# On m'a prescrit de l'Androcur : que faire ?
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*Support de pair-aidance écrit par biyokea (📩 `@biyokea` sur discord, `biyokea@fransgenre.fr` par mail) de l'association [Fransgenre](https://fransgenre.fr/), me contacter en cas d'erreur/imprécision ou pour toute suggestion.*
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**L'acétate de cyprotérone, plus connu sous le nom de marque Androcur, est un anti-androgène historiquement fréquemment utilisé dans les THS féminisants. En raison de son mauvais rapport bénéfices-risques et de la disponibilité d'alternatives plus sûres et efficaces, son utilisation est généralement déconseillée en France en 2025 et sa prescription considérée comme un red flag. Malgré tout, certain·es médecins en prescrivent encore. Que faire dans cette situation ?**
[ToC]
# L'androcur : de quoi parle-t-on ?
Pour une revue plus complète, voir l'article d'Aly[^aly_cpa_dosage].
L'acétate de cyprotérone (abrégé CPA), connu sous le nom d'Androcur est un anti-androgène. Plus précisement, il s'agit d'un anti-androgène stéroïden et d'un **progestatif** (substance agissant sur les récepteurs à progestérone) très puissant.
Son activité anti-androgène est double :
- À faible dose (dès qqs mg/jour), il a une ==action antigonadotrope==, c'est-à-dire qui réduit l'activité des gonades (dont la production de testostérone par les testicules).
Cette réduction de la testostérone gonadale (testiculaire) est partielle quand le CPA est utilisé seul, même à très haute dose, et est quasi-totale quand le CPA est utilisé avec des oestrogènes. C'est normal : la suppression gonadale des progestatifs n'est maximalement efficace qu'avec un oestrogène.
C'est cette action qui est pertinente dans un THS et dont on parlera plus bas.
- À plus haute dose (>100-200mg/jour), il a une ==action de bloquage des androgènes au niveau du récepteur==, un peu comme le bicalutamide.
Cette action n'est pas pertinente dans un THS féminisant, car l'utilisation d'aussi fortes doses de CPA est fortement déconseillée.
Historiquement, le CPA a été utilisé comme "castrateur chimique" (façon pas très élégante de parler d'un médicament qui arrête la production testiculaire de testostérone), notamment dans le cadre du traitement du cancer de la prostate, de paraphilies, et dans le traitement hormonal des femmes trans et personnes transféminines. Il est également utilisé chez les femmes cis, seul dans le traitement de l'"hirsutisme" ou combiné avec de l'éthinylestradiol (sous le nom de Diane).
Chez les femmes trans, il était surtout prescrit en Europe, à des dosages trop importants (50-100mg/jour voire plus), et avec pas ou trop peu d'estradiol, entraînant un déficit hormonal. C'est une pratique typique de la SoFECT[^sofect_aa].
Pour cette raison, il a la réputation d'être un anti-androgène très efficace, parfois trop, sans que cette réputation soit particulièrement justifiée.
**Le CPA est efficace, mais il ne l'est pas plus que les analogues de la GnRH** (type décapeptyl), qui sont des médicaments venant interrompre l'activité des gonades (dont la production de testostérone par les testicules) de façon extrêmement efficace, même sans utilisation concomittante d'oestrogènes.
# L'Androcur : un médicament dangereux ?
## Le risque de méningiome
Depuis la fin des années 2010, l'utilisation du CPA dans les THS féminisants (prescrits par un·e médecin) diminue en Europe, notamment au profit de l'utilisation d'analogues de la GnRH. Cette diminution est entre autre liée à la **reconnaissance progressive du risque accru de méningiome causé par la prise de CPA**.
Roland et al.[^roland_2025] décrivent succintement cette prise de conscience :
> The first cases of meningioma following exposure to CPA were reported in the 2000s. Back then, most of the clinical cases described in the worldwide scientific literature were concentrated in four countries : France, Spain, Italy and Belgium. CPA was then the subject of special surveillance, following a notice issued by France at the European level in 2009. In August 2018, widespread dissemination of the conclusions of a national study by French health insurance showing a strong dose-dependent association between the use of CPA and intracranial meningioma surgery (with a 20-fold increase in the risk for the highest class of cumulative dose) had a considerable media impact. In the meantime, the French health authorities took measures to reduce the risk of meningioma associated with CPA.
