# Préservation de fertilité pour les personnes trans en france
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*Support de pair-aidance écrit par biyokea (📩 `@biyokea` sur discord) de l'association [Fransgenre](https://fransgenre.fr/), me contacter en cas d'erreur/imprécision ou pour toute suggestion*
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Les personnes trans envisageant un traitement hormonal et souhaitant ++conserver leur potentiel de fertilité++ peuvent, en France, avoir recours à des **techniques médicales de préservation de fertilité** (principalement conservation de gamètes (ovocytes ou spermatozoïdes) chez les adultes). Informations sur l'accès, le déroulement et les modalités pratiques.
[ToC]
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# Principe et justification médicale
En France, les préservations de la fertilité sont possibles soit pour raisons médicales, soit (depuis la loi bioéthique en 2021) chez les adultes sous conditions d'âge sans justification médicale. Dans un cadre médical, il s'agit d'une précaution prise avant un traitement posant un risque pour la fertilité ; principalement dans des cas de cancer, mais aussi dans d'autres circonstances, dont les traitements hormonaux pour une transition médicale.
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**Pourquoi faire une préservation de fertilité ?**
Les effets sur la fertilité des THS ne sont pas entièrement élucidés ; on sait qu'il est possible d'être fertile sous THS, et qu'il est possible de regagner sa fertilité à l'arrêt d'un THS. ++Si les données actuelles sont globalement rassurantes, il n'est pas possible à l'heure actuelle de garantir une reprise de fertilité systématique à l'arrêt de son THS.++
On conseille donc :
- si on ne veut pas de grossesse, partir du principe que le THS ne rend pas stérile et utiliser une contraception
- si on envisage une grossesse dans le futur, partir du principe que le THS peut rendre stérile et envisager une préservation de fertilité
L'article [Préservation de la fertilité chez les personnes transgenres :link:](https://doi.org/10.1051/medsci/2022154), Puy et al., 2022 est une bonne ressource introductive, je vous recommande sa lecture ! Pour une revue plus détaillée, lire [Fertility in transgender and gender diverse people: systematic review of the effects of gender-affirming hormones on reproductive organs and fertility :link:](https://doi.org/10.1093/humupd/dmae036). De Roo C et al., 2025.
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# Accès et modalités pratiques
Pour qui ?
: Une préservation de fertilité médicale dans le cadre d'une transition de genre est accessible à toute personne allant entamer ou ayant déjà entamé un traitement hormonal (principalement testostérone et/ou oestrogènes mais aussi bloqueurs de puberté). Il n'y a pas de conditions d'âge, de suivi en équipe spécialisée, de suivi psy, d'identité de genre, etc. (c'est donc une possibilité pour les personnes mineures, non-binaires, suivies en libéral, n'ayant pas d'attestation psy quelconque, etc.)
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Où ?
: Les préservation de fertilité se font dans des centres spécialisés, les CECOS (Centre d'Étude et de Conservation des Oeufs et du Sperme humain), généralement situés au sein d’hôpitaux, en lien avec les services d'AMP (Assistance Médicale à la Procréation).
La liste des CECOS de France est disponible [sur le site de la fédération des CECOS :link:](https://www.cecos.org/les-cecos/) ; n'hésitez pas à demander l'accès à la [carte de Fransgenre :link:](https://fransgenre.fr#carte) pour prendre connaissance de retours d'expérience sur les différents CECOS (et n'hésitez pas à contribuer à la carte à votre tour). À ce jour, tous les CECOS font des conservations d'ovocytes et de spermatozoïdes, mais tous ne prennent pas en charge des techniques moins fréquentes (congélation de tissu ovarien ou testiculaire), les adolescent·es ou les gamètes à risque viral.
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Accès & adressage
: Pour faire une préservation de fertilité, il faut contacter un CECOS, soit le ou les plus proches de soi, soit d'autres (notamment si les délais y sont plus avantageux ; mais certains CECOS refusent les personnes hors secteur) pour un 1er rendez-vous.
