# Karellis 2021
\- "mais il arrive Jean-Gab! Regarde il est presque au parking, je fonce lui demander s'il dîne"
Nous sommes jeudi soir, 21h, à l'apéro aux Capucins (hôtel recommandable d'Avallon dans le Morvan), je suis à table avec Xavier quand notre cascadeur préféré arrive avec son pneu neuf sanglé à l'arrière de sa 250wrr.
\- "L'équilibre de la moto est un peu malsain mais ça va".
(Tu m'étonnes, tu vas le sentir passer, l'équilibre.)
Un petit dîner bien envoyé et hop, magie de l'écriture on est déjà demain matin au petit dej'. On a pas vu pourtant un Malamut nous dévore des yeux "donne moi ton petit dej' copain".

8h15, tout est sanglé, broap broap on quitte la région guidé par "Kurviger Pro" qui en quelques *secondes* de configuration nous pond un roadbook magnifique, que j'aurai peiné à égaler en 30 minutes d'édition manuelle.
On effleure le Morvan par le nord, Pouilly en auxois, nuit st George, Saint Amour, Saint Julien (une tendance se dégage...)...
Nous prenons rdv avec Jérôme pour finir la route ensemble à partir de Lescheraine mais notre retard cumulé avec l'inaptitude de Jean-Gab à descendre d'un col sans se bourrer (- "c'est mon chargement qui déleste ma roue avant") nous font arriver tous les 3 un peu avant 20h. On a raté le briefing parce que Jean-Gab c'est aussi bourré dans la montée. ( - "oui mais mon chargement …"). Du briefing, on nous rapportera que les roadbooks experts contiennent des "sucettes", mais qu'on y a jamais vu de "Condé". J'ai rien compris, je vais me contenter de suivre le roadbook modéré demain matin, rdv 8h15.

Le lendemain matin, 8h15(++) il fait déjà moyennement chaud, mais nous décidons tous de partir avec une petite couche thermique "parce qu'on ne sait jamais". Il faudra moins d'1 km pour qu'on ajuste l'équipement: faut déjà baisser la température corporelle. On attaque fort: dès la sortie du parking ( = les pistes de skis devant le centre de vacances) ça monte raide, la 790r (que je n'apprécie vraiment pas d'avoir à la place de ma 500 préférée) chasse gentiment, dérive, contrôle la traction, et me mène sans vice de grimpette en virage et de virage en grimpette.

Nous sommes à 1600m, la forêt est clairsemé, entre poussière, roche et verdure, il fait beau et j'en chie à retrouver l'équilibre debout. Le confinement a effacé un peu de mémoire musculaire…
Notre groupe est un poil large: une dizaine de copains: Xavier, Jean-Gab, Bruno, Arnaud, Benoît, Luc, Geoffrey, Jérôme, Laurent, Michel, Yaya... Et composé de moto très différentes : 790r, t7, 690, 701, 400drz, Himalayan, 250wrr, 250 crfl. Mais on maitrise la gestion fluide ET bordélique du groupe grâce aux intercom. J'ai un stock de petite radios que j'ai distribué à tous, on y balance les infos au fur et à mesure, en auto gestion (ie: en savant bordel) et ça marche super bien.

Depuis le domaine des Karellis, nous avons l'immense chance de pouvoir parcourir le domaine skiable de Valloire. Les paysages sont à couper le souffle. Les pistes sont larges, parfois très roulantes et poussiéreuses, et serpentent entre les remontées mécaniques. La météo devait être catastrophique, pourtant nous profitons du ciel bleu et de quelques nuages paresseux qui soulignent les dimensions spectaculaires des montagnes. Il est déjà 11h bien passé, un passage à la station puis au bar nous rafraichit avant d'attaquer ValFréjus où le roadbook prévoit la pause déjeuner.
Sur le domaine on attaque une pente raide encombrée de grosses pierres. Elle est occupé par une paire de gros trails dont l'assaut a été interrompue par une énorme rigole d'évacuation de l'eau … en plein dans la "rampe" d'accélération. Les tankés nous incitent à franchir par la droite, où les angles sont moins vifs: ça passe avec un peu de muscle, "mais pas trop". Cette première difficulté malaisante nous fait perdre Michel et Yannick. Une pelle et un refus d'obstacle ( - "j'veux pas tirer ma première à fond"): on retrouvera Yannick un peu avant la pause déjeuner, et Michel doit encore être encore au fond du ravin.
On déjeune un panier repas "à assembler soi-même" qui nous a été fourni par l'orga, dans un chemin ombragé envahit d'énormes fourmis. Une petite sieste sur le banc aurait été bienvenue si il n'était pas déjà occupé par un dormeur.
Retour dans la vallée de la Maurienne: on a décidé de couper un aller/retour par la même piste pour ne pas se taper des motos en sens inverse. On va directement au nord des Karellis pour la fin du roadbook et on monte, on monte, une série de pistes qui nous conduit à 2600m, au bout du bout de la piste. Le paysage c'est métamorphosé. Les arbres ont disparus depuis longtemps, les pierres cassantes ont cédé la place à la boue alimentée en eau par la fonte continue des névés. Même plus de verdure... Ca patine, ca gadouille, ca se resserre. Je commence à lever les pieds pour ne pas heurter les pierres, préoccupé de vérifier que mon bas de réservoir élargit ne heurtera pas une arrête rocheuse. 100m avant le sommet c'est la fin: la piste est tellement fine qu'on peinera à retourner nos motos, coincés entre le vide et la neige. On aurait pu/dû jeter les pierres qui barraient le passage, mais vu la masse (une demi tonne ?), je trouvais que c'était une très mauvaise idée de lancer ça en "roue" libre dans la pente.

