# Un Centaure à l'école (troisième partie)
## La panacée
Le numérique n’est pas la panacée. D’ailleurs, celle-ci n’existe pas. Il n’existe d’ailleurs nul remède universel. C’est un mythe. Un de plus. Il ne s’agit donc pas de verser dans l’euphorie ou la phobie, mais se demander comment utiliser au mieux le numérique. Les « digital natives » constituent d’ailleurs un autre mythe qu’il convient de dénoncer. Ces natifs du numérique seraient des jeunes nés avec la technologie et qui, du fait de cette naissance, n’auraient pas besoin d’apprendre à s’en servir. Ces natifs du numérique s'opposeraient aux immigrants du numérique (« digital immigrants »), dénomination censée désigner tous ceux qui ne seraient pas nés avec le numérique et qui ont dû s'adapter tant bien que mal au nouveau monde, en gardant des habitudes de l'ancien monde. Notez comme tout cela s'accorde bien avec l'histoire américaine tout en réactualisant (à tort) la querelle des Anciens et des Modernes, ainsi que le remarque brillamment Divina Frau-Meigs :
« C’est un mythe des origines, tellurique, installé dans le vécu américain de la frontière (le futur, l’inconnu) et de l’immigration (laisser le patrimoine derrière soi). C’est aussi un mythe des fins, millénariste, apparu au tournant du nouveau siècle, alors que les États-Unis vivaient une série de crises qui allaient culminer avec 9/11 (crise politique avec la remise en cause des élections Bush/Gore, crise économique avec la peur du bug du millénaire et l’éclatement de la première bulle numérique…). C’est aussi une période clé car elle marque la naissance de l’internet politique suite aux attaques terroristes, après l’émergence de l’internet commercial en 1996 avec le passage de la loi des Télécommunications. C’est un mythe par ses proportions inter-générationnelles de querelle des anciens et des modernes (natives et immigrants sont utilisés au pluriel) : les modernes natifs sont sophistiqués et appuyés par une technologie puissante tandis que les anciens immigrants sont mal préparés et dépassés. Le tout fait crise, avec un substrat où la peur collective touche à des valeurs profondes de la société, conditionnant son évolution, voire sa survie. »
Je n’ai jamais approfondi mes recherches afin de savoir de quelle façon s'est colporté ce mythe (on sait cependant qu’il est né sous la plume de Marc Prensky), mais il est facile de deviner combien il est faux. S’il suffit de naître au moment où une technique est popularisée, je suppose qu’à d’autres époques, les enfants seraient tous nés électriciens ou mécaniciens. Au reste, il suffit de voir ces jeunes apprentis du numérique pour comprendre qu’ils utilisent la technique comme tout un chacun, mais ils ne savent pas vraiment s’en servir. Ils savent faire quelques petites choses qui ne requièrent pas un grand savoir-faire et qui peut pourtant étonner quelques personnes âgées qui regardent tout ça en ouvrant de grands yeux, mais qui ne demandent pas un apprentissage forcené. Tout au plus, j’ai souvent été étonné de voir chez certains enfants une capacité à tester une interface sans la moindre appréhension, alors que l’adulte jette un regard anxiogène sur tout cela, paralysé qu’il est à l’idée de faire une bêtise. Et encore ! Combien de fois ai-je vu l’inverse ! En fait, je ne suis pas même sûr qu’il existe une loi et encore moins un gène de l’habilité numérique chez l’utilisateur. Et un jeune utilisateur a fortement besoin d’une éducation au numérique sans quoi sa vie d’adulte sera considérablement compliquée.
Cependant, ce qui est intéressant avec l'expression « digital native », c'est qu'elle montre que les enfants qui naissent aujourd'hui (et depuis quelque temps déjà) naissent dans un environnement numérique. Comme le note Mark Prensky en exergue, « Students are not just using technology differently today, but are approaching their life and their daily activities differently because of the technology ». Tout dans leur vie est numérique. Demain, nos élèves voteront sur leur téléphone ; aujourd'hui, ils s'apprêtent à payer avec ce même appareil. Ils rencontreront peut-être même leur femme par ce truchement. On l'a dit à de multiples reprises : tout est numérique. En ce cas, qui songerait encore à écrire une lettre sur du papier au lieu d'envoyer un e-mail ? Écrire à la main, faire un brouillon, le recopier, mettre la lettre dans une enveloppe, aller à la poste et attendre une réponse ? Qui ou quel élève voudrait cela si ce n'est pour le charme d'antan, le plaisir suranné de la carte postale ? Je ne suis d'ailleurs pas sûr que l'on s'émerveille encore de l'immédiateté de nos communications devenues numériques. On ne les présentera donc pas comme une énième merveille supposée sauver l'école de la déréliction qui s'est emparée d'elle, mais on reconnaîtra que l'école ne peut échapper au numérique.
Et si l'école ne peut échapper au numérique, on notera tout de même qu'un certain nombre d'élèves y ont échappé et y échappent encore. Or si l'on me permet de prendre les choses par le petit bout de la lorgnette et qu'on veuille bien s'éloigner des grands débats qui inscrivent notre époque dans un clivage si difficilement identifiable, je ferai valoir combien l'école numérique sans prétendre avec trémolos dans la voix à faire du monde « a better place » pourraient au moins très simplement réduire certaines injustices qui perdurent de façon incompréhensible.
Alors, certes, le numérique n’est pas la panacée, et on peut avoir parfois le sentiment qu’il est présenté comme tel, mais ce n’est pas le cas. Cependant, le numérique permet d’être plus juste. On ne supprimera pas certaines injustices scolaires, mais on peut au moins trouver quelques solutions à des problèmes qui n’en avaient autrefois pas. Par le numérique on ne résoudra pas l’entièreté du problème de la difficulté scolaire, mais on aura au moins contribué à aider davantage ceux qui en ont besoin.
Peut-être la dyslexie est-elle une difficulté que le numérique peut sinon tenter de lever du moins aider à surmonter. Si vous ne voyez pas bien de quoi il s’agit, vous pouvez recourir à ce petit plugin qui donnera à n’importe quelle page que vous lisez l’apparence que peuvent revêtir les mots lorsque vous souffrez de dyslexie. Les lettres se mettent à bouger, à s’intervertir, à se mélanger. La dyslexie est donc un handicap qui vous empêche de lire correctement. Les lignes se mélangent. Les sons se confondent. Conséquemment, la lecture est confuse, l’accès au sens partiel et il faut dépenser une énergie importante pour un résultat en dessous des espérances.
On l’a vu plus haut, en lisant sur un écran, il est possible de changer la police. On a vu aussi le cas de l’OpenDyslexic que l’on trouve sur différentes applications et notamment sur celle d’Amazon, Kindle. On la retrouve évidemment sur Kobo mais encore sur OverDrive ainsi que sur Wikipédia et même Instapaper. Cette police a été créée par Abelardo Gonzalez qui a voulu qu’elle soit gratuite. Elle est plus facile à lire pour les personnes affectées de dyslexie. Selon le site Lettres numériques, « d’une part, le bas des lettres est plus gras que le haut, ce qui permet de facilement reconnaître le sens d’une lettre et de bien identifier chaque ligne de texte. D’autre part, chaque lettre a une forme unique, ce qui facilite leur identification ».
Mais on trouve bien plus qu’une simple police. Il existe aussi des livres spécifiquement conçus pour les lecteurs dyslexiques. Ce sont des ePubs 3 et, au reste, tout ePub 3 correctement conçu devrait permettre à un élève en situation de handicap d’accéder au sens. Ce qui intéressant avec Mobidys, c’est qu’elle propose des livres qui vont permettre à l’élève d’espacer les caractères et les lignes. En aérant ainsi le texte, celui-ci devient plus lisible. Les syllabes peuvent aussi être affichées de différentes couleurs. Et naturellement, le texte peut-être lu (souvenez-vous de la fonction text-to-speech).
À l’occasion de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, Apple a mis en ligne une vidéo nous montrant comment la tablette peut aider certains enfants atteints de ce handicap. Ce spot (qu’on n’osera pas trop qualifier de publicitaire) montre comment un adolescent parvient à communiquer avec les autres. Il est apparu que les autistes entretenaient une relation positive avec les machines. Et la presse n’a pas manqué de s’en faire l’écho, comme avec cet enfant pour lequel l’assistant Siri est devenu son doudou.
Le site Application autisme recense une centaine d’applications ayant permis ou permettant à des enfants autistes de communiquer ou de découvrir le monde. L’un des principaux obstacles rencontrés par les enfants autistes est l’acquisition de la langue. Un autre obstacle est la difficulté à apprendre dans des domaines réclamant un rapport à autrui et donc à interagir. C’est ce double constat qui a conduit à la création de classeurs de communication composés d’images de la vie courante et d’expressions fréquemment utilisées (ce sont les images issues du Picture Exchange Communication System utilisé par les parents ou les éducateurs depuis 1985). Ces supports visuels permettent aux enfants autistes de communiquer. Numérisés, ces supports ont constitué un nouvel obstacle, car la manipulation d’une souris était difficile pour ces enfants. L’apparition des interfaces tactiles a permis de lever l’obstacle. Avec Grace App for Autism, l’enfant interagit directement avec les pictogrammes sur l’écran. Leur recherche est plus rapide que dans les pages d’un classeur et la synthèse vocale permet d’entendre les mots ou les phrases créés par l’assemblage des pictogrammes. L’enfant peut alors associer une image à un son et réaliser des progrès linguistiques.
