# Critique de La Fabrique de l'Ignorance 90 minutes, Disponible gratuitement ici : https://boutique.arte.tv/detail/la-fabrique-de-lignorance Ci-dessous, une critique de ce documentaire. Au sujet des abeilles. Le documentaire laisse clairement entendre que la science n'avait pas fait son boulot. "La mécanique se grippe". Or, il apparait bien que des études ont révélé dès les années 2000 le rôle des néonicotinoïdes, malgré le fait qu'il y ait "4 à 5x plus de recherche sur les causes autres que les pesticides [...] plus intensément explorées". C'est porté comme un argument (non chiffré et non sourcé d'ailleurs) qui dirait : la science à merdé. Ben non ! La science a pas merdé, elle a multiplié les recherches, et certaines visiblement attestaient de la dangerosité des néonicotinoïdes. S'il s'était avéré in fine que les pesticides étaient négligeables, *heureusement* qu'on avait exploré les autres possibilités ! Par contre, ce que me semble montrer cet épisode, c'est un défaut d'études *meta*. Mais est-ce si facile ? La difficulté de la tâche ne peut elle pas expliquer autant le défaut que l'explication toute trouvée du documentaire "la science est corrompue" ? Le tabac. "Au début des années 50, les preuves que le tabac provoquait le cancer du poumon étaient accablantes". Financement de la diversion sur le cancer du poumon vers l'amiante et le radeon. C'est sur que c'est un problème, mais serait-ce si grave, si les médias et le gouvernement faisaient leur boulot ? Si les preuves étaient déjà accablantes, alors le gouvernement et le public avaient suffisamment d'infos pour agir, par exemple interdire / arrêter la clope. Ben voilà, ça n'a pas été fait, et ça n'est toujours pas fait. C'est pas une question de science, c'est une question de politique et de choix de société. "Le suspect est devenu presque impossible à inculper" et "au début des années 50, les preuves que le tabac provoquait le cancer du poumon étaient accablantes" sont complètement incompatibles. A mon avis c'est plutôt : la science a fourni les preuves que le tabac était dangereux, mais le reste de la société ne l'a pas écoutée, même si les industriels ont un grand rôle à jouer là-dedans bien sûr (et le documentaire fait bien le montrer). L'émission télé avec le réalisateur qui insulte un scientifique qui lui expose 16 études montrant les dangers du tabac résume bien la situation : la science fait son boulot (montrer la dagerosité du tabac), malgré l'intervention des industriels (qui sont évidemment fautifs), mais c'est **les médias, la justice, le gouvernement, les gens**, bref le reste de la société qui ne fonctionne pas selon les principe de la science, c'est eux qui merdent. Le sujet de la catastrophe climatique est bien révélateur : malgré l'immense consensus scientifique, présent depuis des dizaines d'années, eh bien... on ne fait rien, et pire on empire le problème. On connait toutes les solutions, la science est devenue incroyablement sophistiquée mais ses messages sont les mêmes depuis 30 ans. D'ailleurs, c'est assez révélateur qu'à 30 minutes dans le reportage, ni Le Monde, ni Arte, pourtant aux commandes du reportage, n'avouent que les médias ont joué un énorme rôle dans ces scandales, et en jouent toujours un immense. Pour Arte par exemple, qui a une ligne éditoriale très franchement anti-nucléaire. On peut citer comme exemple la [manipulation du reportage An Zéro](https://www.lexpress.fr/actualite/idees-et-debats/catastrophiste-et-bete-une-realisatrice-d-arte-desavoue-son-propre-documentaire-sur-le-nucleaire_2148853.html) en piétinnant la science et surtout la volonté d'une des deux réalisatrices (note : je ne l'ai pas vu, juste lu des critiques et la réponse à côté de la plaque d'Arte), et en utilisant exactement la technique décrite plus haut, mettre la faute environnementale et sanitaire sur le nucléaire alors que les scientifiques sont unanimes : le charbon est plusieurs ordres de grandeur plus dangereux, tout comme les effets du réchauffement climatique dus à la combustion du gaz qui remplacent le nucléaire en Allemagne, en Belgique... donc autour du Luxembourg. Revenons à La Fabrique de L'ignorance. A quel moment le documentaire évoque le fait que les études scientifiques sont très rarement citées (mis en lien hypertexte tout simplement) par les médias dans leurs colonnes ? Que les chiffres les plus vendeurs sont tirés sans contexte ? Que les journalistes n'ont le plus souvent **pas lu** l'étude en question mais en relaient l'information la plus impressionnante ou polémique ? La Fabrique de l'Ignorance, c'est donc aussi Arte le pompier pyromane qui préfère ne pas parler de ses déviances (ou n'y arrive simplement pas, ce qui se