Chaque CECOS peut avoir une procédure différente, mais il faut justifier de la nécessité médicale de la préservation :
: - si vous n'avez pas encore entamé de THS, généralement via une lettre de votre médecin prescripteurice expliquant que vous aller en commencer un. Parfois une ordonnance de THS peut suffire, et il est souvent possible d'organiser les rendez-vous et de commencer le parcours sans justificatif (en expliquant être dans une démarche de transition)
: - si vous avez déjà entamé un THS, soit de la même façon, soit parfois sans justificatif, le fait que vous soyiez déjà sous THS pouvant suffire
Dans tous les cas n'hésitez pas à contacter un/des CECOS pour vous informer sur les modalités d'accès et les exigences d'adressage.
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Coût
: Si vous êtes affilié·e à la sécurité sociale (c'est notamment le cas si vous avez une carte vitale), **une préservation de fertilité pour raisons médicale est ++entièrement prise en charge par la sécurité sociale++**, que vous ayez une mutuelle, la CSS/ex-CMU, une ALD ou non (une ALD 31 pour transidentité n'est donc pas utile pour une prise en charge de préservation de fertilité). Par contre, l'AME ne prend pas en charge ces coûts.
Le CECOS vous proposera de faire une ++demande de prise en charge à 100%++ pour votre préservation (dispositif et fonctionnement similaire à une ALD classique, mais avec certaines différences), permettant une prise en charge intégrale hors dépassements d'honoraires. Les dépassements d'honoraires dans ce cadre sont assez rare et concernent principalement la réalisation d'examens lors d'une ponction d'ovocytes par des médecins secteur 2 (dans le cas où vous ne voudriez/pourriez pas réaliser les examens au CECOS, ni auprès de praticien·nes en secteur 1).
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Délais d'attente et durée
: La durée d'une procédure de préservation de fertilité et **les délais pour y accéder varient énormément** d'un CECOS à l'autre et selon le type de conservation. Les délais pour un premier rendez-vous varient de quelques semaines à plusieurs mois.
: - Pour une congélation de sperme, la procédure est assez simple, pouvant s'effectuer en un à deux rendez-vous. Après un premier rendez-vous, on peut compter ++environ 2 à 6-8 semaines++ au total.
: - Pour une congélation d'ovocyte, le processus est plus compliqué, impliquant une période de stimulation hormonale d'une dizaine de jour puis une ponction chirurgicale. Le processus lui-même ne dure pas des mois mais notamment pour des raisons pratiques (disponibilité etc.) implique beaucoup plus d'attente. On peut compter ++plusieurs mois (parfois 2-3 mois, plus généralement 6-9 voire plus)++. D'où l'intérêt de s'y prendre à l'avance si possible.
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Quand faire sa préservation de fertilité ?
: - Pour une préservation de spermatozoïdes avant une prise d'oestrogènes : **idéalement, avant de commencer son THS**. Mais il est souvent possible de faire une préservation de fertilité plus tard, à condition d'arrêter son THS pendant plusieurs mois - mais sans garanties.
: - Pour une préservation d'ovocytes avant une prise de testostérone : **avant de commencer son THS ou jusqu'à quelques années après**. Il faudra idéalement interrompre sa prise de testostérone 1 à 3 mois avant le début du processus. Mais la prise de testostérone ne semble pas compromettre, au moins à court terme, la possibilité de faire une préservation de fertilité ni la qualité des ovocytes récoltés.
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On peut retrouver ces informations sur le site de la fédération des CECOS[^fede_cecos_fptrans] [^fede_cecos_tryptique] ou sur les sites de certains CHU[^nantes_pf].
:::spoiler :construction: Sujets à venir
🚧Prise en charge des transports🚧
🚧Arrêts de travail🚧
🚧Préservation de fertilité à l'étranger🚧[^amp_etranger_ameli]
🚧Arrêt du THS ?🚧
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# Conservation de spermatozoïdes
Lorsqu'on cherche à préserver des spermatozoïdes (femmes trans/personnes transféminines notamment), la technique principale utilisée est la congélation de spermatozoïdes. Ceux-ci sont généralement obtenus par éjaculation (après masturbation).
Mais si ce n'est pas possible, il peut aussi être envisagable d'obtenir des spermatozoïdes chirurgicalement (y compris en même temps qu'une opération génitale).
