{%hackmd theme-dark %} # Lexique méta ###### tags: `Néguanthropocène` ## Jean-Paul Thibeau : "Un lexique" (1994 / 2020) (corrigé du 12/12/21). [TOC] ## Exergue (05/01/2022) Le méta-art est un art à l’abri de rien et sans qualité … Mais il y a Meta et Méta. Il y a le Meta(vers) de facebook : schématiquement il désigne un « univers » purement virtuel (Metavers), un monde augmenté par les échanges numériques - c’est-à-dire une entreprise de technologies sociales – on peut ainsi parler de modélisations désincarnées. Et il y a le Méta que je pratique depuis 1995 qui est fait au contraire pour intensifier notre sensibilité. Reconquérir le sens de la présence ! Méta est un préfixe qui exprime ici la participation, la succession, le changement. Le préfixe Méta associé à un autre terme permet un écart, un décalage avec le sens usuel de ce terme. C’est un opérateur étrange et quelque peu désorientant - par un effet de brèche cela nous mobilise ici et maintenant, intensifiant le sens de la présence : apprivoiser le « méta-humain », si bien traduit par Romain Sarney dans le prologue de Zoroastre pour Nietzsche : « Voyez, je vous enseigne le méta humain ! Le métahomme est le sens de la présence au monde. Que votre désir demande : que le métahomme soit le sens de la présence au monde ! » ## Lexique méta À partir du préfixe méta, voici un vocabulaire qui est un jeu de déclinaisons, d’associations et de déplacements de substantifs et d’adjectifs - afin d’expérimenter une approche autre, un au- delà de l’art : méta-sujet, méta-lieu, méta-conférence, protocoles méta ... Oui simplement créer une constellation provisoire de termes, tel a été notre premier souci à travers l’arraisonnement du préfixe méta-. C’est un préfixe qui demeure utile pour permettre des décalages, des écarts, des déplacements... Méta est toujours suivi d’un trait d’union qui doit petit à petit se dissoudre et dissoudre ce qu’il unit provisoirement en autre chose... Oui on oublie trop souvent le trait d’union, qui est à la fois limite et début de quelque chose... **Mét(a)** est un préfixe qui exprime ici : la participation, la succession, le changexment. En fait il s'agit de revisiter d'une manière expérimentale : • La notion sujet et la dynamique de ses activités et de ses manies (le méta sujet avec ses corps et ses produits : sécrétions, signes, artefacts... Méta-activité et méta-corps...). • La topographie des lieux d'activités (méta-atelier, méta-lieux...). • Ce qui nous conduit à revisiter le mode de communication (méta-conférence, éditions furtives...) en s'appuyant, entre autres, sur un vocabulaire simple (registre- indices de matériaux et de gestes : méta-écriture, méta-sculpture...) et sur des actions banales : paroles, activités d'arrangements avec des protocoles et des dispositifs souples (méta-activités). ## Protocoles-Méta (Agencement d'outils d'expérimentation) « Protocoles Méta » : le préfixe méta associé à un autre terme permet ainsi un écart, un décalage avec le sens usuel de ce terme. C’est un opérateur étrange et quelque peu désorientant... **Depuis 1994**, les protocoles de jeux avec les termes et les formes infiltrés, traversés par l’usage « méta » constituent un agencement d'outils d'expérimentations. Cependant les Protocoles Méta n’ont pas de définition à priori : c’est un dispositif et processus en réglage continu et tâtonnant... La notion de protocole, est prise comme une procédure, une proposition initiale qui doit être adaptée plutôt qu’adoptée (c’est plus une proposition ouverte qu’une consigne ou une règle stricte) et transformée, détournée par l’usage de chacun. Donc les protocoles ici n’ont rien de rigide, ni d’obsessionnel d’autant qu’ils sont qualifiés de méta, ce bel agent de déplacements. ## Méta-sujet (1994) Le méta-sujet est ce qui succède à la notion de sujet-artiste, qui succède à l'ego expérimental. C'est un gymnaste de l'hors-soi. Il est capable de ce qui lui est étranger. Tout un être-au-monde est à re-questionner dans son activité continue entre mental, corps, dedans, dehors, dans ses fluctuations, etc. Acteur polymorphe, plus encore : métamorphe sans cesse en devenir... Le méta-sujet invente sa position par rapport à l'art. Il ne cherche pas à créer un nouvel art, mais une autre conscience - c'est cette conscience, cette philosophie de l'existence qui déterminera