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title: Farce du cuvier - Texte (presque) complet
description: Texte de la Farce du cuvier
tags: 604
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# FARCE DU CUVIER
# très bonne et fort joyeuse
## Pièce en un acte
**PERSONNAGES**
- JACQUINOT,
- LA FEMME de Jacquinot,
- MÈRE JACQUETTE, belle-mère de Jacquinot.
_L'action se déroule dans un modeste intérieur. À droite, une table rustique et un banc. À gauche, un cuvier pour faire la lessive. Un rouleau de parchemin, une plume d’oie et un encrier._
:::info
# Scène 1
:::
_JACQUINOT, seul._
### JACQUINOT.
<table class="tg">
<tr>
<td class="tg-m9fq">
Le grant dyable me mena bien quant je me mis en mariage ! Ce n'est que tempeste et oraige, on n'a que soulcy et peine ; tousjours ma femme se demaine comme ung saillant, et puis sa mere afferme tousjours la matiere. Je n'ay repos, heurt ne arrest, je suis peloté et tourmenté de gros cailloux sur ma servelle ; l'une crye, l'autre grumelle ; l'une mauldit, l'autre tempeste, soit jour ouvrier ou jour de feste ; je n'ay point d'aultre passetemps, je suis au renc des mal contens, car de rien ne fais mon proffit. Mais par le sang que Dieu me fist, je seray maistre en ma maison se m'y maitz ? <br>
</td>
<td class="tg-m9fq">
Le diable m'a bien mené par le bout du nez quand je promis le mariage ! Ce n'est depuis que tempêtes et orages dans mon ménage ! Je n'y ai que des soucis et de la peine. Toujours ma femme se démène comme un beau diable et sa mère ne cesse de renchérir. Je n'ai ni paix, ni repos. Je suis tourmenté et meurtri comme s'il pleuvait de gros cailloux sur ma cervelle. L'une crie, l'autre grommelle ! L'une maudit, l'autre tempête ! Que ce soit jour de travail ou jour de fête, je n'ai pas d'autres passe-temps. Je suis au rang des mécontents car je ne profite de rien. Mais, palsambleu, je serai le maître en ma maison si je m'y mets !
</td>
</tr>
</table>
:::info
# Scène 2
:::
_JACQUINOT, SA FEMME, MÈRE JACQUETTE._
### LA FEMME,
Quoi ? Vous restez à ne rien faire ! Vous feriez bien mieux de vous taire et de vous occuper…
### JACQUINOT.
De quoi ?
### LA FEMME.
La demande est bonne, ma foi ! De quoi devez-vous avoir cure ? Vous laissez tout à l’aventure ! Qui doit soigner votre maison ?
### LA MÈRE,
Sachez que ma fille a raison ! Vous devez l’écouter, pauvre âme !
Il faut obéir à sa femme : c’est le devoir d'un bon mari.
### LA FEMME.
Il faut faire au gré de sa femme, Jacquinot, ne l’oubliez pas !
### LA MÈRE.
En aurez-vous moins de repos et sera-ce une peine grande d’obéir quand elle commande ?
### JACQUINOT.
Oui, mais elle commande tant que, pour qu’elle ait le cœur content, je ne sais - ma foi - comment faire !
### LA FEMME.
Eh bien, si vous voulez lui plaire, afin de vous en souvenir, un registre il faudra tenir où vous mettrez sur une feuille tous ses ordres... Quoi qu’elle veuille !
### JACQUINOT.
Pour avoir la paix, j’y consens... Vous êtes femme de bon sens Mère Jacquette et, somme toute, vous pouvez me dicter : j’écoute !
### LA FEMME.
Allez quérir un parchemin et, de votre plus belle main, vous écrirez... Qu’on puisse lire !
### JACQUINOT,
_La mère apporte un parchemin, un encrier et une plume d’oie._
Me voici prêt ! Je vais écrire.
### LA FEMME.
Mettez que vous m’obéirez toujours et que, toujours, vous ferez ce que je vous dirai de faire !
### JACQUINOT,
_jetant sa plume en signe de refus._
Mais non ! Mais non, dame très chère ! Je n’agirai que par raison ! _(Jacquinot voulant retourner la situation en sa faveur.)_ Mettez plutôt que vous m’obéirez !
### LA FEMME.
Quoi ? C'est encore même chanson ! Déjà vous voulez contredire !