Bien entendu, ces classeurs de communication ne s’adressent pas uniquement aux seuls enfants autistes. Il est malheureusement de nombreuses autres raisons qui font que la communication n'est pas possible. C’est le cas des personnes aphasiques ou victimes d’un AVC (accident vasculaire cérébral) qui souffrent de troubles du langage. L’application Comooty propose une collection d’icônes parlantes issues de « photos prises dans l’environnement du patient et associées à des phrases enregistrées par une voix familière » pour engendrer des phrases comme « Je veux boire un grand chocolat » ou « J’ai mal ».
Évidemment, il ne suffit pas de placer une tablette entre les mains d’un enfant autiste et la tablette suffit encore moins à permettre l’intégration d’un enfant handicapé dans une classe. Le rôle de l’enseignant, la présence d’une AVS (assistant de vie scolaire) sont infiniment plus importants. On pourra aussi rétorquer que l’autisme ou la dyslexie ne touchent qu’une infime partie du public scolaire, mais ce n’est pas une raison pour ostraciser toute une partie des élèves (moins de 20% des élèves autistes sont scolarisés au collège en France). Prenons donc le cas d’un handicap qui touche potentiellement tout élève à un moment de sa scolarité. C’est le cas de l’accident. Et les enseignants savent que les absences, les plâtres et les bandages sont monnaie courante dans nos écoles. Comment traite-on le problème même occasionnel rencontré par ces élèves ?
L’an dernier, ma fille aînée s’est cassé le bras. Elle s’est fait terriblement mal, n’est pas allée en classe et a manqué quelques jours de classe. Elle a dû alors rattraper les cours qu’elle n’avait pas suivis. Or la chose n’est pas aisée. Nombre d’enseignants voudraient le croire ou vous expliqueront qu’ils se débrouillaient très bien tout seuls quand ils étaient élèves. Pourtant il me semble que la plupart des difficultés rencontrées par un élève qui a été absent pourraient disparaître si les cours des enseignants étaient en ligne. Et pour convaincre ces derniers, un certain nombre de points sont à éclaircir.
En en « discutant » çà et là, j’ai pu constater un premier quiproquo. Quand je dis « mettre les cours en ligne », j’entends par « cours » tout ce qui pourrait prendre place dans un cahier ou un classeur. Cela comprend les documents que l’enseignant aurait pu photocopier ainsi que la leçon qu’il a dictée ou faite en classe, ce qu’on nomme parfois si disgracieusement la « trace écrite ».
Il va de soi que cette « trace » n’est que le pâle reflet de ce qui fait toute la richesse d’un cours : la stratégie pédagogique mise en œuvre, les explications orales, les interventions des élèves, etc. À moins qu’on ne soit jusqu’au-boutiste, on ne va pas aller tout de même jusqu’à pas placer une webcam dans notre salle pour tout filmer et mettre sur YouTube ! Outre les problèmes que cela pourrait poser (droits, poids du fichier…), ça aurait un petit côté NSA. Notez tout de même que la chose serait assez aisée : placez une tablette, allumez la caméra et diffusez. Il y aurait même des solutions moins coûteuses en temps, comme utiliser une application comme Periscope, qui permet de diffuser en live. Je me demande même si on ne pourrait pas confier la chose à quelques élèves désœuvrés en étude que l’on pourrait convier à filmer puis à monter le cours auquel de facto ils seraient obligés de s’intéresser, ne serait-ce qu’en raison du goût que ces élèves pourraient avoir pour la vidéo.
Parfois, des enseignants évoquent leur salaire pour ne rien faire. J’expliquerai ci-dessous comment mettre ses cours en 2 minutes chrono, mais quoi qu’il en soit il faut bien admettre que le numérique ne doit pas constituer nécessairement une charge de travail (ce qui peut bien souvent être le cas), mais au contraire aider l’enseignant à faire les choses mieux, plus vite et plus efficacement. Dans le cas contraire, à quoi serviraient les machines ? Pourquoi avoir des ordinateurs ?
Le cours en ligne ne se substitue évidemment pas au véritable cours (comment le pourrait-il ?), mais constitue un prolongement assez banal du processus d’apprentissage, le même qui fait qu’un élève possède un cahier. C’est d’ailleurs là la fonction de l’écriture, celle de permettre d’inscrire durablement les choses dans la mémoire. Rien de neuf depuis Socrate. Un élève a besoin d’apprendre lorsqu’il rentre chez lui, et sa mémoire n’étant pas infaillible, il a besoin de noter ce qui a été dit. Il peut avoir mal noté, il peut avoir oublié de noter quelque chose, il peut avoir mal compris, il peut n’avoir pas noté et ce sont alors les parents qui auront peut-être besoin de savoir ce qui a été noté, si d’aventure l’enfant essaie de se dérober à la charge de travail qui lui incombe. Et s’il a été absent, il n’a évidemment rien noté du tout.
Il y a donc une réelle nécessité, pour telle ou telle raison, de pouvoir accéder au travail qui a été fait. La technique le permettant aisément, il n’y a aucune raison pour qu’on ne donne pas cet accès. Cela d’autant plus que le cours en ligne se partage, il se diffuse, il s’enrichit des commentaires des visiteurs. Et en cela, il y a du neuf depuis Socrate : l’écrit ne fixe plus une pensée qui abandonne la richesse du dialogue. Vous pouvez alors nuancer, expliquer à nouveau et même vous corriger. Quand on partage un cours sur Evernote, par exemple, un élève ou un parent peut à tout moment poser une question. À ce propos, je peux vous affirmer que depuis le temps que je donne mon adresse email, personne n’en a abusé. Ma vie privée n’est pas violée, perturbée, envahie par le domaine professionnel. De temps à autre, une question est posée : « Monsieur, c’est bien ça qu’il faut faire ? », « Monsieur, c’est bien ceci qu’il fallait comprendre ici ? », et c’est à peu près tout, mais c’est déjà beaucoup. Combien d’erreurs ou de fausse-route évite-t-on ?
Les élèves présents ont donc besoin de vous, mais si ceux-là ont ce besoin que dire des élèves qui n’étaient pas là ?
Les absents ont toujours tort. C’est à ce point que, dès qu’on parle d’absent, on pense absentéisme. Même, parfois, ce dernier remplace le premier. On parle d’absentéisme, comme on parle de technologie au lieu de technique, de problématique au lieu de problème, etc. L’absent est suspect. Où était-il ? Était-il absent pour un véritable motif ? Pire encore. L’enseignant estime bien souvent que l’élève doit se débrouiller pour rattraper les cours. Il estime que c’est LE travail de l’élève. Or rien n’est plus faux. Voici pourquoi.
Le travail de l’élève consiste à apprendre, non pas à dénicher par tous les moyens le cours. L’élève qui a été absent dépense une énergie considérable (non pas à apprendre) mais à contacter (par téléphone, mail, SMS voire les réseaux sociaux) des élèves susceptibles de lui transmettre les cours.
Cette transmission doit se faire le plus souvent avant la reprise des cours. L’élève sérieux aura à cœur d’arriver en classe en ayant rattrapé ce qu’il a manqué. Le weekend est donc dévolu à une lente et parfois infructueuse recherche : tel élève ne répond pas, tel autre ne donne qu’une partie des devoirs. Celui-ci a oublié de transmettre telle info (« Au fait, désolé, j’ai oublié de te dire que là, y a contrôle »), celui-là a délibérément omis de transmettre telle partie du cours, rivalité oblige.
La photocopie est frappée d’inanité : elle arrive quand l’élève est revenu. L’élève découvre ce qu’il y avait à faire pour le cours qui va être fait. C’est un non-sens. Le rattrapage des cours est une lutte contre le temps : l’absent rattrape le passé pour suivre ce qui va se passer. Je crois que les choses sont assez compliquées, y compris pour un bon élève, pour qu’on ne le laisse pas se dépatouiller ainsi.
On ne peut, pour maintes raisons susmentionnées, s’en remettre à des élèves pour qu’un rattrapage soit effectué. C’est un peu pour la même raison que pour les devoirs : si on estime que c’est hors de l’école que le travail doit être effectué, on délègue. On reconnaît que le travail scolaire se fait hors de l’école. C’est, à mon humble avis, un autre non-sens. Un peu comme si on demandait à un boulanger de finir ses baguettes à la maison… Ça n’a pas vraiment de sens. La direction, c’est celle de l’école, pas celle de la maison.
L’école se désintéresse de la question du rattrapage. Je dis l’école comme je dirais l’institution. Rien n’est mis en place, rien n’est organisé. On s’en remet à la seule bonne volonté des uns et des autres, des élèves, des enseignants ou des parents. Dans le fond, l’institution s’en fiche un peu. C’est peut-être, entre autres, un peu pour ça que 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans qualification. Peut-être qu’une aide leur a fait défaut, leur a certainement fait défaut (je sais bien que tel ou tel enseignant se dira que certains élèves ne veulent rien faire… mais on n’est pas obligé d’avoir l’élève en suspicion).
Ma fille aînée, toujours, a eu, après une lourde opération du dos, huit mois d’absence (là, c’était beaucoup plus grave que le coude cassé). Que propose l’Éducation nationale ? Un peu de SAPAD qui n’a pas eu lieu ? Un peu de CNED qui vous explique que quand vous êtes sous morphine, vous n’êtes décidément pas très productif ? En fait, seuls les collègues – mes merveilleux et super collègues que je ne remercierai jamais assez – se sont démenés, sont venus à la maison, à l’hôpital pour apporter à ma fille une aide qui plus est gratuite !