l'exploration des formes fluctuantes de son art de vivre et de faire, sa praxis. ## Méta-lieu (1994) Le méta-lieu est ce qui succède à l'atelier et au lieu d'exposition. C'est un "gymnase" de l'agir et de la pensée. Il est "institué"- provisoirement suivant les contextes et les circonstances - par un ou plusieurs méta-sujets. La simple réunion de méta-sujets peut constituer un méta-lieu, par exemple autour d'une table : la table peut devenir un méta-lieu... ## Méta-activité (1994) Énigmatique, métamorphe ou très simple, la méta-activité peut se dérouler n'importe où et prendre des formes très diverses. La méta-activité est ce qui succède à la notion d'activité productrice ou créatrice. Elle continue à interroger des notions telles que le travail, l'activité humaine - mais avec un certain détachement - ne faisant pas de différence significative entre économiser et dépenser. Dispositif de niques ("petites choses"), hors du fantasme de signifiance : aller vers le je-ne-sais-quoi et le sans lien... Économie provisoire et transitoire : agir avec grâce et volupté, légèreté et sérénité, autant que possible. Activité discrète, la méta-activité peut se confondre avec une autre - elle se joue de cette ambiguïté : elle infiltre d’autres évènements, se glisse parmi d’autres activités, sans caractéristique forte elle est presque imperceptible... ## Méta-culture (1994) La méta-culture est tentative pour dévier les effets uniformisant de la mondialisation culturelle. C'est une culture intermédiaire, de transition. Derrière une culture, comme derrière un langage, se bricolent des façons d'être. La méta- culture vient de la nécessité de réinventer les rapports entre la tradition et la modernité, entre l'histoire et le devenir, entre le politique et l'esthétique, entre la nature et la culture pour une esthétique de l'existence. La méta-culture est irriguée par une conscience des malentendus interculturels, pour une nouvelle politique d'émancipation. ## Méta-expérimentation (2006) Une « trajectoire » d’expériences en lien avec l’idée d’expérimentation qui est de l’ordre d’un vécu construit faisant appel à des artifices conscients (construction souvent méta) on pourrait dire une « projectoire » ou méta-trajectoire. De l’expérience émergent des propositions d’expérimentations, une méta-discipline. Dans l’expérimentation artistique la recherche est « connexe » (n’est pas le but principal) elle est présente mais pas dominante : la recherche étant prise comme un « ensemble d’études et de travaux menés méthodiquement par un spécialiste et ayant pour objet de faire progresser la connaissance » (dict. Larousse). Mais chez l’artiste on trouve également à travers ce mot recherche « le souci de se distinguer du commun », et de se singulariser par rapport aux autres artistes... Ce qui importe dans l’expérimentation c’est de se prêter à des expériences, essayer, mettre à l’épreuve ses compétences et ses incompétences, ses connaissances et ses ignorances. Tester sa propre capacité à engendrer des expériences, d’autres qualités, d’autres perceptions, d’autres conceptions... Laisser l’hybridation, la contamination entre les tiers et les enjeux participants, se faire sans jugement, accueillir l’étrange et l’étranger. Et c’est connaître, éprouver quelque chose par l’expérience, en faire l’expérience par chair et esprit concrètement. Connaître, expérimenter pour s’émanciper de la lourdeur de l’image, du comportement, de l’appareillage et de la technologie de l’artiste tel qu’il s’est fossilisé ces dernières décennies. Poursuivre la mise à l’épreuve d’un égo expérimental où se jouent les stratégies du soi et les tactiques de sa pratique artistique – dans un devenir d’hybridations multiples et impermanentes qui créent des interstices féconds (cf. Homi Bhabha : qui fait la promotion des lieux interstitiels, du tiers espace, de la marge et du passage...) où l’on peut rencontrer l’« autreté » (otherness) et accueillir ce changement de paradigme que propose H. Bhabha : opposer à la logique de l’identique à soi, une dynamique de l’otherness. Tout ceci dans un jeu de négociation et de réinvention des règles. La méta-expérimentation, c’est prendre du temps, c’est se désaliéner de ce rapport à la production rapide de formes... aller dans le non su... Explorer des moments d’expérience humaine non aliénée