### JACQUINOT,
_se résignant devant la menace._
Mais non ! Mais non ! Je vais écrire.
### LA FEMME.
Écrivez donc et taisez-vous !
### JACQUINOT,
_reprenant la plume._
Parbleu ! Je suis un bon époux.
### LA FEMME.
Taisez-vous !
### JACQUINOT.
Dût-on vous déplaire, si je veux, je prétends seul me taire, madame, et alors je me tais. Dictez !
### LA FEMME.
En première clause, mettez qu’il faut chaque jour à l’aurore vous lever le premier… _(Jacquinot semble ne pas y consentir.)_ Quoi Encore ? Qu’ensuite il faut préparer tout : faire le feu, voir si l’eau bout… Bref, qu’au lever, avec courage, pour tous les deux, vous ferez l’ouvrage. Vous cuirez le premier repas...
### JACQUINOT,
_se levant et jetant sa plume._
Oui-dà ! Mais je n’y consens pas ! À cet article je m’oppose ! Faire le feu ! Pour quelle cause ?
### LA FEMME,
Pour tenir ma chemise au chaud.
_Jacquinot, se rasseyant et ramassant sa plume, reste le nez en l'air._
### LA MÈRE.
Écrivez donc ! Dépêchez-vous ?
### LA FEMME.
Vous allez me mettre en courroux ! Vous êtes aussi vif qu’un cancre !
### JACQUINOT.
Comment voulez-vous que je fasse car je n’ai plus du tout de place ?
### LA FEMME,
_menaçante._
Mettez ou vous serez frotté !
### JACQUINOT.
_Jacquinot tournant le parchemin._
Ce sera pour l’autre côté.
### LA FEMME.
Écrivez donc, car il nous reste à vous dicter encore…
### JACQUINOT.
Eh ! peste ! Je n’ai pas le temps de souffler !
### LA FEMME.
Aller au grenier par l’échelle.
### LA MÈRE.
Mener la mouture au moulin.
### LA FEMME.
Faire le lit de bon matin ou, sinon, songez à la trique !
### LA MÈRE.
Donner à boire à la bourrique.
### JACQUINOT.
_Jacquinot en aparté._
Je vois que vous songez à vous...
### LA FEMME.
Puis, au jardin, cueillir des choux.
### LA MÈRE.
Tenir la maison propre et nette.
_Jacquinot fait des gestes désespérés pendant que les deux femmes parlent._
### JACQUINOT,
Comment voulez-vous que je mette tout cela si, sans arrêter, vous ne faites que me dicter ? Vous parlez avec votre mère, cela ne fait pas mon affaire ! Il faut tout dire mot à mot !
### LA FEMME.
Écrivez donc : faire la pâte, cuire le pain, aller en hâte couler la lessive…
### JACQUINOT,
_interrompant._
C’est trop vite ! Arrêtez un peu !
### LA FEMME.
Bluter.
### LA MÈRE.
Laver.
### LA FEMME.
Sécher.
### LA MÈRE.
Et cuire !
### JACQUINOT.
_Jacquinot avec retard._
Laver quoi donc ?
### LA FEMME.
Faire reluire, sans jamais prendre de repos, les écuelles, les plats, les pots...
### JACQUINOT.
Tous les pots de notre ménage ? Ma foi, malgré tout mon courage, jamais je ne retiendrai tout !
_Il jette sa plume._
### LA FEMME.
Voulez-vous nous pousser à bout ? Pour alléger votre mémoire, écrivez ! Et pas tant d’histoires !
_Jacquinot se remet à écrire._
Il vous faut, au ruisseau, laver le linge du berceau.
### JACQUINOT.
Encore un métier bien honnête !
### LA MÈRE.
Que vous avez mauvaise tête !
### JACQUINOT,
Attendez ! Ne vous fâchez pas !
_Jacquinot hésitant avec toujours plus de retard._
Les écuelles, les pots, les plats…
### LA FEMME.
Ma foi ! Vous ne vous pressez guère !
### JACQUINOT.
Dame ! Est-ce vous ou votre mère qu’il faut écouter ? Dites-moi ! Vous me voyez tout en émoi !
_Il pose sa plume._
### LA FEMME,
_se rapprochant de lui._
Je vais vous battre comme plâtre !