Chacun va donc se débrouiller, faire comme il peut et on verra bien. Et que voit-on ? De l’échec scolaire. Quand on a rencontré les chirurgiens pour notre fille, c’est la première chose que l’on nous a demandée : quel est son niveau scolaire ? Car les difficultés scolaires sont bien souvent le lot de tous ces nombreux élèves hospitalisés. Je précise que ma fille n’a aucune difficulté scolaire. Je le précise, car je devine aisément qu’on me reprocherait de l’amertume, de l’aigreur et qu’on me suspecterait de ne m’intéresser à tout cela qu’en raison des résultats de ma progéniture. Mais ils sont très bons, et l’excellence scolaire est le fruit du travail, pas toujours facilité, et en aucun cas des fées qui se sont penchées sur son berceau.
Or il devrait exister une prise en charge des élèves absents, une vraie (pas un simulacre) quitte à créer des emplois, ce qui me semblerait une bonne chose, non ? Parce qu’il faut quand même le reconnaître, le seul argument valable qui m’ait été donné sur Twitter quand j’évoquais tout cela pour la première fois, c’est que l’élève a besoin d’explications, d’une véritable aide, pas seulement d’une photocopie ou d’un cours en ligne. Ne pouvant remonter le temps et ne bénéficiant que du seul cahier, l’absent a manqué d’importants moments. Ces moments ne peuvent être récupérés que par un planning dûment organisé, mais un tel planning n’existe pas ou peu. Il va aussi de soi qu’une absence ponctuelle ne saurait avoir autant d’impact que des absences répétées et que la prise en charge ne saurait être la même. En somme, le cours en ligne n’est qu’un pis-aller, mais c’est toujours mieux que rien.
Je disais au début de cet article que mettre ses cours en ligne prenait deux minutes. Voyons comment.
Longtemps, j’ai aimé passionnément mettre les mains dans le cambouis, apprendre à écrire une page web en HTML avec, forcément, du CSS et même du JavaScript ou du PHP. Ça devait flatter mon ego d’enseignant que rien ne préparait à cela, je voulais voir si je pouvais y parvenir. Et dans une sorte d’hybris de newbie, je voulais tout faire moi-même. Des années après, j’ai un peu changé d’avis. Mon site Ralentir travaux est devenu une grosse machine manquant de souplesse et je n’ai pas forcément le temps nécessaire à lui consacrer. Qui plus est, je me suis mis à écrire des livres (des ePubs). Mais cette fois, je ne m’y suis pas laissé prendre. J’utilise des logiciels, des apps comme on dit maintenant. Et c’est fabuleux ! Je peux produire un tas de choses sans avoir à écrire une seule ligne de code. C’est d’ailleurs pour ça que j’estime que l’enseignement de la programmation au collège est superfétatoire, mais la chose a déjà été évoquée…
Bref, aujourd’hui, je suis convaincu par ceci : mon job, c’est d’enseigner et le numérique doit me permettre de faire les choses bien et rapidement. Pour cela, il y a pléthore d’applications. On parle d’iTunes U, de Google for education, de Pronote, d’ENT et de je ne sais trop quoi encore…
Pour ma part, j’utilise Evernote, et ça me change la vie.
Evernote est une application de prise de notes. Je crois même qu’il est inutile de la présenter, mais sachez que cette application tient davantage du traitement de texte que de la petite application genre Notes sur iPhone. Vous trouverez une barre d’outils offrant les principales options de formatage (choix de la police, taille, gras, italique, etc.). On peut même faire des tableaux ! Les notes sont classées dans des classeurs.
J’utilise donc Evernote en classe. J’ai mon ordinateur, et au lieu d’écrire au tableau, j’écris dans Evernote que je projette grâce au vidéoprojecteur que j’ai la chance d’avoir dans ma salle. Ainsi, le cours est déjà rédigé. Un Mode présentation permet de présenter le cours de façon plus lisible, plus séduisante à l’œil, un peu à la façon d’une présentation Keynote ou PowerPoint, mais sans avoir à refaire votre fichier texte pour le transformer en diapositive. C’est un gain de temps élégant.
De plus, en haut à droite de l’application, se trouve une option de partage. Le cours peut donc être partagé avec les élèves (comme vous partageriez un doc avec Dropbox ou Google Drive). Ceux-ci ou leurs parents m’ont donné leur adresse mail (tout comme je leur donne la mienne). Et comme l’application se synchronise automatiquement en ligne, quand mon cours est écrit, il est déjà sur internet. Les élèves absents, alités par exemple ou même les parents un peu curieux peuvent suivre le cours en cours de rédaction. De plus, Evernote s’installe partout : sur un Mac, sur un PC, sur un iPhone ou sur un Android ou un Windows Phone ou sur un navigateur. Je dois confesser que j’aime beaucoup l’idée que mes élèves aient leur cahier dans la poche. Moi-même, j’ai mon bureau dans la poche. Je m’ennuie en attendant mes filles qui font des emplettes chez Séphora ou H&M ? Je m’assois dans un coin, sors mon téléphone, lance Evernote et je me mets à rédiger quelques projets, à commencer quelques cours.
Remarquez que la fonction de partage ne se fait pas seulement entre professeurs et élèves ou parents, mais les élèves (s’ils sont équipés d’ordinateurs, de tablettes ou de leur propre téléphone) peuvent partager entre eux leurs cours. Je peux aussi avoir accès au cahier numérique de mes élèves. Tout le temps, sans avoir rien à ramasser.
Et puis, il y a le chat ! On peut discuter avec les élèves ou les parents. On peut éclaircir tel ou tel point. Quel temps gagné ! Que d’erreurs évitées !
Evernote est un véritable cahier numérique. Mes élèves dotés d’un ordinateur prennent leurs cours ainsi. Ils écrivent leurs cours ainsi. Leur cahier, c’est Evernote. Ils écrivent, mais peuvent aussi ajouter des images. C’est ce que je fais moi-même. Je prends le tableau en photo et je mets les photos dans le cours. Ainsi, les choses vont très vite. Il faut reconnaître que j’ai la chance d’avoir un double tableau : l’un pour projeter, l’autre pour écrire à la main. Je peux alors profiter du meilleur des deux mondes numérique et analogique. On joue sur les deux tableaux. Tandis que des consignes, des documents, le cours sont affichés à gauche, les élèves peuvent tout de même se rendre au tableau et écrire. Parfois, il est d’ailleurs plus simple d’écrire à la main, de faire un schéma à main levée, etc. Pour ne pas avoir à me faire des nœuds au cerveau en me demandant comment retranscrire tout cela numériquement, je prends donc le tableau en photo. Ainsi, je n’ai même pas à recopier quoi que ce soit et les cours sont instantanément sur internet. On peut faire bien d’autres choses encore. L’enseignant ou l’élève peut annoter des images. C’est la même chose qu’avec une app comme Skitch. On peut même écrire à la main ou dessiner quelques schémas. Les stylets étant de mieux en mieux conçus, j’y recours de plus en plus et notamment, on l’a vu, pour la correction de copie. Il n’est que la dictée vocale pour faire un peu d’ombre à ce stylet qui consacre le retour de l’écriture manuscrite. Pour différentes raisons, cela m’est arrivé quelquefois d’utiliser Siri en classe pour dicter le cours qui s’affichait tout seul au tableau pendant que je circulais dans les rangs. On peut utiliser la fonction Enregistrer l’audio de diverses manières. Je peux bien sûr l’utiliser pour enregistrer ma propre voix. Ce peut aussi être pour lire un poème ou pour enregistrer une dictée, mais je préfère encore laisser cette possibilité à mes élèves qui se sont transformés récemment en petits journalistes et qui ont utilisé Evernote comme un dictaphone pour enregistrer leurs interviews.
Enfin, j’ai pris l’habitude de ne pas faire confiance au réseau du collège. J’ai pris également l’habitude de ne pas laisser les élèves errer vainement sur le web à la recherche d’infos. C’est pourquoi, quand je donne un travail de recherches à faire, je fais une sélection des sites que les élèves devront visiter. À cet effet, je place dans un carnet une sélection de sites que les élèves liront. Mais mieux encore, je télécharge, aspire toutes les pages, vidéos, PDF que les élèves devront lire. Le carnet est partagé, les données téléchargées par les élèves (ou par moi) et on gagne un temps fou !
Bref, c’est une très belle application. Elle est multiplateforme et gratuite (seule la fonction Présentation est réservée au modèle Premium), et je vous assure que je n’ai aucune action dans l’entreprise qui a créé Evernote. D’ailleurs, Microsoft avec OneNote développe une application similaire qui gagne de nouvelles fonctionnalités régulièrement.
Ainsi, en mettant ses cours sur internet, on évite quelques injustices susceptibles d’être résolues en un rien de temps. On peut de la même manière compter sur la technologie pour aider les élèves à progresser en orthographe, notamment en différenciant notre pédagogie.
En tant que professeur de français, il m’a toujours semblé que l’apprentissage de l’orthographe était un problème (je vous épargne l’état des lieux des connaissances scolaires des plus jeunes). Je me suis souvent demandé comment le numérique me permettrait de faciliter la tâche des élèves et comment évaluer leur orthographe, tant il est vrai que l’ancestral recours à la dictée est désastreux surtout si ladite dictée fait l’objet d’une note.