"Et c'est très beau, allez on se casse". La descente fait partie des passages un peu épique. Je m'en souvenais et la redoutais un peu, mais finalement, bon… debout, en première bien en arrière, un doigt sur le frein: ça passe. Si on ne fait pas de geste brusque on peut même trouver ça facile, mais impressionnant: ça dure ça dure, et parfois on passe si près du bétail qu'on pourrait leur rouler sur la queue.
C'est 16h, et 16h avec les copains de chez Nord-Enduro-Trail, c'est l'heure de la Dame Blanche. Coup de bol total, on tombe sur un chalet avec des parasols qui nous a servi les indispensables coupes de glace. Je ferme les yeux, et je m'endors une minute… Gni ! Et on repart pour un retour tranquille, normalement par la montée bitume vers les Karellis (qui sont pile dans la pente en face): la journée est finie…
En fait non. La trace nous emmène sur un site industriel, où on emprunte une voie d'accès cachée pour remonter par une très longue série d'épingles non revêtues et un peu cassantes. Mais … par le pouvoir de la dame blanche (ancestrale) et de la sieste d'une minute ! Je vole, je file … je … je suis à l'aise. Il m'aura fallu la journée mais je retrouve un peu de rythme au guidon de la 790r. Les épingles passent maitrisées debout avec enfin l'impression que ça n'est pas un hasard, et les relances envoient le minimum syndical. On enfume les filles dans la montée (coucou Carole & Françoise !) et on déboule au milieu de la montée bitume, où je tombe sur Jean-Gab qui arrive par la route: il fait partie de la team "jusqu'au bout" qui n'a pas court-circuité la trace. Malheureusement sa roue avant est complètement voilée: les rayons desserrés lui ont salement voilé la roue et il aura préféré rentrer.
Ravis de me débarrasser de mes bottes puantes (euuuurk) et remettre des vêtements normaux, je rejoins les autres, arrivés bien plus tard: en suivant Jean-Gab par le bitume j'ai zappé un bout de piste "Extrême" caché dans le roadbook "modéré". Une montée si dure que personne n'est passé. L'orga est un fourbe de cacher ce genre de "pépite" en bout de trace. Méfiez-vous, cet homme touche forcément une commission de l'hôpital et/ou de l'hélicoptère des pompiers. Geoffrey et Jérôme, de la team "jusqu'au bout" arrivent à ce moment là. Du rythme, pas de pause (pas de dame blanche) ca compte !
Grande bière au soleil, on monte la wrr de Jean-Gab sur le tabouret d'entretien et Geoffrey commence à jouer de la clef de 6 pour redresser peu à peu sa roue avant. Avec Jérôme on utilise nos pouces comme comparateur, et on fait la moyenne des erreurs, pour aboutir à un truc pas dégueu du tout. Je savais/osais pas faire, et en finalement c'est pas sorcier.

20h, c'est l'heure, un peu bourré, de prendre ses jambes sous le bras (heu) et de rejoindre le lieu du BBQ 2km plus loin. Au bord du lac de Pramol, il y'a des couvertures à disposition par terre, un musicien qui joue vachement bien, et des tables qui servent librement les différentes parties du repas. C'est top. Pour un peu (et par manque de courage de rentrer) on bivouaquerai là. ( - "C'est quand même beau la montagne" - "c'est vachement intéressant ce que tu dis, t'as pas un crayon que je note ?" ©). Je crois que Jean-gab théorise un truc à propos des vertus du brownie à cicatriser les hanches: il en reprendra trois fois. (- "mais il est tombé que deux fois ?" - "chuuuut, attendez demain" …)

Retour à pied, un dernier verre dans la salle du bar, 'core un dernier mais un p'tit, Michel est vivant ! Bref une excellente soirée pleine de discussion de moto, de bonnes surprises et de gourmandise à manger et à boire.
Le lendemain matin, 8h15, Geoffrey a une tête agarde, il n'a pratiquement pas dormi, donc il décide sagement de ... "Partir seul devant pour tous les pourrir!". Heu mais à ce rythme il aura pas de dame blanche lui.