aux impératifs totalitaires de la rentabilisation du temps. Expérience multidimensionnelle de résonance entre soi et le monde (cf. Harmut Rosa). Créer, faciliter des « axes de résonances » (Charles Taylors – L’âge séculier), des temps de recentrement, de réconciliation entre les attentes et les doutes, les désirs et les besoins de sens, d’interactivité avec l’environnement, où peuvent se combiner sans s’exclure existentialisme, émotion, cognition, doute... Se relancer dans le monde de l’expérience et de l’inexpérience (c’est là où on apprend le plus) où le nous est un autre et où le je est rejoué dans toutes ses potentialités. ## Méta-conférence (1997) Pour chaque méta-conférence la forme est totalement évolutive et modifiable, seuls les principes de déambulations et de variations (simultanéité / consécution / déplacement...) restent permanents. « Pendant un ou plusieurs jours, un ou plusieurs espaces sont investis et aménagés à la fois tel un déambulatoire et un chantier constitué par de multiples sites d’activités. Plusieurs protagonistes peuvent l’investir simultanément. L’ensemble devant permettre de produire des combinaisons d’actions entremêlant lectures, dessins, transformations de matériaux, danses, gestes sonores, et diverses autres tâches. Chaque site est en lui-même comme une partition de matériaux et de gestes. La répartition dans tout l’espace de ces sites permet des “dévales” d’activités, dont l’intensité et la vitesse sont aléatoires. Le public peut passer et repasser, stationner, s’asseoir, etc., pour voir l’évolution du chantier à divers moments. Une anticipation de programme permet au visiteur de pouvoir se situer dans la durée et l’état du chantier. Le temps et l’espace étant pris ici comme des matériaux au même titre que les autres dans le dispositif. Pas de hiérarchie dans les actes, ils se succèdent et se combinent en fonction des déplacements, des situations dans le temps et l’espace. Concasser des pierres, donner de l’eau à des grillons, s’asseoir devant un ordinateur et consulter un site internet, la tête recouverte d’un capuchon dessiner sur le mur, casser une assiette, lire un texte à propos de pommes de terre en « parler-marteau », déclencher le passage d’une vidéo, croiser quelqu’un, sourire - autant de choses, autant de gestes : les lieux sont transformés en déambulatoire, gymnase, élevage, dispensaire d’hétéropraxie et d’hétéronymie... Au cœur du dispositif, se développe un chantier (gymnopraxie). Activités : aménager, ruminer l’espace... le construire, l’installer, le désinstaller. Lecture puis poursuite activité méta- conférence...Vidéo puis poursuite activité. Déjeuner puis engeance de conversations d’objets et de méta-corps. Action puis poursuite activité. Lecture puis poursuite activité. Action puis poursuite activité méta-conférences... Chaque méta-conférence est l’occasion d’expérimenter et de vérifier les rapports entre divers médiums et de mettre en état de “conversations” divers points de vue et des variétés de comportements. Il s’agit, entre autres sur quelques heures, de transformer un espace en un méta-lieu : en un dispositif d’installations et de déambulatoires où s’entrecroisent différents protagonistes qui ont mené des activités et des propos divers et multiples. ## Méta-esthétique de l’existence) (1995) Comme une esthétique de l'existence et malentendus. Si une partie de l'art a cherché son autonomie et sa légitimité en s'alliant au marché de l'art, une autre partie a choisi de s'aventurer en dehors des lois du marché, afin d'acquérir la liberté de ne pas produire continuellement... Ce qui prédomine dans la plupart des tendances qui se sont succédé, sur ce second versant de l'art, c'est : - soit la volonté de faire de la vie de l'auteur une expérience à part entière en tentant de lui donner une forme, un “style” ; - soit de penser l'existence tel un atelier où les tâches sont à explorer jour après jour dans l'impermanence des faits et dans le devenir insu. Mais aujourd'hui l'art est-il toujours le seul garant de « l'illusion esthétique » ? Pour l'artiste réellement expérimentateur, l'art n'est-il point devenu le tenant lieu d'une réalité, la production d'un mode d'apparaître et de disparaître, qui n'a pas à être justifié autrement que par la construction d'une « existence » ? Non plus un art mais une activité