Je ne voulais plus proposer à mes élèves une dictée unique que le seul enseignant que je suis délivre à l’ensemble de la classe censée suivre comme un seul homme. Le numérique apportant la possibilité d’être un peu plus soucieux des rythmes des uns et des autres, j’ai opté depuis plusieurs années pour la dictée que j’ai enregistrée au format mp3. Chaque élève fait alors la dictée à son rythme et à son niveau. S’il faut une heure à l’élève pour préparer sa dictée, il prend une heure. S’il peut la faire en 10 minutes, eh bien, c’est parfait ! Il peut ensuite se consacrer à autre chose. Cette dictée est faite par un élève (sur sa tablette ou sur l’ordinateur). Il travaille seul ou avec son voisin, s’il le souhaite. Je ne veux voir la dictée que lorsqu’elle a été dûment corrigée par l’élève lui-même ou son groupe. Ainsi la méthode est la suivante : l’élève écoute la dictée, il l’écrit puis il fait toutes sortes de vérifications. La conjugaison des verbes est vérifiée dans le Bescherelle, le vocabulaire fait aussi l’objet d’une vérification dans le dictionnaire (le Larousse en ligne par exemple). Certains élèves, notamment les plus en difficulté, trouvent un réconfort dans l’utilisation d’un traitement de texte, mais aussi dans un correcteur orthographique, qu’il soit celui du traitement de texte ou ceux proposés, entre autres, par Scribens ou le Bon patron. Ces derniers - souvent impuissants à corriger tout un texte - fournissent des explications quant aux erreurs commises. Alors seulement, je regarde et corrige le texte avec le ou les élèves pour les aider à corriger tel ou tel point qu’il n’est parvenu à orthographier seul. Si le besoin s’en fait ressentir, une correction peut-être faite en classe avec un vidéoprojecteur en partant d’une copie (d’un volontaire naturellement) permettant de traiter des fautes les plus fréquemment faites. La dictée est photographiée puis projetée avec l’application Explain everything. On peut l’annoter, enregistrer même la correction faite en classe au format vidéo et la mettre sur internet à disposition des élèves.
Une dictée est, en général, assortie d’exercices d’approfondissement ou de révisions. S’il apparaît qu’il est nécessaire de revoir le passé simple, l’élève peut relire la leçon ou faire des exercices interactifs que j’ai préparés. Enfin, la dictée fait l’objet d’une évaluation. On voit ainsi ce qui a été retenu et appris. Cumulant les dictées, on possède alors un vivier de textes dans lesquels on pioche au hasard, l’élève devant être capable – désormais – d’écrire correctement n’importe lequel d’entre eux, ce qui n’est pas rien quand on en a déjà fait une dizaine. Cette proposition de travail de l’orthographe n’est pas la panacée, elle n’apporte pas de solution miracle, elle n’est pas non plus l’unique et ultime solution. Simplement, il me semble que c’est un moyen de faire, et que l’élève y trouve généralement son compte, car il travaille à son rythme et selon ses difficultés, tout en bénéficiant et de l’aide qu’apportent les logiciels et de l’aide qu’apportent ses voisins.
De la même façon, les ENT, la possibilité de consulter les notes de ses enfants, de lire le cahier de textes sans avoir à se déplacer jusque dans l’établissement, la possibilité enfin de discuter en ligne avec les enseignants permet de me suivre ses enfants, de comprendre ce qui est attendu d’eux et de les aider, en tant que parents, à faire leur travail. Mais vous connaissez tout cela, ces Espaces Numériques de Travail ayant été largement popularisé depuis quelques années.
J’aime aussi assez l’idée que le numérique apporte un peu de confiance aux élèves. Le numérique permet par exemple d'enregistrer des élèves timides qui, dans une relative intimité, osent ainsi s’exprimer, se mettre à chanter par exemple. C’est le cas de ces élèves filmées dans la tranquillité d’une pièce séparée et qui ont superbement chanté. Inversement, je me souviens de cet élève qui a eu 0,5 parce qu'il avait refusé de chanter devant les autres. Le numérique est un moyen de donner confiance en soi et si on n’y est pas encore totalement parvenu, on peut pallier cette timidité. Il n’est pas rare que mes élèves investissent le couloir ou une salle libre en face pour enregistrer leurs travaux.
Nous avons avec l’application Plickers un autre exemple. L’idée est ingénieuse : on peut faire de jolis tests, récupérer et traiter une foule de données, et tout cela avec le seul ordinateur de l’enseignant (et de son téléphone).
Ce qui m’intéressait, c’était de déterminer le niveau de ma classe, d’avoir une estimation précise des connaissances de tous les élèves sur un sujet donné (le verbe en l’occurrence). J’aurais pu procéder à une évaluation, mais je voulais quelque chose de plus… fun ! Quelque chose qui soit plus vivant, plus fédérateur qu’une feuille de papier faisant office d’évaluation formative que certains élèves auraient complété mollement. Or Plickers permet justement cela : les élèves participent allègrement. Et comme les résultats sont anonymes (si on le désire), personne n’est paralysé à l’idée de dire ou d’écrire une bêtise monumentale. Et tout le monde de participer dans la joie et la bonne humeur ! Voilà donc comment cela se passe.
Tout d’abord, dans votre navigateur, vous ajoutez votre classe et vos élèves. Un numéro et donc une carte sont alors attribués à vos élèves. Le chiffre 1 apparaît aux quatre coins du carré. C’est donc la carte 1. C’est cette carte qu’il faudra donner à votre élève. L’élève numéro 2 aura la carte numéro 2, l’élève numéro 3 la carte 3 et ainsi de suite… Vous pouvez récupérer les cartes sur le site de l’application. Vous les imprimez puis les distribuez à vos élèves. Quand vous poserez vos questions aux élèves et que ceux-ci devront répondre, c’est cette carte qui leur a été attribuée qu’ils devront vous présenter. Le principe est simple. Si l’élève choisit la réponse A, il place la carte en mettant le A vers le haut, s’il choisit la réponse B, il tendra la carte en plaçant le B vers le haut et ainsi de suite…
Évidemment, pour pouvoir poser des questions à vos élèves, il faut que vous les ayez créées, et c’est ce que vous aurez fait dans l’onglet Library du site de Plickers. Quand vous avez créé votre questionnaire, attribué les cartes aux élèves et que ceux-ci ont répondu, vous devrez alors scanner avec votre téléphone les réponses que vos élèves vous présentent avec lesdites cartes qui ne sont rien d’autre que des QR codes. L’application reconnaîtra instantanément la réponse, le nom de celui qui l’a donnée et la traitera de façon à vous indiquer qui a répondu quoi.
Pour faire tout cela, vous avez besoin de votre ordinateur et de votre téléphone. Le premier est branché sur le vidéoprojecteur et indique la question et les réponses possibles et aussi qui a répondu et qui n’a pas encore répondu. Pour pouvoir afficher cette question, vous avez besoin de votre téléphone. En effet, vous choisissez sur votre téléphone l’une des questions que vous avez créées. Puis sur votre ordinateur, vous allez dans l’onglet Live View. Selon la qualité de votre connexion, votre question apparaît, les élèves en prennent connaissance et peuvent choisir la réponse A, B (ou C, D ou E). Vous pilotez donc le questionnaire à partir de votre téléphone et, en un sens, l’ordinateur ne sert plus que d’écran d’affichage.
Quand tout le monde a répondu, votre téléphone sert ensuite à scanner les réponses de vos élèves. C’est très bien fait et l’appareil reconnaît la réponse de l’élève même au fond de la classe. Ensuite vous avez des statistiques (dans l’onglet Reports). Vous voulez savoir qui n’a pas réussi telle ou telle question ? Eh bien, par exemple, cliquez sur le chiffre 3 de la première question qui indique que trois élèves ont choisi une réponse erronée (la réponse D). Vous saurez qui c’est, et qui a donc besoin d’une aide supplémentaire.
Après, il m’a semblé opportun de faire le point. Une sorte de brainstorming. J’ai demandé aux élèves : « Dites-moi tout ce que vous avez retenu dès lors que l’on parle de conjugaison ». On a rassemblé toutes les réponses dans un nuage de mots fait avec Wordsalad. Ce nuage sert de moyen mnémotechnique. C’est la trace de tout ce qui a été évoqué. Ensuite, on constitue des groupes de 3 ou 4 élèves qui vont devoir rédiger la leçon sur le verbe. Ils ont la charge de tout rassembler, reprendre et résumer de façon claire et intelligible ce qui a été dit (lors de la phase du questionnaire, des explications ont parfois été demandées), avec des exemples. En somme, ils doivent se transformer en enseignants qui ont la charge de transmettre une leçon sur le verbe.
Si vos élèves ont des iPad, ils peuvent réaliser eux-mêmes et très facilement quelques vidéos avec Spark Video par exemple.
La conclusion, on la devine aisément. Tout le monde a participé sans hésitation ni crainte et même avec joie. Tout le monde est actif. Le travail en groupe permet même le tutorat. Je trouve qu’ainsi mes leçons de grammaire retrouvent un peu de fraîcheur.
Le numérique permet donc de faire que tout le monde participe, ce qui n’était auparavant pas possible, comme dans les conférences et notamment en amphithéâtre. Ainsi les étudiants n’osent pas forcément lever la main devant 400 personnes et encore moins interroger un enseignant qui, du haut de sa chaire, n’a pas pour habitude d’être questionné, contrairement à ce qui peut se passer dans les TD d’une université dont les maîtres de conférences ont la charge. D’où l’idée d’utiliser Twitter. Bruno Dondero, un professeur de droit, annonce le thème de son cours sur Twitter, envoie des liens vidéo à consulter et propose à ses étudiants de poser des questions via Twitter durant le cours. Et l’enseignant de répondre de vive voix. Celui-ci devient plus accessible et les étudiants sont plus concentrés. La récente introduction de Q&A (questions & answers) par Google dans son application Slides va dans le même sens. Slides est le PowerPoint de la firme de Mountain View. En permettant aux conférenciers et donc aux enseignants de répondre à des questions de l’auditoire ou de la classe, on offre à ces derniers la possibilité d’interagir bien sûr, mais aussi et surtout de participer sans appréhension, sans craindre de devoir lever la main devant tout le monde ou de prendre le micro devant des centaines de personnes et même d’éviter que la parole ne soit mobilisée par des personnes qui, au contraire, aiment se mettre en avant.