:::spoiler Traduction :arrow_heading_down:
> Les premiers cas de méningiomes suivant une prise de CPA furent rapportés dans les années 2000. À l'époque, la plupart des cas cliniques décrits dans la littérature scientifique mondiale étaient concentrés dans quatre pays : la France, l'Espagne, l'Italie et la Belgique. Le CPA fut alors l'objet d'une surveillance spécifique, à la suite d'une notification faite par la France au niveau européen en 2009. En août 2018, la large dffusion des conclusions d'une étude nationale de la sécurité sociale française montrant une forte association dose-dépendante entre utilisation de CPA et chirurgie de méningiome intracranial (avec une multiplication par 20 du risque pour la classe de dose cumulée la plus importante) eu un impact médiatique considérable. Entre temps, les autorités sanitaires françaises prirent des mesures pour réduire le risque de méningiome associé au CPA.
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On sait désormais que ==la prise de CPA est associée à une augmentation du risque de développer un méningiome== (tumeur cérébrale bénigne), et que ==cette association est dose-dépendante==.
Dans son dossier thématique dédié[^ansm_meningiome], l'ANSM présente les méningiomes de la façon suivante :
> Il s’agit d’une **tumeur**, le plus souvent **non cancéreuse**, se développant à partir des membranes qui enveloppent le cerveau et la moelle épinière (les méninges).
> Les signes évocateurs d’un méningiome peuvent être très différents selon sa taille et sa localisation. Les symptômes les plus fréquents sont les suivants (liste non exhaustive) : maux de tête fréquents, troubles de l’audition, vertiges, troubles de la mémoire, troubles du langage, faiblesse, paralysie, troubles de la vision, perte d’odorat, convulsions, nausées, ...
> Dans la population générale, on estime que 9 personnes sur 100 000 sont susceptibles de développer un méningiome chaque année. Le méningiome représente plus d’une tumeur cérébrale primaire (non métastatique) sur trois ; c’est également la **tumeur cérébrale la plus courante** à partir de 35 ans.
Elle ajoute :
> **Risque de méningiome associé à l’utilisation d’acétate de cyprotérone à fortes doses (≥ 25mg/jour) :**
> Ce risque est connu depuis les années 2010. Une étude épidémiologique conduite par l’Assurance Maladie et publiée en 2018 a permis de mesurer ce risque, qui, à forte dose est multiplié :
> - par 7 au-delà de 6 mois de traitement ;
> - par 20 après 5 années de traitement.
>
> Le risque de méningiome s’intensifie donc à mesure que la dose et la durée du traitement par acétate de cyprotérone augmentent.
## Cadre de prescription en France
La France a joué un rôle important dans la découverte de cette association, et les autorités sanitaires ont imposé des règles particulièrement strictes limitant la prescription de CPA.
Ainsi, pour débuter un traitement par CPA (à "haute" dose, c'est-à-dire comprimés de 50mg, les présentations type Diane ne sont pas incluses ici) en France en 2025, il faut :
- faire un IRM cérébrale avant le traitement, puis 5 ans après, puis tous les 2 ans ;
- remplir et cosigner avec saon médecin une [attestation d'information :link:](https://ansm.sante.fr/uploads/2020/10/30/20201030-androcur-attestation-information-juin2019.pdf) chaque année ;
- prescrire la dose la plus faible efficace.
Si ces critères ne sont pas remplis, les pharmacies ne sont pas censées délivrer le médicament ; en pratique, ce n'est pas toujours le cas et ces recommandations ne sont pas très bien suivies.
## Une balance bénéfice/risque défavorable plus qu'un médicament véritablement dangereux
Le CPA n'est pas pour autant un médicament intrinsèquement dangereux. Dans certaines situations, il a ses avantages. Notamment, il s'agit d'un anti-androgène globalement efficace, **peu cher,** et facile d'accès sans prescription. Il est donc **fréquemment utilisé dans des contextes d'automédication**.
En France, la majorité des personnes ont des droits ouverts à la sécurité sociale (avec éventuellement mutuelle, CSS, ALD, AME) et ne paient pas leurs médicaments ; la question du coût n'est pas très pertinente. Mais pour les personnes qui doivent payer leurs médicaments, le CPA, revenant à quelques euros par mois[^cout_cpa_fr], est intéressant.
Si le profil de risque du CPA n'est pas parfait, il est loin d'être désastreux pour autant, ==**à condition d'utiliser les doses minimales efficaces**==.
La revue d'Aly[^aly_cpa_dosage] récapitule les données scientifiques actuelles sur la relation entre efficacité du CPA et dosage.
On sait aujourd'hui que des dosages **entre 5 et 10mg par jour** ont une efficacité maximale (pour l'action antigonadotrope du CPA, qui est celle pertinente dans un THS). Il n'est donc pas utile d'utiliser des dosages plus importants ; il ne seront pas plus efficaces.