qui ne dirait plus son nom ? Non plus une esthétique mais une "politique" ? De là découle l'idée qu'il faut re-questionner le comportement artiste en explorant les conditions d'un méta-sujet et de ses méta-activités... ## Méta-session ou session d’expérimentation (mai 2007) Organiser des sessions « protocoles méta » pour combiner le mode séminaire- chantier-performance en y expérimentant les formes et les protocoles de discussions, d’installations, de performances comme des contextes, des moyens, des processus, des modes opératoires à ré-explorer dans leurs formes et usages. Désautomatiser les rapports, les évidences... Délier les logiques... Se décentrer... Engendrer d'autres vitesses.... L’expérimentation méta est une pratique à caractère certes « performatif » puisqu’elle convoque, en un même temps et lieu, la présence d’individus et d’activités, mais qui créent par des combinaisons déterminées / indéterminées des situations singulières, délibérément ouvertes à ce rapport incongru programmé / déprogrammé – et intégrant le vivant et son caractère contingent... Mais ce n’est ni un spectacle, ni un anti- spectacle, c’est une immersion dans l’infra-différence de la réalité surgissant et de la représentation mouvante, une effraction poétique du rapport art et vie... Si nous utilisons le terme « expérimentation » plus souvent que « performance », c’est pour prendre de la distance avec toutes les connotations évènementielles et modélisantes de cette dernière... Pour revenir à la notion de méta-activité : une méta-activité n’a pas besoin de s’annoncer ou de s’énoncer comme performance. Non-performance, non-événement, dé-performance... Laisser apparaître des formes d’activités, des formes de vies (sans chercher à les retenir), sans pour autant s’enfermer dans une esthétique précise... Des plantes vivent à l’ombre d’autres espèces et se contentent de peu de lumière, de peu de visibilité - et cependant elles persistent et se développent dans leur être ! Est-il possible de redonner une place « politique » à l’expérience de l’art ? Redéployer une politique de l’expérience : aménagement d’une simplicité volontaire, exploration de durées autres, expérimentation du commun et du non performatif... Mettre en place de nouveaux opérateurs de subjectivité, intégrant l’hétérogénéité, l’émiettement, le fragmentaire, le déplacement... L’art expérimental fonde, invente, s’approprie et combine les critères, les moyens avec lesquels il va produire sa situation, son expérience, ses formes. L’art est toujours une configuration provisoire de positions, d’idées et de formes : c’est un champ d’expérimentation esthétique et politique de l’existence. L'expérimentation est considérée, dans ce contexte, comme une pratique artistique diffuse à part entière, qui ne débouche pas forcément sur un produit finalisé ; c'est une activité ouverte aux rencontres, aux aléas et vouée à « l'impermanence » ... Nous demeurons toujours dans l'interférence, l'hétéronomie : sortir de cette idée puérile de l'autonomie forcée afin d'expertiser l’« altéronomie », créer de nouveaux rapports collaboratifs. Un autre esprit de la recherche et de l'expérimentation artistique, une autre culture du partage du rapport au fugitif et à la précarité. Une autre manière de mutualiser les intelligences et les compétences. Une autre manière d'agir ensemble. Et à l'homogénéisation du global, répondre par l'hétérogénéisation du local. ## Méta-congrès ou « congrès singulier » (2006) L'art du congrès et des protocoles n'est pas une expérience privée, ou une expérience subjectivant pour re-esthétiser la vie, le quotidien... Non il s'agit de re-singulariser nos rapports aux pratiques et aux autres, nos rapports d'existence... (une façon de marcher ensemble). Créer du temps libéré (méta- temps). Oui ralentir et explorer les possibilités de l'économie solidaire, de la simplicité volontaire... Nous sommes au cœur d'une rupture épistémologique, génératrice d'expériences autres avec la remise en jeu de la socialité de l'art et de sa politique. Il n'est pas question d'un congrès unique ou d'un congrès original - non il s'agit d'un congrès singulier : il contient déjà quelque chose d'indéfinissable et de particulier par sa potentialité de déplacement et de métamorphose - il est méta-congrès... Et sa singularité, paradoxalement, il la