Une autre fois, j’étais confronté à des élèves qui ne parvenaient pas à commencer leur rédaction. Ils devaient rédiger un conte et n’avaient probablement pas d’idées. Ils ne devaient pas avoir cette culture du conte qui leur permettait de façon implicite de comprendre les consignes et de se dire : « Là, il va me falloir un adjuvant pour aider le héros qui va ainsi obtenir un objet magique qui l’aidera dans sa quête ». En utilisant l’application Decide Now, je me suis efforcé de trouver une solution à cette paralysie littéraire momentanée. Decide Now est en fait une roue virtuelle, un peu comme la roue de la fortune dans le jeu télévisé du même nom. On la fait tourner et on lit la case où elle s’est arrêtée. Cette roue ou plutôt ces roues car j’en avais fait plusieurs contenaient tous les ingrédients du conte. Ainsi une roue proposait différents lieux à traverser : un château, une grotte, un souterrain, une forêt, des montagnes, une rivière… Une autre proposait divers objets magiques : une baguette magique, une clef enchantée, un anneau qui rend invisible, un tapis volant, des bottes de sept lieues, le pouvoir de se faire oublier… Et la même chose pour les péripéties, la récompense, la moralité, les personnages, etc.
En fait, les élèves avaient juste besoin qu’on leur mette le pied à l’étrier. Et une fois qu’on leur avait procuré de façon amusante (je ne dirais pas ludique, parce que je ne suis pas sûr que ça l’était vraiment) les éléments constitutifs du conte, ils pouvaient laisser aller leur imagination et commencer leur rédaction.
Il en allait de même avec des applications du type Spritz, une application qui utilise le Rapid Serial Visual Presentation. Concrètement, l’application n’affiche qu’un mot à la fois contenant une lettre rouge censée fixer votre attention en un point précis. Cette méthode doit pouvoir vous apprendre à lire très vite. Elle n’est pas nouvelle et date des années 70. Vous trouverez une flopée d’applications utilisant cette méthode. J’ai pour ma part retenu Litz pour sa capacité à lire des ePubs. Mais il faut bien reconnaître que ce n’est pas la solution la plus plaisante (en tout cas pour moi qui lis et aime à lire lentement). Cependant, pour des textes plus courts, de ces articles qui ont donné naissance au terme « infobésité », une telle façon de lire peut vous permettre d’entamer votre course contre la montre des textes à lire dans la journée. Mais dans le cadre scolaire, il peut être intéressant de présenter aux élèves cette application. J’ai vu beaucoup de lecteurs bons et moins bons se jeter goulument sur l’application pour lire de plus en plus vite et dépasser leur nombre de mots par minute. 150, c’est déjà beaucoup ! Surtout à voix haute. Mais encore une fois, le défi, l’aspect ludique sont une invitation à surmonter ses hésitations, ses appréhensions, ses craintes.
Ce que l’on voit, par tous ces exemples, c’est que le numérique apporte une diversité de bon aloi, une fraîcheur qui aident les élèves récalcitrants et qui ne le sont peut-être qu’en raison de la monotonie des travaux effectués depuis des années. Le dernier exemple que j’ai pris, illustrant l’apprentissage de la lecture, montre que l’on peut travailler des compétences telles que l’acquisition de la lecture et donc sans rien raboter des exigences traditionnelles (le sempiternel lire, écrire, compter…), mais en variant les approches et même en rendant les choses un peu amusantes, ce qui correspond assez à ce que l’on tente de faire avec les serious games.
Cependant, il n’y a pas que la pédagogie qui change. L’enseignant lui-même acquiert une nouvelle posture. Son rôle dans l’école irradie la société dans laquelle, plus que jamais, sa voix résonne. J’en veux pour exemple la pétition lancée par Françoise Cahen qui, dans un article intitulé « Les couilles du bac littéraire », laissait entendre son indignation : il n’est aucun écrivain féminin au bac de terminale littéraire. Aucune femme, aucune auteure. Jamais. N’ayant obtenu le droit de vote qu’en 1944, les femmes vivraient encore et toujours dans l’ombre des hommes ? D’où l’idée de lancer une pétition dans laquelle l’enseignante écrit : « Nous ne demandons pas la parité entre artistes hommes et femmes. Nous aimerions que les grandes écrivaines comme Marguerite Duras, Mme de Lafayette, Annie Ernaux, Marguerite Yourcenar, Nathalie Sarraute, Simone de Beauvoir, George Sand, Louise Labé... soient aussi régulièrement un objet d'étude pour nos élèves. À un type de classe composé en majorité de filles et des profs de lettres qui sont majoritairement des femmes, quel message subliminal veut-on faire passer ? ». La presse tout entière s’est faite l’écho de cette juste demande. Près de 20 000 personnes ont apposé leur signature et Najat Vallaud-Belkacem, la ministre de l’Éducation, a elle-même laissé un commentaire et approuvé la pétition.
## Paradigme de l'enseignant
Il est incontestable que le numérique donne un rôle nouveau à l’enseignant. Son rôle n’est plus circonscrit au seul établissement dans lequel il officie ni à la salle des professeurs. Ce rôle est encore moins limité à « sa » salle. Il s’est tout simplement élargi. C’est ce que fait le numérique en créant des communautés qui s’élargissent spontanément à coups de hashtag. Et le point de départ est souvent la notion de partage, un mot qui a été emprunté à la communauté du libre en informatique (que l’on songe à Wikipédia).
Qu'il serait merveilleux de voir adoptée et adaptée par l'ensemble du corps enseignant la déclaration du Manifeste des humanités numériques qui date de 2011 :
5. Nous, acteurs des digital humanities, nous nous constituons en communauté de pratique solidaire, ouverte, accueillante et libre d’accès.
6. Nous sommes une communauté sans frontières. Nous sommes une communauté multilingue et multidisciplinaire.
7. Nous avons pour objectifs le progrès de la connaissance, le renforcement de la qualité de la recherche dans nos disciplines, et l’enrichissement du savoir et du patrimoine collectif, au-delà de la seule sphère académique.
8. Nous appelons à l’intégration de la culture numérique dans la définition de la culture générale du XXIe siècle.
Pour ma part, je me souviens, au début de ma carrière, d’un professeur d’histoire qui avait avec lui, en permanence, deux gros classeurs. Je commençais tout juste à enseigner, et ces classeurs m’apparaissaient comme une somme, un véritable trésor, le fruit d’un travail riche d’expériences, de lectures et de recherches, une sorte de Graal auquel tout enseignant devait nécessairement et inéluctablement parvenir après quelques années d’enseignement. J’admirais d’autant plus ces deux classeurs qu’ils me semblaient la matérialisation de ce qui reste d’habitude invisible, le travail de l’enseignant. En effet, les cours de l’enseignant sont parfois intangibles, car ils n’ont pas nécessairement besoin d’être mis par écrit pour être transmis. Mais ces deux classeurs avaient aussi un côté dérisoire que leur poids et leur encombrement rendaient évident. Pourquoi donc emporter en tout lieu et en tout temps ces deux énormes classeurs ? Ce professeur leur trouvait-il un usage quotidien ? Voulait-il absolument avoir sous la main le document qui deviendrait tout à coup nécessaire à un de ces moments où le hasard pédagogique vous mène ? Je ne sais plus quelle réponse j’ai obtenue à ce sujet, mais je sais depuis que le numérique a achevé de frapper d’inanité ce lourd bagage. Ces deux classeurs tiennent dans un iPad. Or mon site d’abord, mes manuels ensuite, ce sont un peu mes classeurs. Mais je ne voulais pas les garder fermés. Je voulais les tenir à la disposition des autres, pour à la fois les leur offrir et les leur soumettre. C’était à la fois par altruisme et par égoïsme, car, pour plagier Montaigne, je dirais volontiers que votre approbation comme votre condamnation me seront utiles.
Ces manuels numériques sont libres de droits, c’est-à-dire que pour la première fois on proposait à l’enseignant d’être, dans sa classe, totalement en règle avec la loi. En plaçant ces ouvrages sous licence Creative commons by SA, on reconnaissait à l’enseignant le droit de copier, modifier et distribuer ces manuels. Les images, les textes, les questionnaires, tout peut être partagé ou transformé. Pourquoi un tel « don » ?
Il faut dire et redire à quel point le droit d’auteur est une plaie pour le monde de l’éducation, un fléau qui restreint drastiquement la diffusion des œuvres. Combien de pépites, de découvertes resteront dans les tréfonds de mon ordinateur et de ceux de mes collègues ? Combien d’ouvrages ne pourront être partagés sous le prétexte que les droits d’auteur ont enfermé la culture pour une vingtaine d’années d’abord (lors de la Révolution française), puis pour cinquante, aujourd’hui pour soixante-dix ans ? Cette confiscation des œuvres, parfois totalement arbitraire (songez à cette traduction du Vieil homme et la mer de François Bon), enferme le patrimoine culturel dans la sphère du privé, prive le public de sa possession, de son droit de reproduction quand ce n’est pas purement et simplement de son droit de consultation. Par désir de profiter d’une manière financière, par crainte du vol également. Or, dans le cas du numérique, la confusion est totale. Si vous copiez un texte ou reproduisez une image, vous ne volez rien du tout. Vous copiez. Il n’y a pas vol.
