# Fake news: quand la manipulation a pour dessein de tromper <style> h1{ color:#F9931A; } ul{ color: black; } a{ color:#F9931A; } a:hover{ color: #F9641A; text-decoration: underline; } </style> La manipulation dans la publicité et la communication politique vise dans la majeure partie des cas la séduction et la suggestion plutôt que **l’imposition d’une vérité**, mais parfois cette limite est franchie. L’image peut alors servir la désinformation et la mésinformation en cherchant à tromper le spectateur. En biaisant la réalité par la modification, le changement de contexte ou la mise en scène de l’image, celle-ci devient alors trompeuse et passe un niveau dans son caractère manipulatoire. C’est un procédé efficace car aux vues des différentes caractéristiques de l’image que sont sa charge émotive, son imprégnation directe dans l’esprit sa facilité à être mémorisée, son intensité et son rôle de garant de l’authenticité de l’événement représenté, il n’est pas surprenant qu’elle soit le support idéalement efficace dans la construction de messages persuasifs et mensongers. Le réel est alors jugé, non plus en fonction de lui même, de sa valeur intrinsèque de notre rapport à lui, mais par rapport à l’image censée en tenir lieu. ## Un décalage entre image et réalité L’image embellit le réel et cette idéalisation a pour conséquence d'orienter nos désirs et nos représentations. Nous sommes habitués à un décalage entre un objet représenté et l’objet réel. Ce décalage trompe légèrement le spectateur pour améliorer la perception de l’image. Ainsi, nous savons que l’image d’un burger sur une publicité sera loin du burger lui même acheté en magasin. De la même manière, les publicitaires utilisent des logiciels de retouche photo pour sublimer les mannequins. Il en est de même dans les magazines où les célébrités retouchées entraînent leur idéalisation. D’autres modifications d’images servent des buts esthétiques de l’image elle-même comme retirer des personnes en arrière-plan ou accentuer les couleurs. L’image montre alors une représentation idéalisée de la réalité. ![](https://i.imgur.com/12UWSjv.png) >Nathalie Majcher, docteurbonnebouffe.com, >*L'image montre le fossé, accepté du public, entre la publicité et la réalité avec l'exemple d'un burger* Par ailleurs, certaines images peuvent aussi subir des modifications, non pas dans un but de sublimer le réel mais plutôt de séduire davantage le public. C’est ici la limite entre la manipulation visant la séduction et celle visant la tromperie. Ainsi, sur une photographie de Klaus Kleinfeld, le PDG de Siemens ou encore sur une autre de Rachida Dati, des signes de richesses comme une Rolex ou une bague prestigieuse ont été retirés par un montage. Cette modification cherche à faire coïncider l’image avec le message qui veut être communiqué. En effet un signe de richesse peut constituer une sorte de violence symbolique pour une partie de la population, et donc nuire à l’image de ces personnes. Ces accessoires peuvent aussi susciter la polémique, c’est pourquoi la modification trompe le réel pour éviter une mauvaise communication. La tromperie ne vise pas ici à délivrer un message différent du premier mais de le sublimer pour éviter que ces objets ayant une forte symbolique ne faussent le message. Cet arrangement de la vérité, qui ne vise pas la tromperie, mais souhaite éviter une communication désavantageuse et obtenir l’adhésion du plus grand nombre est aussi possible grâce à la mise en scène de la photographie. Les élections françaises poussent les candidats à une bataille de l’image et n'hésitent pas à utiliser des stratégies pour faire la démonstration de leur puissance et montrer qu’ils ont l’adhésion du plus grand nombre. Le biais cognitif de la **preuve sociale** [^two] peut alors être déclenché chez les spectateurs et l’image, en subissant de tels stratagèmes de mise en scène, sera très persuasive et convaincante. La distribution de drapeaux dans la foule lors d’un rassemblement ou d’un discours permet de donner une impression de masse de personnes en augmentant les détails sur les images et potentiellement en dissimulant les vides. Ainsi, les images capturées par les journalistes permettront plus facilement de manipuler les personnes qui verront apparaître ces images dans des journaux ou sur internet. Dans des salles où des discours ont lieu, si certaines places sont vides, un grand rideau noir est parfois installé pour ne pas montrer que certains sièges sont vides. En effet, le fond de la salle paraît donc plus proche et la salle semble comble. Des sièges vides pourraient symboliser une faiblesse du candidat et entraîner une moins bonne image de lui par l’opinion publique. [^two]: La preuve sociale est un principe de psychologie sociale. Selon ce principe, un individu ne sachant quoi faire ou quoi penser, aura tendance à adopter le comportement ou le point de vue d'autres personnes. src: [wikipédia](https://fr.wikipedia.org/wiki/Preuve_sociale#:~:text=La%20preuve%20sociale%20est%20un,de%20vue%20d'autres%20personnes.) ![](https://i.imgur.com/WctE1Xm.png) >Introduction à l'image 2: Manipuler les esprits - Zoom Hors-Série >*Installation d'un rideau noir lors d'un rassemblement politique médiatisé pour dissimuler les nombreuses places vides* ## La modification de l’image pour détourner le message Quand cette limite est franchie et que l’image sert la tromperie et l’imposition d’une fausse vérité plutôt que son embellissement, il peut se poser des questions d’éthique face à cette manipulation qui devient alors malhonnête. Ainsi, le message délivré par l’image est soumis par l’imposition de sa véracité. L’image sert alors d’arme pour faire passer l’information souhaitée. Les images influencent et réduisent donc le débat en ayant une action directe sur la réalité