tient de sa pluralité de formes, des participants, et de ses combinaisons d'objets... Mais où chacun est co-responsable, coproducteur du sens et de sa présence. Chacun est le jardinier singulier de ce qu'il y cultive et échange... Pouvons-nous ré-enchanter les rapports art, social, politique ? C'est en re-questionnant ensemble ce qui nous amène les uns à l'art, les autres au social, les autres encore au politique, que nous pourrons reconsidérer nos manières de faire, d'agir, de vivre... ## Méta-performance (mai 2007) Méta-performance : déplacement méta = ouverture à la coproduction de l’indéterminé multiforme et multivoque... Il est intéressant de combiner le mode séminaire-chantier-performance en y expérimentant les formes et les protocoles initiaux. C’est-à-dire ne pas prendre la discussion, l’installation, la performance comme une fin, mais comme des moyens, des process, des contextes à interroger dans leurs formes et usages. Léa Gauthier (in Revue Mouvement n°41, oct-décembre 2006, p43) rappelait que « la performance n’est pas un genre artistique, c’est un mode opératoire qui peut aujourd’hui concerner toutes les pratiques artistiques ». On peut évidemment étendre ce constat à toutes les autres pratiques sociales... Il s’agit donc d’une pratique de rencontre et d’improvisation à partir d’une quantité non négligeable de facteurs indéterminés - en dialogue constant avec ce qui s’est passé, ce qui se passe, ce qui est en suspens, ce qui émerge, et ce que chacun croit qu’il en sera... Ce n’est ni un spectacle, ni un anti-spectacle, c’est un pluri-accostage de cette mise-en-situation infusant... Une immersion dans l’infra-différence de la réalité surgissant et de la représentation mouvante, une effraction poétique du rapport art et vie... Chacun y est médium et médiateur, chaque élément est matière et force... Le corps, l’affect et la pensée y sont en un état d’éveil et de jeu délibéré... C’est une approche « live » des enchaînements, des transformations, des contingences... Si nous utilisons le terme « expérimentation » plus souvent que « performance », c’est pour prendre de la distance avec toutes les connotations performatives modélisâtes de cette dernière... Pour revenir à la notion d’activité (sans connotation événementielle) et à méta-activité : une méta-activité n’a pas besoin de s’annoncer ou de s’énoncer comme performance. Si le mot art y reste « griffé » c’est par défaut, pour « filtrer » l’effet confus et envahissant du réel... Oui méta- activité pour conserver une ligne de flottaison aux « animaux » du monde non-performant. Filtrer mais aussi infiltrer le champ de l’art avec d’autres moyens de dé-performances... Un souffle de méta-performance ! ## Méta-art (2006) Wittgenstein déclarait : « il est difficile en art de dire quelque chose d’aussi bon que... ne rien dire ». Il est difficile de faire mieux en art que de ne rien faire... Nous pourrions attribuer de manière apocryphe cette phrase à Marcel Duchamp : En art la meilleure façon de faire (de l’art), c’est de ne rien faire ! Ou encore : aujourd’hui la manière la plus pertinente de faire de l’art est de ne rien faire ou de faire autre chose ! D’une manière impersonnelle pratiquer « l’art de faire de l’art » : non pas un « art semblable à la vie » [Kaprow] car la vie est irréductible à l’art - elle lui résiste – « performer la vie » revient à créer un écart d’acteur, alors qu’il s’agit d’être observateur volontaire de ce que l’on veut nous faire faire, ou de ce « je veux faire ». Produire un détachement, une déliaison, un moment politique de désarticulation. Pratiquer « l’art de faire de l’art » consiste à surmonter, oublier l’art tel qu’il fut - et à investir un champ d’expérimentation symbolique - pour réorganiser un espace d’expérience et de signification. Pratiquer « l’art de faire de l’art » qui ne ressemble ni à l’art, ni à la vie, mais qui est une manière d’interroger les deux. Non pas comme Robert Fillioud : « L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art », car l’art ici est instrumentalisé au service de la vie, qui devrait stimuler la vie, comme si l’art n’était pas déjà le résultat de cette vie, comme si la vie n’était pas conçue comme un rêve d’artiste, une matière à former... Une méta-performance (agir/interagir avec les événements mêmes de la réalité – chacun sachant