### JACQUINOT.
Je ne veux pas me laisser battre ! N’en parlons plus. J’écrirai tout.
### LA FEMME.
Eh bien, sans discours superflus, vous mettrez le ménage en ordre et vous viendrez m’aider… à tordre la lessive auprès du cuvier.
### JACQUINOT.
Tenez ! Voici le parchemin ! Ne voulez-vous pas qu’on le scelle ? Ceignez-le bien d’une ficelle ! Veillez qu’il ne soit pas perdu, car, en devrais-je être pendu, je n’accomplirai plus d’autre ordre ! Jamais je n’en voudrai démordre. Désormais, aujourd’hui, demain, je n’obéis qu’au parchemin ! C’est convenu, j’en ai pris acte, et j’ai dûment signé le pacte.
### LA FEMME.
Oui, c’est convenu, Jacquinot.
### JACQUINOT.
Songez que je vous prends au mot.
### LA MÈRE.
C’est bien, je puis partir tranquille.
### LA FEMME.
Adieu, ma mère !
### LA MÈRE.
Adieu, ma fille !
_Elle sort._
:::info
# Scène 3
:::
_JACQUINOT, SA FEMME._
### LA FEMME,
_s’approchant du cuvier qui est dressé à gauche de la scène._
Allons, Jacquinot, aidez-moi !
### JACQUINOT.
Et voulez-vous me dire à quoi ?
### LA FEMME.
À prendre le linge à la cuve où j’ai versé l’eau de l’étuve, espèce d'idiot !
### JACQUINOT.
Cela n'est pas sur mon parchemin.
### LA FEMME.
Dépêchez-vous ! Le linge égoutte, il faut le tordre… et vivement ! Cherchez dans le commencement ! Il est écrit : « Couler la lessive »… Faut-il que je vous l’écrive à coups de bâton sur le dos ?
### JACQUINOT,
_déroulant son parchemin et cherchant attentivement._
Non !
### LA FEMME.
Comment non ? Et celle-là, tu vas la sentir passer ! _Elle lui donne une gifle._
### JACQUINOT.
C’est parbleu vrai : c’est écrit ! Vous avez dit vrai ! Une autre fois, j’y penserai.
_La femme tend à Jacquinot le bout d’un drap tandis qu’elle tient l’autre. Ils se font face de part et d'autre du cuvier._
### LA FEMME.
Tenez ce bout-là ! Tirez, tirez fort !
### JACQUINOT.
Que ce linge est dégoûtant ! Il sent bien les couches sales.
### LA FEMME.
C'est plutôt votre haleine qui pue. Je vais tout vous jeter à la figure ! Et ce ne sont des paroles en l'air.
### JACQUINOT.
Non, par le diable, vous ne le ferez pas.
### LA FEMME,
_lui lançant le linge à la tête._
Eh bien, sentez, monsieur le sot !
### JACQUINOT.
Vous avez complètement sali mes vêtements.
### LA FEMME.
Allons, prenez votre côté ! _(Elle lui met le linge dans les mains.)_ Tenez donc le linge par votre bout ! Ah, vous mériteriez que la gale vous ronge le corps ! _(Jacquinot tire brusquement le drap et fait perdre l’équilibre à la femme qui tombe dans le cuvier.)_ La peste soit du maladroit ! _(Elle sort la tête.)_ Seigneur ! Ayez pitié de moi ! Je me meurs ! Je vais rendre l’âme ! Au secours ! Aidez votre femme, Jacquinot, qui vous aima tant ! Elle va périr à l’instant si vous ne lui venez en aide !
### JACQUINOT,
_après un moment._
Cela n'est pas sur mon parchemin.
### LA FEMME.
La mort me viendra prendre avant qu’il ait voulu m’entendre !
### JACQUINOT,
_lisant son parchemin._
« De bon matin, préparer tout : faire le feu, voir si l’eau bout… »
### LA FEMME.
Le sang de mes veines se glace !
### JACQUINOT.
« Ranger les objets à leur place. Aller, venir, trotter, courir… »
### LA FEMME.
Je suis sur le point de mourir ! S'il vous plaît, tendez-moi vite une perche !
### JACQUINOT.
J’ai beau relire, en vain je cherche… « Ranger, laver, sécher, fourbir… »
### LA FEMME.
Songez donc à me secourir !