comprend). Minute 42, Arte affiche plusieurs innovations en disant implicitement que ce sont les majeurs de controverse scientifique actuelle : le micro-ondes, les OGM, la 5G, le Wifi, le glyphosate. Ah ben tiens ! Pas de mention de la pollution de l'air due aux voitures ? La pollution due au chauffage au bois ? Aux centrales à charbon ? La sédentarité ? Il y des dizaines de choses de nos sociétés modernes dont les effets sur la santé, là en ce moment à coups de milliers de morts par an, sont avérés par la science. Arte ne serait-elle pas en train de noyer ces causes de mortalité **avérées d'un ordre de grandeur supérieur à celles citées**, donc à bombarder l'auditeur de doutes et de peur pour que cet auditeur oublie que ce qu'il pratique dans la vie quotidienne (par exemple prendre sa voiture, ou se faire livrer un deliveroo), **tue** ? Bien sûr, Arte peut répondre : "oui mais pour la pollution de l'air, la sédentarité il n'y a plus de doute, donc on pointe du doigt les choses sur lesquelles il y a des doutes". Pourquoi ne pas le faire ? Je trouve personnellement que c'est une variante douce de la stratégie de diversion évoquée plus haut et reprochée aux industriels du tabac. Et puis je note une sacré infox sur "la dose fait le poison, l'effet est proportionnel à la quantité absorbée". C'est n'importe quoi ! Si j'ingère 1l d'eau en une journée, je n'ai évidemment rien, c'est carrément positif. Si j'en ingère 3, c'est pareil. Si je passe à 10l, je meurs. Ensuite ils expliquent que la découverte de cette notion de non linéarité dose-danger bouscule les toxicologues. Qui ne savaient donc pas que l'eau était mortelle :rolling_on_the_floor_laughing:. Non, Arte a confondu le mot "proportionnel" et "croissant". Un problème avec les termes scientifiques de base dans un média de premier plan ? Ce qui n'empêche pas encore une fois que clairement, le sujet est polémique et que les industriels pourrisent vraisemblablement la recherche. Foucart : "on ne saura jamais l'étendue des effets du bisphénol A sur la population, parce que tout le monde [sur terre] est exposé". 10 secondes après : "certains pays ont commencé à interdit le bisphénol A". Donc en fait on pourra savoir ^^. On pourra donc étudier la différence entre les bébés du Canada et de la France, sans biberons au BA. S'en suit un passage très inquiétant sur les réseaux sociaux. "Les réseaux sociaux ressemblent au moyen idéal pour entretenir des communautés d'opinion". Oui, mais il y avait quoi avant ? Qu'est-ce que les réseaux sociaux remplacement, avec quels bénéfices et quels inconvénients ? Comment se comporte la diffusion d'idées reçues avant internet ? C'est pas du tout évident que le bouche à oreille d'avant internet, doublé de l'autoritarisme de l'information dirigée par l'Etat (et comme aujourd'hui, les entreprises influentes), moyens de communication plus présent avant qu'après les réseaux sociaux (ou pas ? c'est une bonne question) soient moins une fabrique de l'ignorance, qui nous ont conduits par exemple pendant longtemps à croire que la saignée était une bonne idée, et toujours aujourd'hui que l'homéopathie soigne au-delà du placebo, ou encore que marcher 10 minutes sous la pluie nous fait en général attraper un virus. En conclusion. - bien sûr qu'il faut douter des études scientiques, personnes n'est à l'abri des erreurs ,biais, perversions de carriérisme, etc... et encore davantage de celles issues des industries plutôt que de la recherche publique financée par les citoyens. C'est bien de le rappeler, le reportage le fait bien. Il faut s'assurer que les chercheurs ne sont pas corrompus discrètement, dans le dos des déclarations d'intérêt. Mais rappelons une chose : une étude non reproductible n'est pas une étude scientifique. Donc théoriquement, une étude scientifique correcte, même financée par l'industrie, fait avancer la science, tant que le reste des acteurs (voir la majorité ?) est libre et financé. Evidemment, en pratique les difficultés font que le côté reproductible est loin d'être évident, mais on peut faire de très grand effort dès aujourd'hui. - la fabrique de l'ignorance, plutôt que la faillite de "la science", c'est bien davantage l'ignorance crasse de la méthode scientique d'une large partie de la population, mais surtout de l'élite journaliste, politique, et dirigeante en général, incapable de ne pas se faire corompre pas les industriels (entre autres), qu'Arte illustre magnifiquement. Arte, qui publie le reportage "La Fabrique de l'Ignorance", est un acteur de la fabrique de l'ignorance en 2021. Comment y remédier ? Former davantage à la science, à l'esprit critique, de l'école aux formations pro. Ne pas reposer ses idées sur une unique source.