J’avais été très étonné en entendant pour la première fois la chanson du copyleft. Copier n’est pas voler. Si je vole un vélo, le propriétaire du vélo est lésé. Si je copie un texte ou une image, personne n’y perd. Le propriétaire n’a pas perdu son texte ou son image, mais, à présent, il y en a deux. C’est qu’il faut distinguer le bien matériel du bien immatériel. Et, étonnamment, le XVIIIe siècle faisait cette distinction :
« Un homme a-t-il le droit d’empêcher un autre homme d’écrire les mêmes choses que lui-même a écrites le premier ? […](#) En effet, on sent qu’il ne peut y avoir aucun rapport entre la propriété d’un ouvrage et celle d’un champ, qui ne peut être cultivé que par un homme, et dont, par conséquent, la propriété exclusive est fondée sur la nature de la chose. Ainsi ce n’est point ici une propriété dérivée de l’ordre naturel, et défendue par la force sociale ; c’est une propriété fondée par la société même. Ce n’est pas un véritable droit, c’est un privilège, comme ces jouissances exclusives de tout ce qui peut être enlevé au possesseur unique sans violence.
Tout privilège est donc une gêne imposée à la liberté, une restriction mise aux droits des autres citoyens ; dans ce genre il est nuisible non seulement aux droits des autres qui veulent copier, mais aux droits de tous ceux qui veulent avoir des copies […](#) »
Il existe donc une culture du partage, assez ancienne. Celle-ci s’incarne à merveille chez deux enseignants que j’ai eu la chance de connaître.
J’ai rencontré Ghislain Dominé pour la première fois à Genève. En ce temps-là, nous étions tous deux formateurs. Si nous nous voyions pour la première fois, nous avions eu de nombreuses occasions de nous parler puisque nous avions discuté à plusieurs reprises sur Twitter. Nous n’étions donc pas des inconnus. Ou alors nous étions ce qu'on pourrait appeler des inconnus connus... ou l’inverse. Quand j’ai découvert l’existence de ce jeune enseignant, celui-ci était en train de répondre à une autre enseignante qui se demandait comment elle pourrait surmonter un problème technique. C’est en essayant de résoudre ce problème que nous avons été amenés à discuter ensemble.
À ce moment, Ghislain Dominé avait déjà rédigé une première version de son Guide pour l’iPad à l’usage des enseignants, ouvrage composé d’une suite de scénarios pédagogiques que l’iPad permettait de mettre en œuvre tels que Publier un podcast « vie de classe », Réaliser un photoreportage, Créer et faire vivre une chaîne de télévision… Le livre montrait assez précocement (nous étions en 2011/2012) comment le numérique favorisait une certaine approche pédagogique. La diversité de ces approches n’était pas la moindre des qualités de ce livre. C’est cette diversité que l’on retrouve - affranchie cependant de la seule plateforme d’Apple - dans un livre publié en 2105, Les TICE en classe, mode d’emploi. C’est un livre qui a beaucoup compté pour moi en ceci qu’il montre bien en quoi la pédagogie prévaut sur l’approche technique, une approche qu’il faudra sans cesse remettre en question tant les productions de la Silicon Valley sont soumises à des aléas que l’enseignant est sans cesse obligé de questionner : cette application est-elle la meilleure ? Vraiment ? Et celle-ci ? Telle autre est en passe de mourir, vers quelle autre me retourner ? Telle marque est-elle compatible avec ma vision ou ma philosophie ou même ma déontologie ? Comment puis-je m’emparer de cette application pour atteindre tel objectif pédagogique ?
Mais par-dessus tout impressionne la volonté et la capacité de l’auteur d’aider les enseignants. Et c’est ce qui m’avait frappé en voyant Ghislain travailler en formation. L’homme se démenait comme un beau diable, répondant inlassablement aux questions qui lui étaient posées. C’était comme si le poste de conseiller pédagogique que l’on peut trouver dans certains établissements à l’étranger avait été conçu pour lui. Cependant, cette vision mêlant pédagogie et numérique ne fait pas l’économie d’une réflexion sur ce que l’Éducation nationale doit ou ne doit pas faire. Cette réflexion pourtant mesurée avait valu à Ghislain de graves ennuis. Dans un article de blog, l’auteur déplorait la « fascination pour la technologie », une fascination politique imposant un énième plan et une « logique massive de […](#) distribution de matériel » alors que « le numérique n’est que vernis […](#) Là où on impose du numérique, c’est de la pédagogie qu’il faut prodiguer ». Remettre en question la vulgate institutionnelle n’a pas été du goût de tous.
En la personne de Ghislain, nous avons donc un enseignant auteur, blogueur et formateur. Il ne manquait plus qu’à passer à l’étape suivante. Comment aider davantage les enseignants ? Eh bien en devenant chef de projet numérique au Canopé de Lille. Là, dans ce qui fut autrefois le CDDP (centre départemental de documentation pédagogique), des ateliers sont régulièrement mis en place. Ce sont de véritables fablabs où tout le monde peut venir et ainsi acquérir de nouvelles compétences. Vous voulez apprendre à publier votre livre, à vous autopublier plus précisément ? Vous voulez créer votre radio ? Ghislain, véritable sage-femme de l’éducation, se livre à cette maïeutique des esprits et s’adresse à tout public. L’enseignant formateur a eu ses élèves comme public, ses collègues. C’est à la société tout entière qu’il s’adresse aujourd’hui potentiellement. Et j’apprécie tout particulièrement l’idée que l’école puisse, d’une façon ou d’une autre, continuer à jouer son rôle y compris quand celui-ci est en principe terminé. Il y a une vie après l’école. Tel pourrait être le credo du numérique. On continue à apprendre et on va vous y aider. Enfin une bonne claque à ce discours parental, professoral, sociétal enjoignant dans l’angoisse l’enfant à préparer d’urgence sa vie d’adulte sur les bancs de l’école s’il ne veut pas rater sa vie. L’usager n’est-il pas lui aussi un acteur de cette 4e révolution industrielle, lui qui pourrait avoir sa petite usine sur son bureau ?
Nicolas Olivier (@nicoguitare sur Twitter) est un professeur d’éducation musicale au collège Sainte-Geneviève à Saint-Jory. Outre le fait que l’enseignant publie régulièrement sur son site ses dernières trouvailles, et ce avec une bonne humeur communicative (l’homme n’hésitant pas à se mettre en scène ou à s’affubler d’une perruque), Nicolas Olivier s’est illustré par son dynamisme qui a trouvé sur Twitter un joli moyen d’expression.
Ce réseau a souvent été comparé à une salle de professeurs élargie. Et il est vrai que les enseignants discutent souvent de leurs pratiques, échangent conseils, idées, etc. Ce genre de réunions sur le web se produit pratiquement depuis que le web est… web. Mais ce qui est remarquable, c’est que ce rassemblement ne se fait pas que sur la toile. Nicolas Olivier (et Gathy Jund) ont réussi à faire naître une communauté d’enseignants (rien moins que cinquante pour la première année) qui se sont réunis après avoir suivi une simple balise sur Twitter, #EdmusConnect. Tous ces enseignants se sont rencontrés à Toulouse, l’an dernier. Et lors de cette journée, ont pu être évoqués pédagogie, numérique, programmation au travers de discussions, d’ateliers, de concerts…
Comment une telle idée leur est venue ? En 2014, Nicolas Olivier se trouvait à Ludovia (cet autre grand rassemblement du numérique) afin d’y animer un atelier. À la fin de celui-ci, une de ses collègues vient le trouver et lui dit qu’elle est venue uniquement pour le voir ! Les deux enseignants discutent un moment et se disent qu’il faut absolument qu’ils se voient, eux et les autres collègues de musique intéressés par la pédagogie et le numérique. De là est née l’idée d’organiser Edmus Connect, ce pied de nez à l’idée que le numérique vous isole. Si vous traînez sur Facebook ou Twitter, vous aurez forcément, à un moment ou à un autre, lu l’acronyme IRL, qui signifie In Real Life, c’est-à-dire « dans la vraie vie ». Ces trois lettres veulent dire que le numérique ne signifie pas la mort des rapports sociaux (ce qui, à l’heure des réseaux sociaux est déjà une incongruité à formuler), mais qu’au contraire le numérique réunit les gens sur le web tout d’abord puis dans la vraie vie, IRL. Et ce n’est pas la moindre des merveilles de constater que ces gens traversent la France et parfois même l’Europe pour se retrouver.
Pour la deuxième itération d’Edmus Connect (en avril 2016), ce n’est pas moins de 80 enseignants qui se sont donné rendez-vous et encore ceux-ci avaient-ils dans l’idée de former un petit groupe. Mais il se pourrait que la 3e manifestation soit plus imposante encore, car les enseignants disposeront d’un amphithéâtre et de salles équipées (et notamment d’une connexion wifi) permettant de faire intervenir divers intervenants.
Ces rencontres sont fructueuses. Ce Padlet (et suivez les liens qui mènent à d’autres Padlet et notamment celui-ci) réunit des centaines de ressources essentiellement vidéos : histoire du violon, la polyphonie, l’appareil phonatoire, la sonate, le baroque, le tempo, la pulsation… Voilà quelques exemples de notions que vous découvrirez. Il y a une telle profusion de données que les membres d’Edmus ont recourt à des feuilles de calcul dans lesquelles sont classés et répertoriés tous les liens, ressources, capsules qu’ils créent ou recensent : musique et dyslexie, réalité augmentée, lutherie sauvage, brain gym, Audacity, GargeBand, Philarmonie, etc.
Cette réunion d’enseignants était déjà une belle réussite, mais il a suffi à Nicolas Olivier de lancer sur Twitter un autre hashtag (#edlangFR) pour susciter chez les collègues de langue l’envie de faire la même chose. Et l’on peut donc désormais compter sur une nouvelle communauté d’enseignants qui eux aussi se réunissent afin de travailler ensemble.
Où l’on voit que l’initiative, l’autonomie, la mutualisation et le partage sont désormais des vertus professorales que l’institution n’aurait jamais pu ne serait-ce qu’imaginer en rêve.