Chez les personnes pré-pubères où l'obtention de spermatozoïdes n'est pas possible, on peut prélever chirurgicalement du tissu testicualire pour le cryoconserver. Plus tard, on pourra peut-être obtenir des spermatozoïdes viables par greffe de tissu testiculaire ou par spermatogenèse in vitro. Ces deux options sont expérimentales.

*Préservation de la fertilité chez les personnes transféminines. Source : Puy et al., 2022 [^puy_2022]*
# Conservation d'ovocytes
Lorsqu'on qu'on cherche à préserver des ovocytes (hommes trans/personnnes transmasc notamment), la principale technique utilisée est la congélation d'ovocytes. Elle consiste à faire une stimulation hormonale pendant ~2 semaines pour faire maturer de nombreux ovocytes, puis à les ponctionner, généralement par voie transvaginale. Ils sont ensuite vitrifiés pour utilisation future.
Il est aussi possible de ponctionner les ovocytes sans stimulation hormonale ; il faut alors les faire maturer in vitro avant de les vitrifier. Cette technque n'est disponible que dans quelques CECOS en France, ne se faut qu'en seconde intention et est rare.
Chez les personnes pré-pubères où la ponction ovarienne n'est pas possible, on peut prélever chirurgicalement tout ou partie d'un ovaire pour congeler du tissu ovarien (cortex ovarien). Plus tard, on pourra obtenir des ovocytes soit par greffe du tissu ovarien, soit par folliculogenèse in vitro. Ces deux options sont expérimentales. Elles peuvent aussi être réalisées chez les personnes pubères.

*Préservation de la fertilité chez les personnes transmasculines. Source : Puy et al., 2022 [^puy_2022]*
Voir aussi la vidéo du CHU de Lille sur la [vitrification ovocytaire :link: :clapper:](https://www.youtube.com/watch?v=Q0Gncbq0WCM) (cis-centré)
# Utilisation des gamètes après une préservation
Une préservation de fertilité vise généralement à congeler ses gamètes pour pouvoir les utiliser plus tard dans le cadre d'une AMP/PMA (Assistance Médicale à la Procréation/Procréation Médicalement Assistée) ; mais la loi française n'a pas toujours permis et ne permet toujours pas aux personnes trans d'utiliser leurs gamètes comme les personnes cis.
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**Résumé des possibilités actuelles (2024) d'utilisation de ses gamètes selon la situation en France**
Cas d'une personne **transmasc** :
- faire une préservation de ses gamètes (ovocytes) : :heavy_check_mark: pour tout état civil
- se faire inséminer avec ses propres ovocytes/ovocytes de donneur·euse : :heavy_check_mark: si état civil F, :x: si état civil M
- se faire inséminer avec les ovocytes de·de la conjoint·e (ROPA) : :x: pour tout état civil
Cas d'une personne **transfem** :
- faire une préservation de ses gamètes (spermatozoïdes) : :heavy_check_mark: pour tout état civil
- utiliser ses gamètes avec sa·son conjoint·e : :heavy_check_mark: pour tout état civil *(à condition que le·la conjoint·e aie un état civil F)*
La GPA est :x: interdite en France
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:::info
La **loi bioéthique** de 2021 ne laissait pas la possibilité pour les personnes trans d'utiliser leurs gamètes post changement de sexe à l'état civil, mais les décrets d'applications ont permis de l'autoriser pour les parcours transfem uniquement (++pas de PMA pour les hommes trans aujourd'hui++). Détails sur le [:link: site de l'association GIAPS](https://asso-giaps.org/2023/01/07/ou-en-est-notre-recours-contre-le-decret-n2021-1243-du-28-septembre-2021-fixant-les-conditions-dorganisation-et-de-prise-en-charge-des-parcours-damp/).
Précisément, d'un point de vue législatif :
- les [articles R2141-36 et R2141-37](https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072665/LEGISCTA000044113626/#LEGISCTA000044113626) du code de la santé publique ont été [modifiés en août 2022](https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000046221032), remplaçant "homme" et "femme" par "personne" et **permettant implicitement une conservation des gamètes peu importe l'état civil**
- l'[article L2141-11](https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043896209) appuie ce fait, mentionnant que :
> La modification de la mention du sexe à l'état civil ne fait pas obstacle à l'application du présent article.