consensuelle et sont alors déterminantes dans la formation des opinions. En effet, celles-ci attestent de “valeur de vérité” d’un événement et ceci suffit à prouver qu’il a réellement et incontestablement eu lieu. Il est même possible de créer un faux souvenir dans l’esprit des spectateurs **[^first]**. Différentes techniques peuvent en conséquences servir ce but et ainsi engendrer de la désinformation et de la mésinfoermation. [^first]:voir les travaux d’Elizabeth Loftus sur les faux souvenirs Le simple **recadrage** d’une photographie peut en changer tout son sens, transformer sa compréhension et ainsi servir un autre discours que celui initial. Ces images seront ensuite accessibles à tous avec les médias, internet et les réseaux sociaux et serviront des fins idéologiques. Cette falsification du réel peut par exemple être remarquée à travers la communication réalisée suite à l’investiture de Donald Trump le 20 janvier 2017. Cette cérémonie censée symboliser l’unité de la nation ne rassemble pas autant de personnes que celle de de Barack Obama. La maison blanche va alors décider de tronquer la réalité. Le porte parole du gouvernement annonce donc que “ ce fut la plus grande foule jamais vu lors d’une investiture” et met en avant des images semblant montrer une foule dense et conséquente. Le cadrage de ces photographies met donc en avant les propos avancés. Ce fait alternatif présenté cherche à contrer le tort que les images qui montrent peu de personnes apportent au président. Cette modification du cadre peut aller de pair avec **la modification du contexte de l’image et une légende altérée**. Ainsi, une expérience a montré qu’une même image parue dans un journal sérieux et dans un journal satirique sera respectivement perçue comme sérieuse ou légère. Le texte de légende peut aussi avoir ce même effet. Ainsi une même image avec une légende différente peut avoir différentes connotations. Il est alors possible de faire croire si une personne grimace sur une image qu’elle est drôle ou bien malade. Une photographie prise au mauvais moment et associer à une légende trompeuse peut alors devenir la preuve utile à faire croire à des mensonges. Certains utilisent les images de cette façon pour leur faire dire ce qu’ils veulent. C’est aussi possible avec les diagrammes. En choisissant un mode de représentation particulier, il est possible de connoter les données pour qu’elles collent avec un point de vue en particulier. C’est un enjeu important de la data visualisation. Ces pratiques peuvent aller plus loin encore par **la modification de l’image grâce à des logiciels de retouche photo**. En effet, la modification de photographies date d’avant photoshop. Staline faisait ainsi systématiquement effacer ses ennemis politiques des photographies. Cette pratique peut alors manipuler l’histoire car les photographies témoignent du passé. En supprimant des éléments sur des photographies, on efface les traces de leurs existences. Ce phénomène est facilité et grandi avec l’existence des logiciels de photo montage comme photoshop. De plus, les réseaux sociaux permettent aujourd’hui à un grand nombre de personnes de voir ces images truquées à des fins idéologiques et ainsi d’être manipulés. Par exemple, en 2015, une eurodéputée du Front national à publier sur twitter un montage et une légende mensongère visant à appuyer son point de vue. On y voyait des femmes entièrement voilées devant une caisse d’allocations familiales et légendée “ Caf à Rosny sous bois le 9 12 14. Le port du voile est censé être interdit par la loi”. Cette image venait en réalité du Royaume-uni et un panneau des allocations familiales avait été ajouté au montage. ![](https://i.imgur.com/Y3EynLc.jpg) >Tweet de Mylène Troszczynski, 23/09/2015 >*Une personnalité politique a utilisé un montage mensonger pour pousser ses "followers" à adopter ses idéologies Enfin, la manipulation par l’image par l’imposition d’une vérité atteint son paroxysme avec **la propagande**. En effet, cette manipulation vise à modeler l’opinion publique et modifier les représentations populaires. L’utilisation de représentations symboliques en est un exemple tout comme d’autres techniques vues précédemment comme celle de l’association. La propagande utilise donc une bonne partie des mécanismes évoqués au long de ce mémoire et c’est ainsi le concept qui possède une des plus grandes forces de persuasion visuelle. Cette communication est aussi caractérisée par sa singularité qu’est la diffusion répétitive d’un message homogène. Ainsi, un seul point de vue empreint de techniques de manipulation est communiqué et martelé engendrant une adhésion générale du peuple. Pour la propagande de guerre, l’endogroupe est mis sur un piédestal et l'exogroupe est dévalorisé à l’image de l’affiche américaine réalisée en 1917 par Harry Ryle Hopps qui représente l’ennemi allemand par un primate. Ces logiques ethnocentriques favorisent la manipulation des foules dans le but de l’unir et de susciter un consensus idéologique. La propagande marque ainsi un des échelons les plus élevés dans la manipulation de masse notamment grâce à l’image. Jacques Ellul dans *Propagandes* disait par ailleurs que la propagande était une technique de manipulation visant à “dresser” les individus en suscitant chez lui des réflexes conditionnés et en mobilisant son sens du sacré par la création de mythes modernes. Dans *Le viol des foules par la propagande politique* de 1939, Tchakhotine parle de la propagande, produisant alors au niveau de l’inconscient des automatismes d’associations d’idées, en la qualifiant de “viol psychique”. ![](https://i.imgur.com/fwOtz4q.png) >Affiche Nord américaine, Harry Ryle Hopps, 1917 "Détruisez cette brute enragée, enrôlez vous" >*L'affiche de propagande dévalorise l'ennemi pour arriver à ses fins*