De nombreux effets secondaires et risques du CPA sont dépendants de la dose/exposition totale. C'est le cas du risque du méningiome, qui dépend de l'exposition totale. C'est aussi le cas du risque thromboembolique, ainsi que du risque d'atteinte hépatique, qui semble rare en dessous de 100mg/j (deux cas rapportés, l'un à 50mg/j et l'autre à 25mg/j).
Utiliser des plus faibles doses que celles utilisées traditionnellement (5-10mg/j contre 50-100mg/j) est donc bien plus sûr.
**L'utilisation de CPA à faible dose** (jusqu'à 10mg/j, ou en pratique 12.5mg/j) **et à court/moyen terme** (quelques années) **est donc envisageable et ==ne doit pas susciter d'inquiétude== chez des personnes en bonne santé**, a fortiori jeunes, sans antécédents de méningiome ou de maladie hépathique grave.
Ainsi, si la prescription de CPA reste à éviter en France dans la grande majorité des cas, c'est car sa balance bénéfique/risque est mauvaise (disponibilités d'alternatives sûres et efficaces). Cette balance dépendant du contexte, l'utilisation du CPA peut être intéressante.
# En pratique : que faire si on m'a prescrit de l'Androcur ?
## Un red flag vis-à-vis de son médecin
En dehors de la question de prendre ou non le médicament, et à quelle dose, se pose la **question de la posture de saon médecin**.
Hors cas très particuliers (besoin d'un anti-androgène peu couteux ou demande spécifique), la prescription de CPA dans le cadre d'un THS en France est un red flag (signal d'alarme) majeur. 🚩
Ça ne veut pas forcément dire qu'il faut changer de médecin, car il n'y en a pas toujours de meilleur·e disponible ─ la barre est basse, mais **ça devrait impliquer certaines précautions et une distance critique vis-à-vis des dires de ce·tte médecin**.
Notamment, il est fréquent que cette prescription soit accompagnée d'une dose très faible (voire nulle) d'estradiol. Pour éviter **sous-dosage** et déficit hormonal, il faut dans ce cas changer de THS (changement de médecin, prise alternative : sublinguale ou lieu d'orale, application scrotale de gel/patch, automédication, etc.).
Si lae médecin est de bonne foi, il peut être pertinent de lui demander simplement : pourquoi cette prescription ? Pourquoi ne pas prescrire une des alternatives sûres et efficaces disponibles en France ? Pourquoi, comme c'est souvent le cas, ne pas prescrire la dose minimale efficace ? Pourquoi, comme c'est souvent le cas, ne pas respecter les règles de prescription de l'ANSM, comme la nécessité d'IRM ?
## Utiliser une dose raisonable sans inquiétude abusive
### Vérifier qu'on ne soit pas dans une situation où l'utilisation de CPA est à éviter
- En cas d'**antécédents de méningiome** : ne pas prendre de CPA.
- Autres situations médicales spécifiques (facteurs de risques thromboemboliques importants, autres tumeurs cérébrales, maladie hépatique grave, ...) : éviter la prise sans avis compétent.
- En cas d'utilisation importante passée de **progestatifs à risque de méningiome** (acétate de cyprotérone/Androcur, acétate de chlormadinone, acétate de nomégestrol/Lutényl, médrogestone/Colprone, acétate de médroxyprogestérone/Depo Provera) : selon le contexte, éviter la prise de CPA.
- **Personnes âgées** (>50 ans) : la prise de CPA est possible si nécessaire, mais la balance bénéfiques/risques est moins favorable que chez les personnes plus jeunes car le risque de méningiome augmente avec l'âge.
### Décider ou non de prendre du CPA ; vérifier et adapter la dose prescrite
- Décider si on veut prendre du CPA : on peut attendre de changer de médecin pour utiliser un autre anti-androgène ; on peut faire de la monothérapie.
- Si on décide de prendre du CPA : la dose maximale efficace est d'**environ 10mg par jour**. Il ne faut pas prendre une dose supérieure.
- La **demie-vie du CPA** est **longue** ; il est possible de prendre une dose un peu plus importante, un peu moins fréquemment.
- Les comprimés de CPA peuvent être coupés, idéalement avec un **coupe-comprimé**. Il n'y a pas besoin d'être très précis·e.
- Doses initiales conseillées :
- ==25mg un jour sur 3== (soit un demi comprimé, équivaut à ~8mg/jour).