- l'[article R2141-38](https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000044113640) régie la question de l'utilisation des gamètes ; il mentionne :
- la "femme" qui a vocation à porter l'enfant (**exclusion délibérée des personnes transmasculines post-CSEC**),
- et le "membre du couple" qui n'a pas vocation à porter l'enfant (mention non genrée, donc **inclusion implicite des personnes transféminines post-CSEC**, personnes transmasculines post-CSEC en couple aec une femme cis, ainsi que des femmes cis en couple homosexuel - par exemple).
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Il faut noter cependant que ces évolutions légales sont très récentes et que tous les CECOS ne respectent pas forcément les dispositions théoriques légales ; Fransgenre a donc eu connaissance :
- d'au moins un CECOS/centre d'AMP qui accepterait - sans que cela aie encore été fait en pratique - une PMA chez un homme trans après changement de sexe à l'état civil ;
- et de plusieurs CECOS (Rennes, Bordeaux, Toulouse) disant qu'une utilisation de spermatozoïdes pour des personnes transfem après changement de sexe à l'état civil n'est pas possible (contrairement à d'autres qui l'autorisent comme Lille ou Nantes)
- certains CECOS font des difficultés à l'utilisation de spermatozoïdes post-CSEC pour des raisons de filiation. Un AMP en tant que couple de femme implique une RCA (reconnaissance conjointe anticipée), qui elle-même implique généralement un don anonyme de sperme (alors que dans ce cas-ci, il ne s'agit pas d'un don anonyme, mais de l'utilisation des spermatozoïdes d'un membre du couple). Mais il s'agit plus d'un flou/vide juridique que d'une interdiction, et ne devrait pas poser de problèmes hors certains CECOS
- la littérature rapporte déjà une naissance dans le cadre d'une AMP intraconjugale chez un couple composé de deux femmes, l'une cis et l'autre trans, ayant préservé ses gamètes avant son THS et ayant changé de mention de sexe plus tard[^razafintsalama_2024]
Sur l'**utilisation de spermatozoïdes en AMP après une transition**, voir l'article de Mesnil et al. (2024)[^mesnil_2024].
Sur la **filiation**, voir le document à cet effet : [Filiation et transition :link:](https://hackmd.io/@biyokea/filiation_transition).
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*[Illustration :frame_with_picture:](https://www.picpedia.org/highway-signs/f/fertility.html) : Fertility, [Nick Youngson](http://www.nyphotographic.com/ ), CC BY-SA 3.0*
[^amp_etranger_ameli]: [AMP réalisée en UE ou en Suisse: votre prise en charge | Ameli :link:](https://www.ameli.fr/assure/remboursements/rembourse/assistance-medicale-la-procreation-amp/amp-etranger-remboursement)
[^fede_cecos_fptrans]: [Préserver sa fertilité - section "transition de genre" | Fédération des CECOS :link:](https://www.cecos.org/preserver-sa-fetilite/#lorsdunetransitiondegenre)
[^fede_cecos_tryptique]: [Transidentités & préservation de la fertilité | tryptique CECOS :link:](https://www.cecos.org/wp-content/uploads/2020/10/Triptyque-CECOS-Transidentit%C3%A9s-2020-RectoVerso-V2.pdf)
[^nantes_pf]: [Préservation de la fertilité dans une transition de genre | CHU de Nantes :link:](https://www.chu-nantes.fr/preservation-de-la-fertilite-dans-une-transition-de-genre)
[^puy_2022]: [Préservation de la fertilité chez les personnes transgenres :link:](https://doi.org/10.1051/medsci/2022154), Puy et al., 2022
[^razafintsalama_2024]: [Première naissance française en AMP intraconjugale chez un couple composé d’une femme cisgenre et d’une femme transgenre :link:](https://doi.org/10.1016/j.gofs.2024.09.003), Razafintsalama et al., 2024
*L'article n'est disponible que derrière un paywall, n'hésitez pas à m'envoyer un mail `biyokea@pm.me` ou un message discord `@biyokea` pour que je vous partage le PDF.*
[^mesnil_2024]: [Extension de l’Utilisation de Gamètes en IntraConjugal (EUGIC): quel usage des spermatozoïdes d’une femme trans? :link:](https://doi.org/10.1016/j.gofs.2024.08.002), Mesnil et al., 2024