Quant à nous, on a moins la pression qu'hier : on a bien survécu une fois, aujourd'hui on est même pas parti qu'on est blasé en mode "t'façon on connaît". On part tranquille par le bitume dans la direction du lac de hier soir, un beau chemin roulant à gauche, puis une fourche triple qui me met le doute... l'IGN me confirme le single de droite, où je croise Geoffrey qui en revient et qui me fait "non non non". Bah je suis joueur je fais "si-si-si" et j'enquille. Je sens que derrière ça dubite, je doute, le chemin réel s'éloigne de la trace virtuelle... J'annonce à la radio successivement: "c'est pas bon" - "demi tour" - "attendez je vais voir quand même" - "ça a l'air bon" - "continuez" (de faire demi tour, ou d'aller tout droit ???). Et du coup on prend cinq minutes à rassembler les éparpillés à coup de radio.
Cette pause un peu mal gérée m'agace et c'est avec du rythme que je me lance dans la descente suivante. Longue descente. Une ou deux Himalayan me doublent (Arnaud/Bruno/Benoît sont des boss au guidon, et ces petites motos auront été carrément épatantes tout le weekend.) Arnaud a du rythme en descente, d'ailleurs vu qu'il a des pneus mixtes un peu léger qui l'empêchent de freiner il n'a pas le choix.
Les freinages sont de plus en plus en vrac, sorti de forêt la température monte, la piste s'assèche, les pierres sortent de terre, grossissent, roulent. Les épingles n'ont plus de trace, que des pièges, ça devient rapidement trop dur. Je passe les trois dernières épingles en manœuvrant à pied. Debout j'aurai perdu plus d'énergie à me relever d'une inévitable gamelle.
Enfin, l'arrivée. J'y ai laissé un peu d'énergie, et rapidement je m'allonge au frais pour attendre la queue de peloton pour qui ça doit être l'enfer.

Et ils ne sont pas si loin, on les entend déjà qui s'entraident deux épingles plus haut. Tout le monde arrive sain et sauf et après s'être raconté nos malheurs on roule jusqu'à la pompe a essence en vallée. Compte tenu de ce bout de route bitumé non négligeable, on aura parcouru 20km en 1h20! Il est presque 10h et on a plus que 120km à faire... Avant de déjeuner !
Heureusement, la suite va être plus facile : on monte vers le "col de la Baise" avec deux S: Puuuuuuutain sa maman. Une montée raide de dingue, une voie pleine de poussière et l'autre pleine de pierres, entre le vide à droite, un mur de roche et une gs adventure qui redescend en perdition. C'est long, je ne trouve jamais le repos, il faut gaser et gaser encore pour ne pas perdre l'élan, tirer sur le guidon tout le temps pour conserver et reprendre un peu de vitesse. Il faut virevolter de droite à gauche pour rester sur la trace qui passe et pas l'autre, alors que souvent elles se croisent... Des gars à pied avec des appareils photos commencent à apparaitre au sommet: ils attendent qu'on se bourre dans les dernières difficultés qui fleurissent dans cette montée qui n'en finit pas... Mais enfin, enfin ! Du plat, une petite accalmie... Je calcule rapidement qu'il n'y aura pas assez de place pour tous : je ne m'arrête pas, je prends l'épingle et je relance pour encore un peu de montée.
Finalement, ça se termine. Je me gare où je peux, et rapidement rejoint par une bonne partie de l'équipe, on attend à l'ombre, assis dans l'herbe fraîche et on débriefe. Yannick est hilare, il dit: "... À fond de première tout le temps. A un moment voyant de surchauffe: je m'en fous je reste soudé, j'peux pas m'arrêter". Ah, et puis on a encore perdu Michel dans le ravin.

On repart, il reste un peu de chemin avant le col mais plus rien d'aussi difficile. Au col nous court-circuitons les 2x3km de crête aller-retour parce qu'il nous reste une distance impossible à tenir avant le déjeuner. On attaque directement la descente du col, réputée difficile selon les éditions précédentes.
Effectivement, c'est d'un niveau certain. Avec les deux freins ca marche mieux que un (habituellement je ne prend jamais le frein arrière): la moto se cramponne bien, ça descend régulièrement sans caler, sans travers, et sans panache, si on oublie la pente à faire perdre l'orientation, et le mec avec les deux chevilles foulées qui clopinait appuyé sur des branches. (Il a été secouru dans la demi-heure par un voisin qui l'a ramené en jeep willis état collection) J'ai juste eu à bien relâcher le frein avant les difficultés: laisser faire la moto, et reprendre gentiment le frein à un doigt pour ne rien brusquer quand la trace redevient propre.
Un petit mot technique sur la moto: Les suspensions sont fantastiques. J'ai remis 3 clicks dans la fourche et l'amorto parce que je roule très libre sur la route: ca a fait une différence énorme. l'abs offroad n'a pas bronché une seule fois. Le traction-control offroad est bluffant. Ni dans la coupure brute, ni dans la castration: uniquement dans le contrôle total. A part sa catégorie (une petite vache de 180kg) rien à dire sur ma ktm: c'est de la bombe, ca marche hyper bien. (Mais-j'aurai-préféré-mon-enduro-quand-même).

