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title: Mixing Cuture – Conclusion
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`Mixing Culture` [](https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/deed.fr)
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`Conclusion`
## Il pleut des cordes
Aujourd’hui, tout le monde est d’une certaine façon le curateur de sa propre vie, dans le sens où nous effectuons tous des choix dans la sélection des contenus que nous consommons au quotidien. Petit à petit, nous nous frayons ainsi un chemin singulier au sein de la culture globale, guidés par d’autres curateurs. Qu’il s’agisse de nos amis plus ou moins proches, de YouTubers ou de chaînes auxquels nous sommes abonnés, de blogueurs ou de journalistes dont nous lisons les articles, d’artistes et de créateurs dont nous apprécions le travail, de marques auxquelles nous nous identifions, de lieux que nous aimons fréquenter, ou de toute autre figure d’autorité qui croise notre chemin, chacune de ces entités agit sur notre parcours comme autant d’aiguilleurs, nous renvoyant sans cesse vers de nouveaux horizons.
L’enjeu consiste alors à dépasser cette curation sans fin, pour qu’elle devienne le point de départ d’une démarche créative que nous avons appelé “pratique du mix”, en référence à la pratique du DJ. Nous avons vu au travers de l’analyse de son processus créatif comment cette pratique découlait naturellement de celle de l’internaute que nous sommes, cet *internet explorer* parcourant le web par sérendipité, aidé par les mécanismes de référencement et de classification de l’information. Collectionneur, le praticien du mix l’est inévitablement. Organisant rigoureusement le fruit de ses recherches, il opère par sélections. Passé maître dans l’art du montage, il manipule les éléments, teste des combinaisons, effectue des assemblages par addition et autres jeux d’association. En sémionaute, le praticien du mix navigue parmi les signes et les formes de notre société. Il établit entre eux des liens, scénarisant le monde au sein duquel il évolue afin de lui donner un sens. Mais revenons à nos cordes.
[schéma cordes]
Traditionnellement, une corde en fibres naturelles est composée de torons tressés entre eux, constitués de différents fils tressés ensemble, eux-mêmes composés de fibres. Aujourd’hui, les cordes synthétiques sont constituées d’une gaine tissée (fibres entrecroisées) et d’une âme en fibres tressées, constituant la “colonne vertébrale” d’une corde.
Considérons à présent qu’une corde correspond à un projet, une œuvre ou toute forme de contenu construit. Les torons correspondent à ses unités distinguables (par exemple un plan pour un film, une mesure pour un morceau de musique, ou encore un forme ou un objet pour une image). Chacune de ces unités est à son tour composée d’une multitudes d’éléments plus ou moins fins (des fils jusqu’aux fibres). Vous me suivez toujours ? Bien.
À partir de ces cordes, le praticien du mix peut intervenir à différents niveaux. En curateur, il peut choisir des cordes qui l’intéresse et effectuer des liens entre elles en créant des nœuds, afin de former des filets sensés capturer l’esprit d’une mouvance, du travail d’un ou plusieurs artistes, d’une époque ou d’un lieu.
En DJ ou en monteur, il peut couper les cordes choisies où bon lui semble et/ou désolidariser éventuellement leurs torons, afin de les mettre bout à bout et créer ainsi une nouvelle corde, plus longue. Il pourra pour cela faire usage de différents types de nœuds (cuts, transitions) et éventuellement de quelques types de renforts par endroits (effets), afin de solidariser et renforcer l’ensemble.
Enfin, en artiste-producteur, il peut désolidariser directement les fils et les gaines de n’importe qu’elle corde pour en recycler les fibres qui l’intéressent, à partir desquels il tissera sa propre gaine autour de son âme, constituant alors lui aussi une nouvelle corde.
Ainsi, la paysage culturel actuel est semblable à une immense toile chaotique de cordes de toutes sortes, plus ou moins usées, de longueurs, de diamètres et de qualités variables, nouées les unes aux autres. Cette World Wide Culture constitue un tissage gigantesque d’informations et de contenus, que chacun à sa manière tente inlassablement de démêler. Et là où la tâche se complique, c’est qu’il pleut littéralement des cordes sans arrêt, les nouvelles venant s’entremêler aux anciennes, rendant le travail des curateurs de la toile toujours plus difficile et le nécessaire.
Cette métaphore de la corde nous permet de mieux comprendre et distinguer les différentes pratiques découlant de la pratique du mix que nous avons pu aborder tout au long de notre analyse : trois types de pratiques, correspondant chacune à trois niveaux d’intervention, trois attitudes face à l’existant, plus ou moins proches de la matérialité de l’objet.
Mais si ces pratiques sont avant tout des questions d’attitudes et de processus, il s’agit à présent de savoir quoi dire. Comment nous positionner au sein de l’altermodernité ? Quel rôle jouer ? Regardeur, spectateur, follower, playlisteur, critique, DJ, curateur, producteur, programmeur, hacker, designer, artiste, auteur ? Être à la fois chacun d’eux et tous à la fois. Tout dépend finalement de ce que nous avons à dire. Et quoi que nous ayons à dire, essayons de le dire bien.
‹ La qualité d’une œuvre dépend de la trajectoire qu’elle décrit dans le paysage culturel › dit Nicolas Bourriaud. ‹ Elle élabore un chaînage entre des formes, des signes, des images. ›[^190] Ce qui fait qu’un projet ou qu’une œuvre “sonnera juste” pour une personne donnée, réside dans la manière de résonner en elle qu’aura le regard qu’il pose sur notre société, et la vision qu’il en propose.
> ‹ La création consciente d’une distance entre soi et le monde extérieur,
tel est sans doute ce qui constitue l’acte fondamental de la civilisation humaine. ›
— Aby Warburg
[^190]: Nicolas Bourriaud, *Postproduction*, *op. cit.*, p. 36
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