--- title: Mixing Cuture – Introduction --- # Mixing Culture [![license](https://img.shields.io/badge/license-CC%20BY--SA%204.0-%23000.svg)](https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/deed.fr) :::info Mémoire de <abbr title="Diplôme national supérieur d’expression plastique">DNSEP</abbr> option Design Graphique rédigé par Timothée Goguely, sous la direction de [Sébastien Morlighem](https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9bastien_Morlighem), soutenu en juin 2014 à l’<abbr title="École Supérieure d’Art et de Design">ésad</abbr> Amiens et obtenu avec les félicitations du jury. ::: ### Résumé Où se situe la frontière entre la curation et la pratique du mix ? Mixer peut-il être considéré comme une forme de création originale ? En quoi la culture et la pratique du mix ont-elles influencé nos rapports et nos comportements vis-à-vis des produits médiatiques (images, sons, vidéos, textes, jeux, etc.) issus de notre société actuelle ? Pour répondre à ces questions, je me suis attaché dans un premier temps à deux figures emblématiques du mix : le DJ et le curateur. J’ai tenté de comprendre au travers d’une approche à la fois historique et comparative quels sont les enjeux et quelles ont été les évolutions de leurs pratiques respectives depuis leur apparition jusqu’à nos jours. J’ai établi ensuite dans un second temps une analyse détaillée du processus créatif lié à la pratique du mix, analyse qui me permit enfin d’essayer de voir en quoi cette pratique et ses différentes manifestations artistiques induisent un certain rapport au monde et aux objets culturels qui nous entourent. --- <details> <summary> Sommaire </summary> - [Avant-propos](#Avant-propos) - [Posture](#Posture) - [**Introduction** <br>*L’Atlas Mnémosyne*, aux origines du mix](#L’Atlas-Mnémosyne-aux-origines-du-mix) - **[I. Le DJ & le curateur](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-I#I-Le-DJ-amp-le-curateur)** 1. [Définitions](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-I#1-Définitions) 2. [Prémices](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-I#2-Prémices) - [Brève préhistoire du DJing](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-I#Brève-préhistoire-du-DJing) - [Des premières expositions au curating indépendant](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-I#Des-premières-expositions-au-curating-indépendant) 3. [Approches](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-I#3-Approches) - [1960s : redéfinitions des pratiques](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-I#1960s--redéfinitions-des-pratiques) - [1970s : partenariat](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-I#1970s--partenariat) - [1980s–1990s : le curateur artiste au cœur de l’industrie culturelle](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-I#1980s–1990s--le-curateur-artiste-au-cœur-de-l’industrie-culturelle) - [2000s–2010s : décentralisation, fourmis et artistes curateurs](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-I#) 4. [Curated way of life](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-I#4-Curated-way-of-life) - [Une histoire de murs](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-I#Une-histoire-de-murs) - [Curation de contenu](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-I#Curation-de-contenu) - [Carefully selected curators](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-I#Carefully-selected-curators) - [**II. I/O Creative Process**](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-II#II-IO-Creative-Process) - [A. Input](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-II#A-Input) - [1. Chercher, collecter](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-II#1-Chercher-collecter) - [2. Organiser, classer](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-II#2-Organiser-classer) - [3. Sélectionner, choisir ](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-II#3-Sélectionner-choisir) - [B. Output](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-II#B-Output) - [4. Assembler, monter](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-II#4-Assembler-monter) - [5. Montrer, diffuser](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-II#5-Montrer-diffuser) - [6. Restituer, archiver](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-II#6-Restituer-archiver) - **III. Le mix comme façon d’être au monde** 1. Culture du mix… - (Ré)appropriations - Recyclage - Postproduction, métacréation et autoréférentialité - La question de l’auteur 2. … et mix des cultures - Éclectisme - Sémionaute radicant - Altermodernité, vers une World Wide Culture ? - [**Conclusion** <br>Il pleut des cordes]() </details> --- :::warning **Système personnel d’usage des guillemets et de l’italique** `“ ”` expression `‹ ›` citation (1<sup>er</sup> niveau) `« »` citation d’un auteur (2<sup>e</sup> niveau), titre d’un article, d’une émission, d’un morceau *`ital`* accentuation, traduction, titre d’un ouvrage, d’un film, d’une exposition ::: --- ### Avant-propos Le choix de la thématique de son mémoire de fin d’étude n’est jamais chose simple. Après avoir pensé dans un premier temps travailler sur l’apprentissage de l’écriture, j’ai souhaité par la suite me pencher sur les questions liées à la représentation visuelle de la pensée et de la mémoire. Cela m’a ensuite amené à m’intéresser aux musées virtuels en tant que dispositifs contemporains de présentation de la culture, pour finalement aborder la question du mix comme processus créatif et forme d’expression à part entière. Étant moi-même DJ amateur, j’ai toujours pensé que le mix ne se limitait pas simplement au domaine de la musique. Ce mémoire a donc été pour moi l’ocassion de commencer à explorer cette idée plus en profondeur, afin de mieux comprendre ce qui me passionne