qu’il s’agit d’une déconstruction / reconstruction) ! Non, tout cela appartient à d’anciens débats et dilemmes. Ni vie, ni art... Mais méta- existence... Surmontement de notre passage... Effacement, neutralisation de cette volonté de puissance, de cette volonté artiste, de cette maladie infantile qui voudrait que les choses doivent être telles que je les sens et les veux... Oui rester disponible à ce que je ne sais pas... ## Méta-campement (2009) Le Méta-Campement est toujours ouvert à d’autres écoles d’arts, d’autres artistes ou chercheurs, d’autres structures préoccupées à la fois par les questions d’écologie humaine subjective, sociale et environnementale (Ecosophie / F. Guattari) et par les articulations pratiques individuelles et pratiques collaboratives (micropolitique). C’est donc un moment de rassemblement, d’expérimentation et de partage d’expériences, avec à la fin un temps d’ouverture à divers publics. Il s’agit donc de faire une courte station (4 jours environ) dans un ou plusieurs lieux pour partager et ensuite décamper discrètement... Le méta-campement est coordonné par le méta- atelier. ## Méta-atelier (2002) Le méta-atelier est transversal aux diverses disciplines proposées au sein de différentes écoles d’arts. Spécifique dans son mode de fonctionnement, il est à la fois atelier et séminaire - laboratoire et plateforme de production où les objets sont à traiter sur le long terme (pour intégrer recherches, expérimentations, réalisations, manifestations). Spécifique aussi car il poursuit le questionnement dialogique entre statut de l’artiste, activité, mais aussi moyen de production et mode de diffusion... Et ceci à partir d’expériences concrètes menées tant au sein des écoles que dans le milieu de l’art, que dans d’autres contextes, afin d’aider les étudiants à comprendre que le champ de l’art et de la culture n’est pas « ce que l’on croit » (une simple piété envers l’art) mais bien ce que l’on en fait ! Pour y agir, voire pour en modifier le jeu : il faut en connaître les règles ! « L’atelier », espace de travail et d’investigation, n’est pas forcément un lieu géométralement et physiquement stable et défini, en fait, il est la conjonction et la combinaison : -d’un mouvement de réflexion et d’expérimentation individuelles et collectives à partir d’objets de recherches endogènes ou exogènes au champ de l’art (en maintenant une conjugaison permanente et stimulante entre pratique et théorie) ; -d’un mouvement de rencontres et d’échanges (voire de coproduction) avec d’autres étudiants, chercheurs, et des personnes issues d’autres milieux, en vue d’activités partagées et informées par la diversité des participants ; -d’un mouvement de réexploration des conditions de recherches, du statut, de la fonction d’auteur et d’expérimentateur ; - de l’inattendu... Donc expérimenter des relations avec le monde, le champ d’investigation se construisant au fur et mesure des expériences... De même “l’expertise” ne se définie qu’avec l’usage des questions et des expérimentations, qui peuvent alterner entre explorations audacieuses, analyses minutieuses et tâtonnements expérimentaux. Il s’agit de frotter les recherches en art à l’hétérogénéité de l’environnement social, politique et culturel en s’immergeant dans un processus évolutif indéterminé de recherches et d’expériences où les produits peuvent prendre les formes les plus variées sans privilégier une forme plus qu’une autre. ## Méta-conversation (2011) Conversation : ensemble de propos échangés librement entre plusieurs personnes. Méta-conversation : il existe une multitude de logiques à toute rencontre. C'est une question de déplacement et d’hospitalité. Dans la méta-conversation : les propos sont sans fin, mais les mots, les gestes, les objets, les images qui les alimentent sont rythmés par leurs entrelacs. Il est question de poser de l’inspir et de l’expir, de la respiration entre les êtres, les choses et les je-ne-sais-quoi... Dans chaque méta-conversation que nous envisageons on voit l’attention portée aux gestes, à la manière de converser et de partager. Transformer l’espace investi en clairière de gestes, de méta-activités avec leurs échappées... ## Méta-radeau (2008) - Radeau : assemblage de pièces de bois ou de divers éléments flottants qui sont liés ensemble et qui forment une sorte de plancher