<i class="fa fa-tag"></i> Lyon <i class="fa fa-clock-o"></i> 12-05-2017
###### Tags: `ethics by design`, `économie comportementale`
# [EbyD] Olly Wright - Une architecture de l’information éthique pour les entreprises
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Ce document est le [compte-rendu](https://docs.google.com/document/d/10auifv0wXcRe599YWXJPfkzimV_idc00s6Q_GtirvWU/edit?ts=5915b5f7) de l'intervention d'[Olly Wright](https://twitter.com/ollywright) sur la conférence [Ethics by Design](http://ethicsbydesign.fr) organisée le 12 mai 2017 à l'ENS Lyon. Il interroge la façon dont l'éthique par le design peut s'appliquer dans le monde des entreprises.
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J’ai commencé l’architecture de l’information dans les années 90 et actuellement, je suis directeur de stratégie d'[Emakina](https://www.emakina.com) à Amsterdam. En bref, je concentre toute mon attention sur l’expérience de l’usager pour des clients qui sont principalement de grandes multinationales... Autrement dit, les “méchants” ! Mais en fait, ce sont juste des gens "comme vous et moi" et ce sont surtout les règles [de marché] qui sont difficiles et qui laissent peu de place à l’éthique.
### Pourquoi cette conférence est-elle importante aujourd’hui ?
Pour répondre à cett question, il convient de considérer que quelque chose a vraiment changé ces dernières années avec la popularisation du web puis des médias sociaux, permettant à "tout le monde" de ‘publier’ des informations sur du papier virtuel et dynamique. L'idée de l'’ouverture du web mêlée à de nouveaux moyens de transmission à permis de créer un nouvel environnement qui a chamboulé le monde du business. Nous sommes à une époque où les entreprises s’ouvrent de nouvelles idéees. Le business est une opportunité d’informations.
* ++1er exemple++ : **Uber** qui nous fait penser que le chauffeur est notre ami. Une stratégie économique pour nous faire payer plus. Dans ce cas, le design sert ici à changer notre comportement, notre vision de la relation que l’on a avec celui que l’on paie pour un service.
* ++2e exemple++ : **Nest** qui vend des thermostats qui nous félicitent lorsque l’on baisse la température. L’Apple Watch, elle aussi, nous encourage à changer notre comportement.
### Le design est fait pour nous changer (rien de nouveau !)
Au XVIIIe siècle, des architectes ont décidé qu’une pièce ressemblerait à une prison ouverte, où le prisonnier est vu de tous. Aujourd’hui, on remarque des phénomènes similaires avec des applications : Tinder reforme nos relations amoureuses comme ‘disposables’ ou ‘jetables’.
La question de mauvais comportement est plus importante en business que socialement car les entreprises ont un aspect collectif. James Williams avait raison : le modèle opérationnel permet de maintenir l’ordre en (et avec l') entreprise en faisant ce qu’on nous demande de faire.
++Exemple++ : Amazon utilise les hommes et les ordinateurs au même niveau... mais l’informatique ordonne à l’Homme et non le contraire ! Le système est redoutable car le client est vite livré mais plusieurs témoignages montrent un effacement progressif de la volonté de l’employé.
Un business fonctionnel doit être efficace, profitable à tous et rapide. Si certaines entreprises pouvaient vendre de la crème glacée avec des gaufres avec du café rapidement, de manière profitable et rapide, elles le feraient ! Le produit doit cependant toujours proposer ce que le client veut profondément : il doit se sentir aidé à obtenir la vie qu’il veut ou à devenir la personne qu’il veut être. Les valeurs HUMAINES sont plus éthiques selon moi. Il s’agit de concevoir des produits éthiques ET authentiques. Sans-doute plus sincères et durables.
Comment s'y prendre ? En utilisant **la marque**. Quand quelqu’un voit telle ou telle marque, cela renvoie à quelque chose de personnel. Mais dans cette économie de l’attention, les marques doivent aussi se "démarquer". La différence ne sera pas fonctionnelle mais émotionnelle car c’est l’expérience personnelle du client qui va privilégier une marque plutôt qu’une autre.
### Rentrons dans l’architecture de l’information du business
Cette architecture se présente sous la forme d'une hiérarchie avec en haut le produit (ou service) qui définit par la suite le comportement du client. Ensuite, le modèle opérationnel qui définit le comportement de l’entreprise vendeuse. Pour qu’une entreprise soit "éthique", ces deux niveaux doivent être connectés. Le modèle d’affaires enfin, qui définit l’argent.
Le produit / service et le modèle opérationnel font tous deux partie du COMPORTEMENT ETHIQUE. C’est un défi de design. C’est en effet plus simple de MESURER la valeur que de mesurer le bonheur (d’un client, de la société…). D’où la principale tâche éthique d’un architecte de l’information : **montrer comment le comportement a un effet positif MESURABLE**.
Comment mesure-t-on cet effet positif ? Il y a plusieurs façons : en mesurant par exemple l’attention, la loyauté, l’enthousiasme, la participation, les achats d’un client... C’est compliqué car cela implique le comportement dans ce qu’il a de plus humain. Demander si le produit vendu aide le client à mieux vivre, etc. Les moyens ne sont pas (encore) tous connus à ce jour.