tant dans cette pratique. ### Posture Dans son article « La mort de l’auteur », Roland Barthes ‹ décrit le texte moderne comme un « espace à dimensions multiples, où se marient et se contestent des écritures variées, dont aucune n’est originelle : le texte est un tissu de citations, issues des milles foyers de la culture »[^1], le rôle de l’écrivain disparaissant dès lors au profit du scripteur, dont la fonction se limite à “mêler les écritures”. ›[^2] Dans un pdf sans titre trouvé en ligne et dont l’identité de l’auteur – comble ultime – reste un mystère, la figure de l’auteur selon Barthes est comparée à celle d’‹ un bricoleur qui assemble des milliers de différentes pièces dans une totalité. ›[^3] J’adopte moi-même cette posture tout au long de mon mémoire. Tantôt maçon, essayant d’assembler des briques plus ou moins profondes, de tailles variables, de diverses époques et d’origines multiples ; tantôt ‹ jointoyeur ›[^4] essayant de combler les vides séparant ces briques. J’en ajoute ici, en retire là, en rajoute encore un peu ici, constitue des blocs, les lie entre eux, modifie leur disposition, en fusionne certains, en imbrique d’autres… et ainsi de suite, jusqu’à être satisfait du résultat obtenu. Je(u) de construction donc. ![*Atlas Mnémosyne*](https://i.imgur.com/xPqf60D.jpg) `Introduction` ## L’Atlas Mnémosyne, <br>aux origines du mix > ‹ *La création consciente d’une distance entre soi et le monde extérieur, tel est sans doute ce qui constitue l’acte fondamental de la civilisation humaine.›* — Aby Warburg. *Mnémosyne*, déesse de la Mémoire dans la mythologie grecque, est le titre qu’Aby Warburg (1866–1929) donna à l’œuvre monumentale qui le mobilisa jusqu’à ses derniers jours. Selon ses propres termes, ce grand atlas d’images ‹ propose un inventaire des préfigurations antiques ayant contribué, à l’époque de la Renaissance, à forger le style de la représentation de la vie en mouvement ›.[^5] [^5]: Aby Warburg, « Introduction à L’Atlas Mnémosyne », *Miroirs de faille à Rome avec Giordano Bruno et Édouard Manet, 1928–29*, Dijon, Les Presses du réel, 2011, p.141. À sa mort, l’*Atlas Mnémosyne* était constitué de soixante-dix-neuf planches de bois tendues de toile noire regroupées en quatorze ensembles thématiques, sur lesquelles étaient épinglées plus de deux mille reproductions d’œuvres d’art débarrassées de toute légende, provenant de diverses sources (publicités, découvertes archéologiques, cartes à jouer, coupures de presse, timbres, etc.) et de différentes époques (antiquité, Renaissance et <small>XX<sup>e</sup></small> siècle surtout). Ces images sont réorganisées par juxtapositions autour d’une idée centrale, de manière à tisser dans l’esprit du spectateur-interprète un ensemble de relations totalement différentes de leur contexte d’origine. Ainsi, Warburg nous propose au travers de son *Atlas Mnémosyne* une réécriture singulière d’une histoire de l’art purement visuelle, basée sur la confrontation d’œuvres au delà des classiques considérations stylistiques et spatio- temporelles. Si l’œuvre complexe et emblématique de Warburg aurait pu constituer le cœur de mon mémoire, tant les questions qu’elle soulève sont nombreuses, je ne m’en servirai que pour introduire les problématiques que nous allons aborder, en faisant l’hypothèse qu’elle constitue l’origine conceptuelle et historique des pratiques de mix qui virent le jour durant la suite du <small>XX<sup>e</sup></small> siècle et dont l’héritage continue de nous entourer aujourd’hui. En effet, comment ne pas y voir un lien direct — quoique lointain — avec des services de partage en ligne contemporains tels que Pinterest ? Cette plate-forme multimédia ultra-populaire ne propose-t-elle pas à ses usagers d’épingler sous forme de tableaux thématiques des images, des vidéos et des musiques pouvant être issues de presque n’importe qu’elle source ? C’est dans l’intervalle séparant ces deux extrêmes que se situera notre réflexion. Que se joue-t-il au sein de ce genre de plates-formes ? Où se situe la frontière entre la curation et la pratique du mix ? Qu’entendons-nous au juste par “mix” ? Mixer peut-il être considéré comme une forme de création originale ? En quoi la culture et la pratique du mix ont-elles influencé nos rapports et nos comportements vis-à-vis des produits médiatiques (images, sons, vidéos, textes, jeux, etc.) issus de notre société actuelle ? Quel est l’avenir de cette pratique ? Pour répondre à ces questions, nous nous attacherons dans un premier temps à deux figures emblématiques du mix : le DJ et le curateur. Nous tenterons de comprendre au travers d’une approche à la fois historique et comparative quels sont les enjeux et quelles ont été les évolutions de leurs pratiques respectives depuis leur apparition jusqu’à nos jours. Nous établirons ensuite dans un second temps une analyse détaillée du processus créatif lié à la pratique du mix, analyse qui nous permettra enfin d’essayer de voir en quoi cette pratique et ses différentes manifestations artistiques induisent un certain rapport au monde et aux objets culturels qui nous entourent. [^1]: Roland Barthes, « La mort de l’auteur », Le bruissement de la langue, Paris, Seuil, Point Essais, 1984, p. 63 [^2]: Jean-Yves Leloup, *Digital Magma*, Paris, Scali, 2006, p. 194 [^3]: http://lib.ugent.be/fulltxt/RUG01/001/414/658/RUG01-001414658_2010_0001_AC.pdf, p. 10 [^4]: Michel F. Côté, « Posture Commissurales », Esse, Montréal, Commissaires/Curators n°72, printemps-été 2011, p. 72 [^5]: Aby Warburg, « Introduction à L’Atlas Mnémosyne », Miroirs de faille à Rome avec Giordano Bruno et Édouard Manet, 1928–29, Paris, Les presses du réel, atelier l’écarquillé, 2011, p. 141 :::info → [I. Le DJ et le curateur](https://hackmd.io/@timotheegoguely/mixing-culture-I) ::: ###### tags: `Mixing Culture`