- 25mg un jour sur deux (~12.5mg/j) ; 12.5mg un jour sur deux (~6.25mg/j) ou 12.5mg tous les jours est également envisageable, selon ce qui est le plus pratique. Si la dose d'estradiol est très basse, mieux vaut utiliser 12.5mg/jour (ou équivalent).
### Vérifier le reste
- S'assurer que sa **dose d'estradiol** n'est pas trop basse (voir par exemple la brochure [Les transitions féminisantes :link:](https://partagenre.fransgenre.fr/ressources/la-transition-feminisante), partie THS). Ne pas accepter une prescription de CPA seul, sans estradiol.
- S'assurer que son suivi soit adéquat : **prise de sang dès 1 mois** après le début du traitement.
- Éviter les prises de sang de suivi à plus de 3 mois après début de traitement. Il est tout à fait possible d'avancer en autonomie sa prise de sang et de la faire 1 mois après avoir commencé son THS.
- Comparer le contenu de la prise de sang avec ce modèle de Fransgenre : [Prise de sang de suivi - estradiol avec ou sans anti-androgènes :link:](https://partagenre.fransgenre.fr/ressources/prise-de-sang-de-suivi-estradiol).
- Envisager de discuter du sujet avec saon médecin.
### À long terme, si on continue à utiliser du CPA (plus de quelques mois/un an)
- Connaître les symptômes de méningiome (voir par exemple [Symptômes du méningiome | AMAVEA :link:](https://amavea.org/symptomes-du-meningiome/)). Consulter rapidement si ils sont présents.
- Effectuer une surveillance régulière par IRM. L'ANSM conseille un IRM pré-traitement, puis 5 ans après, puis tous les 2 ans. Si l'IRM pré-traitement n'a pas été prescrite/réalisée : ce n'est pas très grave, mais il faudrait la réaliser sans attendre 5 ans si on compte continuer à utiliser du CPA.
- Ne pas utiliser du CPA à long terme (plus de quelques années), surtout sans surveillance IRM. Des alternatives existent, n'hésitez pas à demander conseil.
## Besoin d'aide ?
Même si le sujet n'est techniquement pas très compliqué, se voir prescrire quelque chose d'inadapté par un·e médecin, à qui, par défaut, on fait confiance, peut être déroutant. C'est l'expérience de nombreuses personnes trans qui n'avaient pas subi de maltraitances médicales avant leur transition, et qui découvrent que les médecins ne sont pas toujours des interlocuteurices fiables et bienveillant·es.
N'hésitez pas, en tant que personne trans, **à solliciter Fransgenre** pour un avis ou en cas de question (via [notre discord :link:](https://partagenre.fransgenre.fr/ressources/serveur-discord-fransgenre), par mail : `contact@fransgenre.fr` ou via nos réseaux sociaux).
Et pour les médecins : n'hésitez pas à contacter Fransgenre pour une [**formation** :link:](https://fransgenre.fr#formation) ou une **question clinique** via notre adresse mail dédiée : `formation@fransgenre.fr`.
[^aly_cpa_dosage]: [Low Doses of Cyproterone Acetate Are Maximally Effective for Testosterone Suppression in Transfeminine People :link:](https://transfemscience.org/articles/cpa-dosage/), Aly in TransFemScience. (2019).
[^sofect_aa]: Pour une définition de la SoFECT, voir l'[entrée dans le glossaire partagenre :link:](https://partagenre.fransgenre.fr/glossaire/#sofect).
Sur la pratique de la SoFECT de prescrire des anti-androgènes seuls, voir [Pourquoi faut-il absolument éviter de prescrire des anti-androgènes seuls ? :link:](https://partagenre.fransgenre.fr/ressources/pourquoi-faut-il-absolument-eviter-de-prescrire-de). biyokea. (2025).
[^roland_2025]: [High-Dose Cyproterone Acetate and Intracranial Meningioma : Impact of the Risk Minimisation Measures Implemented in France in 2018–2019 :link:](https://doi.org/10.1002/pds.70078). Roland N et al. (2025).
[^ansm_meningiome]: [Androcur et risque de méningiome - Dossier thématique :link:](https://ansm.sante.fr/dossiers-thematiques/androcur-et-risque-de-meningiome), ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament), `ansm.sante.fr`, consulté le 08/07/2025.
[^cout_cpa_fr]: Une boite de 20 comprimés de 50mg de CPA coute 9.05€, honoraires de dispensation compris. Cette boite peut durer entre 2 mois et demi (12.5mg/j) et 5 mois (6.25mg/j).