flottant. - Méta-radeau : est un outil-véhicule des « protocoles méta » pour conjuguer différentes fugues... Le méta-radeau est conçu pour de multiples usages : objet d’expérimentation. Il permet des dérives réelles et imaginaires, et d’explorer des dé performances...Une « épochè » expérimentale en art, où sont mis en jeux migration, exode, dérive, fugue... Objet de procession. Démonté en différents modules, le méta-radeau peut être transporté à dos d’hommes par plusieurs personnes d’un site à un autre, et devenir le prétexte de diverses expériences de déambulations. Objet plateau. Il est également un promontoire-praticable qui permet différentes activités... Support de l’imaginaire. Il est évidemment un support pour l’imaginaire et un médium pour les différents intervenants et participants des sessions méta. Support politique. Comment sortir de la surproduction actuelle tant artistique qu’extra-artistique modélisée par l’hégémonie de l’économie marchande. L’idée est bien de travailler ce radeau à partir des notions de dé production, d’exode, de fugue, d’échappée, de pas de côté, d’écart, de tangente, de survie, de vagabondage, où l’on emporte l’essentiel... ## Méta-récit (récit d’expérience / 2006) En 2006, Pascal Nicolas-le Strat, intervenant au sein des Protocoles méta et des Congrès Singuliers, souligna que le récit d'expérience appelle une prise de parole. Il implique la constitution d’un espace collectif de rencontre et d’échange, conçu à dessein, dans le but de faire émerger des questions et solliciter des commentaires. Le récit d’expérience est une invitation au dialogue. C’est donc un dispositif dont le narrateur prend l’initiative mais qui, en retour, l’oblige, ainsi que le formule Isabelle Stengers – l’oblige à porter un regard différent sur sa propre expérience, l’oblige à accueillir les multiples malentendus qui ne manquent pas d’apparaître lorsqu’on porte à la connaissance des autres certains événements de sa vie, l’oblige, en fait, à laisser filer son propre récit et accepter de le voir bifurquer et trébucher dans l’écoute et le regard de ses interlocuteurs. Le narrateur ne s’exprime plus uniquement à partir du point de vue qui est le sien mais il le fait désormais à l’intérieur d’un espace de parole que son récit contribue à faire émerger et dont il ne peut pas anticiper le développement. ## Méta-archives (2009) Jean Paul Thibeau a déterminé le déplacement, la transformation et la mutation permanente comme le process récurrent de toute son œuvre. Le projet Méta- archives n’échappe pas à ce dispositif ; au contraire, il l’amplifie. Questionnant « les véritables différences entre œuvres et archives » ou encore « comment inventer ce rapport aux archives sans en faire ni fétichisation, ni simple outil didactique – comment les manier de manière vivifiante ? ». Les méta-archives peuvent prendre de multiples formes : livres, carnets de notes, films, rencontres de personnes, re-visitation de scénario de performance ou de méta-activité, réactivation d’éléments antérieurs, gestes, installations...Un essaim de signes, de choses et de concepts en déplacements... Mais leur fonction et leur sens sont augmentés dans la mesure où des éléments de cet ensemble, voir l’ensemble entier peuvent être l’objet de combinatoires et de réactivations diverses... En ce sens elles peuvent subir des « déplacements » divers en fonction des lieux et des temps et sont donc effectivement des « méta-archives ». ## Au risque des malentendus... Nous risquerions de nous égarer en laissant supposer que les Protocoles Méta seraient proches de la « convivialité » analysée par Ivan Illich en 1973 (désignant aussi bien des outils dont la fonction est générée par l’utilisateur plutôt que par le concepteur, et le développement d’un type de société qualifiée par ces outils jouant sur l’autonomie et l’interdépendance) ou l’« esthétique de la communication » développée par Fred Forest et Mario Costa dans les années 80 et faisant suite aux recherches du Collectif d’Art Sociologique (1974-1980) – ou encore proche de « l’esthétique relationnelle » - théorisée par Nicolas Bourriaud en 1995 (qui cherchait à distinguer une des formes de l‘art des années 90, liée aux productions processuelles, comportementales, interactives, avec les décennies précédentes, notamment des années 60, retrouvailles en