On comprend donc la place que prennent les réseaux sociaux. L’interaction est devenue un lieu commun, mais elle est infiniment appréciable. Posez votre question et nul doute qu’on vous répondra rapidement pour vous aider. Cette entraide ne semble pas vraiment connaître de limite, car on ne saurait simplement se contenter d’apporter une information quand on peut faire tellement plus. Ainsi, l’enseignant dont le pseudonyme est Ticeman sur Twitter propose sur son blog quasi quotidiennement des tutoriels, des suggestions d’apps multiplateformes testées et expliquées. Vous rencontrez une difficulté ? Le monsieur vous aidera et fera peut-être même le travail à votre place ! Or il est arrivé que l’iPad de cet enseignant soit venu à chuter. Un iPad qui servait essentiellement de machine de test. Comment aider celui qui vous a tant aidé ? L’occasion était toute trouvée. Un enseignant a expliqué qu’il suffisait de cliquer sur le bouton Paypal du site de Ticeman et de lui procurer ainsi les fonds nécessaires à l’achat d’une machine qui servait à tester des applications et des services qui serviraient à ceux qui en auraient besoin. Or ceux qui en avaient besoin ont spontanément convié les uns et les autres à donner quelques euros pour que ces échanges puissent perdurer.
Notez que la pratique n’est pas rare et qu’une de nos très bonnes et très généreuses amies souhaitait découvrir le Chrome Book. C’était son anniversaire et l’occasion, une fois encore, était trop belle. Et puis qu’est-ce que cela coûte à de telles communautés d’enseignants qui parfois ne se sont d’ailleurs jamais rencontrés ? Financièrement, pas grand-chose. Encore que dans mon cas, le recours au financement collaboratif via Ulule m’a permis de troquer mon vieux Mac contre un iMac de 27 pouces tout neuf. Cette campagne de crowdfunding m’a ainsi permis de travailler dans de meilleures conditions et de produire un énième manuel scolaire, libre et gratuit. Pour l’occasion, je transformais la licence sous laquelle je plaçais mes productions en licence CC by SA.
Souvenez-vous de cette métaphore attribuée à Bernard de Chartres nous présentant comme des nains juchés sur des épaules de géants. Il voulait dire par là que nous nous élevions par la lecture des grands auteurs du passé. Aujourd'hui, nous prenons à la fois appui sur nos illustres prédécesseurs, mais aussi sur nos contemporains qui, grâce à l'intelligence collective, haussent la réflexion à un stade que l'isolement dans lequel se trouvaient auparavant le chercheur ou l'écrivain ne pouvait permettre d'atteindre. Par l'aide financière, psychologique et intellectuelle que mes amis (fussent-ils virtuels sur Facebook), mes abonnés (sur Twitter), mes lecteurs et commentateurs sur mon site ou mon blog m'apportent, je parviens à un résultat auquel, seul, je n'aurais pu prétendre.
L’enseignant est donc moins isolé que jamais. Il est au cœur d’une communauté. S’il était un artiste, peut-être pourrait-on parler de mouvement ou s’il peut être apparenté à un intellectuel probablement peut-on parler de courant. Et s’il est bien un courant pour lequel les questions d’éducation ont constitué une préoccupation importante, c’est bien l’humanisme.
C’est devenu un lieu commun que de comparer l’invention d’internet à l’invention de l’imprimerie qui, selon la vision qui en découle, aurait produit une violente accélération de la diffusion du savoir. La technique serait en ce sens bienfaitrice et ce n’est pas tout à fait faux et ce n’est pas tout à fait vrai, parce qu’il a fallu de nombreuses années pour que l’accès au livre se démocratise et qu’au début, celui-ci était très coûteux à produire et donc rare. Mais à terme l’invention de l’imprimerie a réellement donnés accès à un savoir qui restait auparavant l’apanage de quelques moines isolés dans leur coin, et qui prenaient seuls dans leur coin des décisions concernant la graphie ou l’orthographe de tel mot seuls ou sans pouvoir aisément partager leur réflexion ou leurs doutes. Je me suis souvent demandé ce qu’auraient fait ces hommes s’ils avaient eu internet. Nul doute qu’on y aurait tous gagné. Après tout, certaines orthographes résultent de choix qui remontent pour certains au XVIe siècle. L’orthographe en aurait été simplifiée. Les moines auraient pu s’entendre sur tel ou tel point, s’accorder à choisir la solution la plus élégante ou la plus pratique. Internet aurait été un moyen d’unifier l’anarchie qu’est l’orthographe.
Mais le XVIe siècle, ce n’est pas uniquement le siècle de l’imprimerie. C’est aussi le siècle de l’humanisme. Et, de fait, on parle souvent d’humanisme 2.0. Mais qu’est-ce que l'humanisme précisément ?
Tout d’abord, c’est un acte de confiance dans l’homme heurtant la conception chrétienne qui met l’accent sur la misère de celui-ci. Pic de La Mirandole, dans son Discours de la dignité de l’homme, montre Adam au centre de l’univers. Nu, fragile, sans armes, il est muni de sa seule intelligence qui lui assure sa domination sur les animaux. Le retour à la pensée antique et le culte des Anciens qui ne découragent pas les Modernes de rivaliser avec leurs devanciers et même de les dépasser lui procure le sentiment d’appartenir à une époque de réveil spirituel. S'il admet n'être qu'un nain, il se sait perché sur des épaules de géants. L’humaniste a foi dans l’avenir. De plus, à sa culture livresque, s’ajoutent l’observation, l’expérience personnelle et le goût du voyage. Il y a là un élargissement de l’horizon intellectuel qui s’accompagne d’une volonté de rompre avec le vieux monde, un monde de valeurs vieillies qui méconnaît un nouvel art de vivre, une aspiration à une nouvelle culture. Se défiant des idées toutes faites, l’humaniste se fait aussi « inquisiteur de vérité ». Appliquant l’exercice de sa raison, c’est tout l’univers qui s’offre à la gourmandise humaniste. L'homo numericus, c'est Gargantua à table.
Guillaume Budé est souvent présenté comme le père de l’humanisme. Il obtient du roi la création du Collège des Lecteurs royaux en 1530, qui deviendra le Collège de France où on enseigne le grec, l’hébreu et le latin. A. Lefranc décrit le Collège ainsi : « Plus de grades obligatoires, plus de licence pour enseigner, plus de frais d’études arbitraires et monstrueux ; des cours indépendants, gratuits, ouverts à tous, le grec et l’hébreu envahissent l’École. C’était toute une révolution dont personne, pas même ceux qui la provoquèrent, n’avait au juste mesuré la portée. » Naturellement, ce Collège était en complète rupture avec l’enseignement prodigué par la Sorbonne et les théologiens.
Il est assez amusant de constater que les humanistes avaient le souci d’aborder le texte authentique sans préjugé, en lisant un texte épuré de ses commentaires, un texte tronqué par des traductions erronées dans lesquels on avait cherché à tout prix à concilier la pensée des Anciens avec le christianisme. Les Anciens ne lisaient pas Aristote pour lui-même mais pour le mettre au service de la théologie. L’humaniste n’hésite donc pas à remettre en question les dogmes, les vérités établies, à mesurer la relativité des opinions et rejette la notion d’auctoritas, l’autorité de l’Église qui fonde l’orthodoxie. Il recherche la connaissance, quitte à lui substituer celle du respect de l’autorité des Anciens.
Naturellement, cette époque où fleurissent les utopies est aussi une époque terrible. Les guerres d’Italie ou les guerres de religion sont l’autre versant de cette époque et de cette volonté de retour aux sources (songez à l’évangélisme érasmien). Le 3 août 1546, Étienne Dolet meurt avec ses livres sur un bûcher… pour une phrase. Cet humaniste, ce grand défenseur de la langue française, cet imprimeur de François Rabelais et Clément Marot meurt pour avoir remis en cause l’immortalité de l’âme.
Aujourd’hui, le parallèle avec l’humanisme s’impose de lui-même. J’irais même jusqu’à dire que le numérique est un avatar de l’humanisme. Certes, on ne meurt plus en France sur un bûcher, mais on a vu des blogueurs risquer leur vie. Le saoudien Raif Badawi a été condamné fin 2014 à 1000 coups de fouet, une amende de 225 000 euros et 10 ans de prison. La liberté d’expression coûte cher en Arabie Saoudite. J’imagine qu’il en va de même pour ceux qui y enseignent.
Mais quand je lis la définition que Wikipédia donne de l’humanisme, je me demande si l’on parle du XVIe siècle ou de notre siècle :
« Considérant que l’Homme est en possession de capacités intellectuelles potentiellement illimitées, [les intellectuels de l’époque](#) considèrent la quête du savoir et la maîtrise des diverses disciplines comme nécessaires au bon usage de ces facultés. Ils prônent la vulgarisation de tous les savoirs […](#). »
Par vulgarisation, il faut entendre que le savoir devient ordinaire. « vulgaire » vient de « vulgum » et signifie « le commun des hommes ». En mettant la connaissance à portée de clic, le numérique le rend accessible. Le numérique apporte l’intelligence (en latin, « interlegere », c’est faire des liens entre les choses), c’est la connexion. Comme les objets qu’elle enrichit (le smartphone, par exemple), le numérique nous rend plus intelligents. Par le numérique, l’élève est lié à son professeur lequel est lié aux autres professeurs. Un réseau social élargit considérablement les dimensions de la salle des professeurs : la terre entière devient un lieu d’échanges où les idées, les pratiques, les conseils sont transmis d’un bout à l’autre du globe. En somme, le numérique est un rapport social qui diffuse un savoir tous azimuts.