### La vie privée est devenu un gros problème aujourd’hui
Les clients veulent une vie meilleure mais aussi acheter à des entreprises qui pensent comme eux. La vie privée va ainsi. En tant qu’utilisateur, le privé est réduit. Mais ce n’est pas un problème si la même situation est observée en entreprise : j’appelle ça le système de RECIPROCITE. Il s’agit, pour l’utilisateur, de pouvoir observer le comportement de l’entreprise afin de déterminer si les valeurs de celle-ci correspondent aux siennes.
J’ai travaillé avec Lush qui m’a montré qu’il est possible d’être éthique en ayant du succès. L’entreprise a compris que si les choses étaient “bien” faites, le client serait attiré par cette honnêteté (réponses claires sur les produits utilisés, garantis frais, etc.). Les clients se disent : “Voilà ce que je vais acheter. C’est ce que je veux !”. L’architecture de l’information marche ainsi : être clair et donner le sentiment de ne rien avoir à cacher au client. Lush renseigne par exemple ses propres fournisseurs, montre comment exactement sont faits ses produits etc.
++Exemple++ : leur “huile de rose” dont les fleurs viennent de Turquie. Les enfants de la population locale, des gitans, participent à la récolte, une semaine par an. Lush a promis que pour le reste de l’année, ces enfants auraient droit à l’école gratuite, ce qui n’est normalement pas le cas dans le pays. Lush promet aussi que la TOTALITE des profits du produit “charity pot” sera reversée à des œuvres de charité. Leur souci de transparence se voit en rendant publique la liste des différentes organisations recevant ce don. Un autre point épineux pour ce genre d’enseignes : les essais sur les animaux. Des employés de Lush militent eux-mêmes contre les tests sur les animaux. Toutes ces valeurs, si vous les partagez avec LUSH, vous attireront en toute logique vers leurs produits.
### Un Business ETHIQUE est une politique de TRANSPARENCE
Il y a d’autres moyens : par exemple encourager les comportements altruistes, comme chez Patreon qui aide des artistes indépendants à obtenir un revenu grâce au mécénat. Mais comment trouver une valeur et une mécanique pour mesurer cet alignement entre l'entreprise et le consommateur ? Le problème revient à nos démocraties modernes : **l'accès à l’information influence nos politiques**. C’est un problème de catégorisation dans le domaine de l’architecture de l’information.
Un autre sujet : la consommation VISIBLE (voyante). Cela nous fait nous sentir bien avec nous-mêmes de porter des vêtements de marque, etc. mais aussi vis-à-vis d’autrui. Notre image sociale en dépend. Il faut être “cool”. Les entreprises surfent évidemment sur ce complexe moderne. Le jeu “Overwatch” permet de gagner des costumes (un moyen de “frimer”). La consommation “ostentatoire” est évidemment néfaste pour nous-mêmes, mais pour le monde : l’environnement en souffre par exemple de par son aspect continu. Il faut encore et toujours abattre des arbres, exploiter la nature, etc.
### Quelques points pour résumer le propos de cette intervention
* Le design moderne est un design comportemental
* Les individus vont inconsciemment privilégier un comportement positif vendu par certaines entreprises ; ce comportement positif va être immédiatement associé à la marque
* Concevez des produits et des services qui encouragent ce comportement positif
* On peut mesurer ce phénomène et ainsi déduire en quoi il aide le commerce d’aujourd’hui
* N’oubliez pas que toutes les règles sont en train de changer !
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#### J’aime votre idée selon laquelle le numérique peut agir comme un symbole, une preuve d’appartenance à une certaine classe sociale pour le client. Ainsi le numérique ne serait pas néfaste... mais en fait non.
Oui c’est vrai. On change un problème pour un autre : cette symbolique de la consommation “voyante” amène à des formes d’addiction et de dépendance. Un comportement matérialiste en somme. Et je n’ai pas de réponse à cela pour le moment.
#### Des conseils pour les petites entreprises qui n’ont pas les moyens de mesurer l’influence de leur stratégie éthique ?
En réalité, ça peut être un avantage : vous êtes plus proche de vos consommateurs. Le problème est justement quand les entreprises ne sont plus à “échelle humaine”. Une fois qu’il y a beaucoup d’employés, ceux-ci perdent la proximité. Nous cherchons la métrique des valeurs humaines. Par exemple : la satisfaction des consommateurs.
Les entreprises sont en train de changer d’organisation interne, s’éloignant de la hiérarchie classique pour se concentrer sur le bien-être de leurs employés. Par exemple : Lush et leur aspect positif face à la question environnementale. On leur disait qu’ils n’allaient pas réussir à vendre sans emballages voyants mais ils ont prouvé le contraire. En effet : ils ont aligné leurs valeurs sur celles de leurs clients, et non l’inverse. J’ai travaillé avec ces grandes entreprises. Mais d’autres vont les remplacer et avec encore plus de démarches humanistes. Si on peut aider les vieilles entreprises à changer aussi, on pourra accélérer ce processus.