Archéologie, Developpement business, Développement durable, Langues, Géopolitique
PRÉSENT
- Numérique responsable, éthique du numérique, recherche en / par le design, facilitation
- Recyclage, permaculture, culture d’entreprise et d’organisations, autonomie, open source
PASSÉ
- Web design, réflexion sur la créativité, design minimaliste, pédagogie, facilitation entre plusieurs visions et façons de faire, aide des personnes à faire des choix / se positionner
- Pratiques documentaires, réalisation de vidéo & films, écriture, production écrite et pédagogique sur les concepts clé du design (éthique, complexité, expérience)
PRÉSENT
- Liens dans les réseaux associatifs : école urbaine, assos lyonnaises, tiers lieux, Attac
- Réduction de notre impact écologique, meubles en carton, jardin(s) partagé(s)
- Thèse de doctorat : concept et représentation(s) de la _ressource_ dans le design, design des limites, place du design dans l’Anthropocène (comme question de recherche)
FUTUR
- Construire un équilibre personnel, travail et projet de vie
- Comment se placer sans se placer dans un groupe idéologique
- Ateliers pour questionner les visions de l’écologie politique
- Récit esthétique (culture, image, futurs "désirables")
- Créer des écoles multidisciplinaires / employabilité
- Recherche anthropologique, mise en politique du design
HISTOIRE
- Innocence du passé. Un gros blanc, on ne savait pas quoi mettre avant l’Anthropocène. Moment de basculement vers le présent. Rencontre de transformations institutionnelles (MJC, SSII, universités…). Question d’être fidèle à ses valeurs dans l’action collective
- Création d’outils : jouer par exemple à Utopoly, explorer les valeurs des autres
- Réseau de partage d’expériences sur les organisations "horizontales" à Lyon
- IxDA, aller chercher des ressources dans des cadres plus larges (e.g. Adrastia)
- Certaines idées qui s’imposent : repenser la ressource, dignifier le non humain,
- Repenser la manière de travailler, s’organiser en projets plutôt qu'en entreprises, inventer des 'structures' qui seront des générateurs de ces nouveaux modes d’organisation
- Repenser le système d’organisation de la recherche, pour ne pas "tuer" son objet
- Repenser la gouvernance, le consentement apparent et les formes de vote & décisions
- Design de projets de low tech pour rediriger les organisations, design sans externalités,
- Web we can afford : penser la fin du numérique avec tous les sens que ça peut avoir
- Closing worlds (fermeture des mondes) : comment atterrir ? (individus, groupes, milieux...)
- Responsible game design : est-ce que ça peut exister ?
PASSÉ
- Documentation technique, prises de notes, côté très écrit, travail sur des ouvrages, théorie de l’évolution qui réinscrit l’humanité en fonction de critères écologiques (pourquoi l’humain est singulier par rapport à l’environnement), déconstruction des mythologies écologiques qui nous mènent à l’impasse, théorie écologique de l’esprit
- Liens, contacts, visibilité côté logiciel libre, (directeur de Framasoft)
- Éclosion d’un mouvement français pour un revenu de base, connecté à des gens qui réfléchissent la société totalement différemment. Monnaies locales, etc. Contribution dans un projet écologique et humaniste de test de revenu de base [e.g. TERA].
PRÉSENT
- Associé d'une coopérative qui a initié le #codeSocial, créatrice de la "révolution du sourire"
- Études de pratiques / utilisateur, analyse de sourcing d’expert, traduction technique, capacité de synthèse, formalisation des besoins + Marques et identités complexes
- À l’origine d’Adrastia : recherche, production et analyse de données en relation avec l’effondrement : base de données dynamique sur les événements passés & présents.
- Participer, organiser, mise à disposition ponctuelle d’un lieu (e.g. Locaux Motiv). Outils.
- Cuisine, électricité, objets concrets et développement de méthodes basées là dessus
FUTUR
- Analyse d’éco-systèmes innovants. Réflexions sur les modes d’orga. (SCOP, coops.)
- Organisation, accueil de contrib’ateliers. Co-living, future of work, outil de répartition et de rétribution d’activité contributive (contribution : une part dans une "oeuvre commune")
- Communautés > Modèles économiqus pour travailler hors de la précarité après la chute
- Maillage de compétences en réparation (obsolescence programmée) - cf. [Atelier Soudé](http://atelier-soude.fr).
### 3.4 Master Exploitation > Exploration
Initié par Alexandre, Diego et Emmanuel (tentative de composer avec les contrainte de l’institution directrice en faisant passer de l’exploration sous des termes différents, ici le design s'est avété propice à cette démarche). Perspective de solliciter des designers et faire porter ce Master par un consortium prenant part à la gouvernance du programme. Dimension régionale avec Sylvia (Saint-Etienne), le réseau lyonnais des designers, des personnes de Grenoble (équipe Inria STEEP, Adrastia, etc.) et Clermont-Ferrant (Origens). Enjeu : dessiner un réseau régional en prenant prétexte de cette formation.
Par aulleurs, dès cette année 12h de formation sont dipsponible pour des designers.
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> La licence juridique de ce document doit être encore arrêté par ses co-auteurs.
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