Et non seulement, il le diffuse à une échelle jamais atteinte précédemment, mais il le diffuse mieux. Selon Marin Dacos, le numérique favorise l'accès aux ressources : « Quand un chercheur jusqu'à présent, dans une revue papier, prétendait qu'il avait vu dans les registres paroissiaux une croissance démographique ou au contraire une régulation des naissances et qu'il pouvait le déduire de ses données, on ne devait le croire que sur parole et on ne pouvait pas reproduire son travail puisqu'il fallait retourner aux archives et refaire cinq ans de consultation d'archives. Désormais on peut techniquement diffuser le corpus avec le produit intellectuel qu'on en a déduit et quelqu'un d'autre va pouvoir contredire, affiner et réutiliser les données. Et évidemment ça change absolument tout parce que du coup, l'administration de la preuve est beaucoup plus solide d'une part et d'autre part, en plus, on peut imaginer qu'on réutilise des corpus à des fins qui n'étaient pas prévues ». C'est en ce sens que la loi sur l'open access, cette possibilité qu'ont les auteurs d’articles scientifiques de communiquer librement leurs résultats (6 mois pour le domaine sciences dures et 12 mois pour les sciences humaines) est fondamentale.
Cette diffusion de l'intelligence, à l'heure des réseaux, ne peut être que collective. On a souvent, de manière humoristique, opposé l'intelligence artificielle à la bêtise naturelle, mais c'est à l'intelligence collective qu'il faut l'opposer. Le rôle de la technologie n'est pas de remplacer l'homme, mais de favoriser l'essor de collectifs intelligents. Pourrait-on jamais plus être intelligent tout seul ? Qui pourrait prétendre embrasser la totalité du savoir, maîtriser toutes les connaissances et toutes les compétences ? Nous sommes obligés d'être intelligents ensemble.
Bien sûr, comme le rappelle Pierre Lévy, quand on parle d'intelligence, le mot doit être compris comme dans l'expression « travailler en bonne intelligence » ou « intelligence avec l'ennemi ». La technologie introduit un nouveau rapport au savoir. On l'a vu dans ce livre à de multiples reprises. Elle crée un lien social délicieux :
« [...] qui est l'autre ? C'est quelqu'un qui sait. Et qui sait de surcroît des choses que je ne sais pas. L'autre n'est plus un être effrayant, menaçant : comme moi, il ignore beaucoup et maîtrise certaines connaissances. Mais comme nos zones d'inexpérience ne se recouvrent pas, il représente une source d'enrichissement possible de mes propres savoirs. Il peut augmenter mes puissances d'être, et cela d'autant plus qu'il diffère de moi. Je pourrais associer mes compétences avec les siennes de telle sorte que nous fassions mieux ensemble que si nous restions séparés. »
Et l'auteur d'ajouter un peu plus loin : « Ce projet convoque un nouvel humanisme qui inclue et élargisse le « connais-toi toi-même » vers un « apprenons à nous connaître pour penser ensemble » et qui généralise le « je pense donc je suis » à un « nous formons une intelligence collective, donc nous existons comme communauté éminente ». On passe du cogito cartésien au cogitamus ».
Ce cogitamus, c'est l'humain mis au cœur même des machines. Ce qui assurément, à l'image des ateliers Canopé susmentionnés, des fablabs, est un moyen de briser la damnation de l'échec scolaire. L'intelligence étant partout distribuée, tout individu sait quelque chose et peut le partager sur les réseaux.
Le numérique, comme toute technique, a permis à l'homme de parvenir à obtenir tel résultat qui auparavant était impossible à atteindre. C'est le cas par exemple de l'énergie hydraulique et des accumulateurs, ces poids exerçant une pression sur l'eau, générant ainsi une pression laquelle pouvait alors soulever des charges importantes. Il en va de même du numérique qui toutefois n’est pas qu'un outil ou une machine ni même un ensemble de machines qu'on appelle un réseau. Ou, en tout cas, pas seulement.
Cependant, à l’école, le numérique a introduit une question complexe, celle de la pédagogie.
Or le numérique, c’est la pédagogie réinventée grâce à la tekhnê. C’est accompagner les élèves, non plus à pied comme le faisait l’esclave emmenant l’enfant à l’école, mais librement sur les réseaux d’ordinateurs. Pour reprendre le terme de Montaigne, l'enseignant est « un conducteur ». Celui-ci doit montrer à ses élèves à quel point la connaissance est infinie, protéiforme, inattendue. Il doit favoriser la créativité qui est le refuge de l'humanité face à l'intelligence artificielle. Faites l’essai avec telle ou telle application. Demandez aux élèves d’en faire quelque chose. Vous serez surpris de voir à quel point le numérique s’étant débarrassé de ses oripeaux techniques permet de faire de belles choses simplement et efficacement. Car le numérique, c'est la démocratisation des usages. Ce qui n'était autrefois réservé qu'à quelques professionnels est aujourd'hui accessible au grand public.
Et l’enseignant ne se dérobe pas. Il ne se passe pas un jour sans que des milliers d'entre eux enrichissent le web de leurs productions. Padlet, YouTube, Twitter résonnent quotidiennement de leurs travaux. Il y a là une exubérance gargantuesque, un désir inassouvi de faire cours, de diffuser et partager. L’enseignant de nos jours me fait aussi un peu penser aux… punks ! Comme en 77, il suffisait de prendre une guitare et d’oser. La technique s’est donc développée à un point où il est possible de faire des choses qu'auparavant il était impossible de faire mais surtout elle a généré une émulation vivifiante. C’est pourquoi mon livre s'adresse en priorité aux enseignants qui ont la capacité de faire de grandes choses et qui ne doivent pas laisser l’école se privatiser. Les Coursera, Kartable (à propos duquel je vous recommande fortement la lecture de cet article), OpenClassrooms et autres Kahn Academy ne sauraient devenir les incubateurs de ce que doit devenir l'éducation, un marché de 135 milliards d'euros en France.
Il ne reste plus qu’à permettre à l’école de trouver le loisir (c’est le sens du mot « école ») d’accéder au numérique, à faire comprendre aux élèves à quel point toutes les choses évoquées dans ce livre sont nécessaires, désirables et fondamentales, que le numérique n’est pas qu’un objet de divertissement, que, selon le mot de Philippe Meirieu, l’injonction sociétale à prendre son pied n’est pas contradictoire avec le fait de se prendre la tête.
Et si on ne le fait pas ?
À l’occasion du dernier forum économique de Davos, le Forum économique mondial (WEF) a publié un rapport sur les emplois du futur dans lequel il apparaît que 65% des enfants entrant aujourd’hui à l’école primaire travailleront dans de nouveaux métiers qui n’existent pas encore. De plus, 7,1 millions d’emplois administratifs disparaitraient purement et simplement entre 2015 et 2020. C’est une conséquence de cette 4e révolution industrielle au cours de laquelle les machines traiteront des milliards d’informations beaucoup plus vite et beaucoup mieux que nous-mêmes.
On l'a vu au début de ce livre, l'intelligence artificielle est convoquée pour répondre à certains besoins. Ainsi, dans ce cabinet d'avocats, l'IA Ross travaille sur les affaires liées à des faillites d’entreprise. Elle répond aux questions que se posent les avocats en puisant dans les milliers de documents juridiques non pas une liste de résultats mais en procurant « « une réponse très pertinente » développée avec des arguments fondés sur des extraits de texte et des exemples de cas concrets ».
L'intelligence artificielle est également utilisée dans les banques, notamment par les conseillers qui, avec la multiplication des produits financiers, ne peuvent tout connaître dans le détail. L'IA va donc « aider les conseillers à devenir des experts » qui gagnent en efficacité et en productivité tout en améliorant l'expérience client. Certains de ces conseillers sont même précédés d'un « bot », qui répond à des questions simples afin de soulager l'individu des tâches répétitives et de leur dégager du temps pour délivrer un conseil de qualité.
Alors, dans de telles conditions, qu’attendre de nos enfants ? Quelles compétences doivent-ils développer ? Selon le Forum économique mondial, il y en a dix. Je vous donne les cinq premières :
Résolution de problèmes complexes
Pensée critique
Créativité
People management
Se coordonner avec les autres
Un rapport datant de février 2016 émanant à la fois du ministère du Travail, de l’Éducation nationale et du ministère de l’Économie fait état d’une vacance de 900 000 emplois d’ici 2020. Et ce sont tous les métiers qui sont touchés, car il n’en est pas « qui ne soit pas, peu ou prou, impacté par l’introduction des outils numériques ». Quelle que soit votre conception de l’école, la croissance du secteur du numérique fera au moins consensus.
Or un rapport datant de 2015 de l’OCDE affirme : « Il ressort des résultats de l’enquête PISA que les enseignants n’utilisent pas systématiquement les technologies de l’information et de la communication (TIC) en dépit d’une augmentation des investissements dans ces technologies en milieu scolaire. De fait, les enseignants qui ont participé à l’Enquête internationale de l’OCDE sur l’enseignement et l’apprentissage (Teaching and Learning International Survey, TALIS) en 2013 ont déclaré que l’un des domaines dans lesquels ils avaient le plus besoin de développement professionnel était le renforcement de leurs compétences en TIC à l’appui de leur enseignement. »
Dont acte ?
Si en dépit des plans qui se sont multipliés vainement, on parvient enfin vraiment à introduire le numérique, alors on ne se demandera plus si l'école a changé ou pas, mais on se dira, en plagiant Mallarmé, Telle qu'en Elle-même enfin l'éternité la change. Et alors l'école continuera de permettre à l'élève « de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle, d'exercer sa citoyenneté ».
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[Illustration de couverture](https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Chiron_instructs_young_Achilles_-_Ancient_Roman_fresco.jpg?uselang=fr_)
Merci à Ghislain Dominé pour sa relecture et dont la prose s’est si souvent mêlée à la mienne qu’il en reste des bouts çà ou là.
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