Après avoir rassuré les copains du blessé qui avaient fait le tour pour venir le secourir, on reprend la route et des chemins plus faciles pour trouver où se poser: aller tient: sous les derniers arbres à 1600m pour casser la croûte. Ce matin on avait encore quantité de bon produits à notre disposition pour faire notre pique-nique. Avec les secousses, hier le menu c'était purée d'aliments méconnaissables au goût d'entrée-plat-dessert. Aujourd'hui les boîtes sont mieux organisées et les saveurs un peu mieux séparées. Michel, qui est encore sorti du ravin ("le chat était toujours vivant") déballe un kit rechaud, des tasses, du thé et du café. Trop bon, trop royal (Einfield) dans ces conditions.

Deux invités surprises rencontrés dans la montée du fameux col reprennent la route du camp pour rentrer chez eux: tout le monde n'a pas pris son lundi (que dis-je: son mardi !) pour rentrer sereinement.

*(Oups la route a tourné)*
Nous on reprend les chemins à nouveau (décidément, toutes ces pauses) qui sont beaucoup plus roulants. On a accumulé un retard irrécupérable, mais on va se rattraper: la portion qu'on vient de finir est bien plus roulante. Je le sens, tout le monde à la rage, on va envoyer du lourd, du sauvage, survoler le terrain, s'envoler, se stratosph… - "DES PARASOLS ROUGES !!!" - "Quoi ?" - "Y a une créperie, ils font des glaces !" - "Bonjour madame on sera 11, vous faites des dames blanches ?"
…
C'est pratiquement à ce moment là que Geoffrey l'éclaireur nous incite à couper une grande boucle: il n'a pas kiffé, et nous ca nous arrange bien rapport au Pavlova que j'ai devant moi à la crêperie.

Enfin redescendu dans la vallée: je peste de ne pas trouver de pompe: j'ai été un peu limite sur mon dernier plein: bien sûr que je ne roule pas dans les chemins avec 450km d'essence (pub gratuite): là mon autonomie indique parfois 60, parfois moins, Mais elle n'aura pas tort: il restait 45km de chemins mixtes fort agréables, et je ferais le plein avec 15km d'essence restant. Ah mais je parle d'essence, sauf que juste avant, il y'a eu une série d'épingles bitumées mais sales, dans laquelle j'ai roulé gentiment, mais avec du respect pour le sport. Quel évènement me fait revenir en arrière ? Bah le sauvage qui a doublé les mecs qui me suivaient par paquet de 3, m'est passé devant avec un style qui puait la gaufre (la crêperie n'en faisait pas) et qui s'en est mis une dès l'épingle suivante parce qu'une pierre a traversé sans regarder. C'est dingue, Jean-gab des fois il a les cheveux qui puent le fusible cramé, je ne sais où il range sa réserve mais il en consomme des marqués "gros ampérage"… Ca ne lui fera qu'un troisième tulle-gras sur les hanches.

Toujours est-il que c'est sans plus d'histoire particulière que nous rentrons à la base: le chemin industriel a été neutralisé, cette fois on remontera par le bitume, avec assez de chemins shunté pour être nickel à l'heure pour un bon apéro.
Same player shoot again: on se colle devant le parking, au soleil: On picore charcuterie, fromage, et bonne petite chose du coin offerte à l'apéro (et il y en avait largement pour tout le monde), il y'a des tournées de bière - "Première journée sans m'en mettre une !" pour Yannick. Puis le repas: belle ambiance à table, puis surprise: il y'a une scène cachée derrière un rideau, un orchestre qui joue quelques reprises super bien arrangées, un vieux deux temps qui déboule dans le réfectoire pour enflammer les spectateurs … et Yannick qui gagne un concours de like (et une bonne bouteille de champagne !) alors qu'on ne savait même pas qu'on jouait.
Ensuite le concert au bar, une dernière tournée et au dodo: c'était vraiment fameux et le lendemain au petit dej' les anecdotes et les extraits vidéos tournent. Puis on fait les sacs, les adieux déchirants sur le parking, et on reprend la route vers les prochaines aventures avec les copains.