### JACQUINOT.
« Préparer pour le four la pâte, cuire le pain, aller en hâte relever le linge s’il pleut… »
### LA FEMME.
M’avez-vous entendu, Jacquinot ? Je vais rendre l’âme !
### JACQUINOT.
« Chauffer le linge de ma femme… »
### LA FEMME.
Songez que le baquet est plein !
### JACQUINOT.
« Mener la mouture au moulin, donner à boire à la bourrique… »
### LA FEMME.
Je sens une colique qui m’achève… Venez un peu !
### JACQUINOT.
« Et mettre le pot-au-feu… Tenir la maison propre et nette, laver sans prendre de repos les écuelles, les plats, les pots... »
### LA FEMME.
Si vous ne voulez pas le faire, de grâce, allez chercher ma mère qui pourra me tendre la main !
### JACQUINOT.
Ce n’est pas sur mon parchemin.
### LA FEMME.
Eh bien, il fallait donc le mettre !
### JACQUINOT.
J’ai tout écrit lettre pour lettre.
_On entend frapper au dehors._
:::info
# Scène 4
:::
_JACQUINOT, SA FEMME, MÈRE JACQUETTE._
### LA MÈRE,
_sur le seuil de la porte._
Je viens voir comment tout se porte.
### JACQUINOT.
Très bien, puisque ma femme est morte.
### LA MÈRE.
Que dites-vous, mauvais plaisant ?
### JACQUINOT.
C’est très sérieux ! Tout en causant, elle est tombée dans cette cuve où se trouvait l’eau de l’étuve !
### LA MÈRE,
Que dis-tu ? Meurtrier ! Bourreau !
### JACQUINOT,
Eh, ma mère ! Elle a parlé trop, elle avait soif ! La pauvre femme...
### LA FEMME.
Mère ! En la cuve, je me pâme ! Venez ! Secourez votre enfant !
### JACQUINOT.
Vous entendez ! Mon cœur se fend !
### LA MÈRE.
Attends, je viens ma chère fille, tandis que cet autre babille !
_À Jacquinot._
Qu'attendez-vous ? Aidez-moi donc, donnez la main !
### JACQUINOT.
Ce n’est pas sur mon parchemin.
### LA MÈRE.
Que dites-vous ? Méchant ! Infâme ! Laisserez-vous mourir votre femme ?
### JACQUINOT.
Je serai maître en ma maison.
### LA MÈRE.
Quoi ! N’avez-vous plus de raison ? Vite ! Aidez-moi !
### JACQUINOT.
Ce n'est pas sur mon parchemin, c’est impossible !
### LA MÈRE.
Vous commettez un crime horrible ! Jacquinot, ce n’est pas humain !
### JACQUINOT.
J’ai beau relire mon parchemin, ce n’est pas sur la liste…
### LA MÈRE.
Allons ! Scélérat ! Infâme ! Je vous implore à genoux, retirez-là ! Dépêchez-vous !
### JACQUINOT.
Oui, si vous voulez me promettre que chez moi je serai le maître.
### LA FEMME.
Je vous le promets de bon cœur !
### JACQUINOT.
Oui, mais peut-être est-ce la peur qui vous rend d’humeur si facile ?
### LA FEMME.
De grâce ! Je vous demande pardon ! D'accord, je serai désormais de votre avis en toutes choses pourvu que ne soit plus en cause le parchemin que vous savez... Brûlez-le puisque vous l’avez !
### JACQUINOT.
Il ne faudra plus que j’écrive ? Je ne ferai plus la lessive ?
### LA FEMME.
Non ! mon ami, ma mère et moi, ne vous mettrons plus en émoi !
### JACQUINOT.
Vous ferez chauffer ma chemise ?
### LA FEMME.
Je ferai tout à votre guise, mais tirez-moi de ce mauvais pas !
### JACQUINOT.
Vous ne me contrarierez pas ?
### LA FEMME.
Je veux être votre servante !
### JACQUINOT.
Cette soumission m’enchante : vous ne m’avez jamais plu tant et je vous retire à l’instant !
_Jacquinot retire sa femme du cuvier._
### TOUS TROIS,
_au public._
Bonsoir, toute la compagnie, notre comédie est finie !
_____
_**La Farce du cuvier, très bonne et fort joyeuse**_
- Auteur anonyme du XV^e^ siècle
- Œuvre du domaine public disponible sur [WikiSource](https://fr.wikisource.org/wiki/Farce_du_cuvier,_modernisation_Gassies,_1896)
- Traduction (1896) par Georges Gassies des Brulies, éditions Delagrave
- Illustrations de Jean Geoffroy numérisées par mes soins dans un exemplaire personnel de la cinquième édition (vers 1900)
- Texte librement adapté pour répondre à des contraintes pédagogiques
- La scène 1 est présentée dans le texte original en ancien français établi en 1971 par Michel Rousse et traduite par nos soins. En voici la traduction par Georges Gassies des Brulies :
« Le diable me conseilla bien,
Le jour, où ne pensant à rien
Je me mêlai de mariage !
Depuis que je suis en ménage,
Ce n’est que tempête et souci.
Ma femme là, sa mère ici.
Comme des démons, me tracassent ;
Et moi, pendant qu’elles jacassent,
Je n’ai ni repos ni loisir,
Pas de bonheur, pas de plaisir !
On me bouscule, et l’on martelle
De cent coups ma pauvre cervelle !
Quand ma femme va s’amender,
Sa mère commence à gronder.
L’une maudit, l’autre tempête !
Jour ouvrier ou jour de fête,
Je n’ai pas d’autre passe-temps.
Que ces cris de tous les instants.
Parbleu ! cette existence est dure !
Voilà trop longtemps qu’elle dure !
Si je m’y mets, j’aurai raison !
Je serai maître en ma maison. »
<br>
- La scène 3 est présentée dans une traduction adaptée empruntant de larges extraits à la version éditée par Nathalie Sol pour les éditions Nathan (2006). Voici la traduction par Georges Gassies des Brulies :
### LA FEMME,
_s’approchant du cuvier qui est dressé à gauche de la scène._
Allons, Jacquinot, aidez-moi !
### JACQUINOT.
Et voulez-vous me dire à quoi ?
### LA FEMME.
À prendre le linge à la cuve où j’ai versé l’eau de l’étuve.
### JACQUINOT,
Ce n’est pas sur mon parchemin.
### LA FEMME.
Déjà vous quittez le chemin, avant de connaître la route. Dépêchez-vous ! Le linge égoutte, il faut le tordre… et vivement ! Cherchez dans le commencement ! Il est écrit : « Couler la lessive »… Faut-il que je vous l’écrive à coups de bâton sur le dos ?
### JACQUINOT,
_déroulant son parchemin et cherchant attentivement._
Non, si c’est écrit, tout dispos, je vais me mettre sans vergogne à vous aider à la besogne. _(Jacquinot cherche sur le parchemin)._ C’est parbleu vrai : c’est écrit ! N’en ayez pas le cœur aigri ! Puisque c’est dit en toutes lettres, attendez-moi, je vais m’y mettre. J’obéis ! Vous avez dit vrai ! Une autre fois, j’y penserai.
_La femme tend à Jacquinot le bout d’un drap tandis qu’elle tient l’autre._
### LA FEMME.
Tirez de toute votre force !
### JACQUINOT,
_tirant._
Je me donnerai quelque entorse ! Ma foi, ce métier me déplaît. Je veux charger quelque valet de vous aider dans le ménage.
_Il lâche le drap._
### LA FEMME,
_impatiente._
Oh, tirez ou bien, sur votre visage, je vous lance le tout, vraiment !
_Elle lui lance le linge au visage._
### JACQUINOT.
Vous gâtez tout mon vêtement ! Je suis mouillé comme un caniche et vous en trouvez-vous plus riche de m’avoir ainsi maltraité ?
### LA FEMME.
Allons, prenez votre côté ! _(En aparté)_ Faut-il donc que toujours il grogne ? _(À Jacquinot)_ Ne ferez-vous pas votre besogne ?
_Jacquinot tire brusquement le drap et fait perdre l’équilibre à la femme qui tombe dans le cuvier._
### LA FEMME,
_en disparaissant dans la cuve._
La peste soit du maladroit ! (_Elle sort la tête_) Seigneur ! Ayez pitié de moi ! Je me meurs ! Je vais rendre l’âme ! Au secours ! Aidez votre femme, Jacquinot, qui vous aima tant ! Elle va périr à l’instant si vous ne lui venez en aide !
### JACQUINOT,
_après un moment._
Ce n’est pas sur mon parchemin.