fait d’un postmodernisme relooké qui permet d’évacuer l’histoire pour un genre plus fashion). D’abord il ne s’agit pas d’une esthétique, mais bien d’une « praxis interactionniste » basée sur la rencontre, l’indétermination et l’improvisation (fruits des interactions entre les participants, les lieux et les contingences où se développent une session méta) ... La relation, la communication y sont des mediums comme les autres mais pas une fin en soi, et il ne s’agit pas d’esthétiser la situation ou les « restes » pour en faire le décor de ce qui a eu lieu - mais plutôt d’objectiver les trajectoires, les flux, les stases, les moments créatifs et critiques afin de faire évoluer les modes, les méthodes et les moyens en constante évolution et redéfinition... Les Protocoles Méta ne sont en rien une activité autonome de l’art, isolée du reste des activités de la société, ce n’est pas une pratique spécialisée et asséchée comme peuvent l’être les pratiques de l’art contemporain, toutes disciplines confondues, qui s’autoréfèrent en boucles, constituant le morne paysage d’une modernité attardée offrant la désolation d’une succession d’expositions aussi anémiées les unes que les autres... Il s’agit plutôt d’un flux de multi et inter activités qui se nourrissent tout autant de la complexité mise en jeu que du besoin de synthèse émergeant mais non final où la synthèse est un moment de la complexité des méta- activités traversées et expériencées. Il n’y a pas de collectif à proprement parler mais un ensemble ouvert d’initiateurs de propositions et de participants, avec des métanautes réguliers et des métanautes occasionnels... Pour ne pas nous enfermer dans un collectif homogénéisant, se développe une constellation d’individus qui tiennent compte à la fois de la pluralité des positions mobilisées et de la multidimensionnalité de chacun et des différents régimes des je/tu/nous - c’est un commun hétérogène qui s’expérimente au fur et à mesure des sessions et en fonctions des qualités et des désirs des différents métanautes. Pour la philosophe Joëlle Zask : alors que « collectif » correspond à des relations d'identité, « commun » désigne un groupe dont la constitution et le fonctionnement supposent la pluralité. Il ne s’agit pas de relier mais plutôt de délier, de désautomatiser les relations, les fonctions et les modes de communication ou de participation, pour explorer d’autres modes d’être, d’agir ensemble, et pour tisser autrement les sens et le sens (soit un sens minimal de déplacement, de décalage qui s’augmente d’autant d’acceptions et de corrélats qu’il y a de sessions expérimentées ...) A faire ce type d’effort et de travail sur nos conditions nous avons tout à fait conscience d’être une minorité artistique, culturelle et pourquoi pas une « communauté » à durée de vie limitée, mise en danger par l’hégémonie exponentielle de l’économie marchande... Faut-il nous battre frontalement contre l’homogénéisation galopante et globale ? Contre ce méta-colonialisme qui renforce la dialectique du colonisé/colonisateur, dominé/dominant, maitre/esclave - ou faut- il mettre en œuvre un méta-exode, des fuites volontaires ? Sachant qu’il s’agit d’aménager provisoirement des méta- radeaux pour explorer d’autres régime d’existences et de résistances ... Il faudrait peut-être qu’un anthropologue s’immerge dans la communauté méta, pour en observer les mœurs collaboratives, les recentrements solitaires – rythmes alternés des temps communs et d’idiorythmies – ainsi que les élaborations individuelles ou plurielles dans l’après coup de chaque session... ## Métanoïa (2010) Signifie " au-delà de nous ", au-delà de l'intellect, de notre raison rationnelle et se rapporte à un changement de conscience par lequel l’homme s'ouvre à plus grand que lui-même en lui-même. ## Métalogique (2010) Hors de toute définition classique, est un ensemble d'explications ou de phénomènes, parfois à priori absurdes, qui vont au-delà de toute compréhension logique, qui élargissent le champ de la conscience. ## Méta-grève (2007) Par rapport aux Protocoles Méta, dans nos détours, dans nos déplacements, il est souvent nécessaire de rappeler : - que les Protocoles Méta n’ont pas de définition ; - qu’il n’y a pas d’identité collective des métanautes ; - qu’il n’y pas de finalité performative, démonstrative ; - qu’on y explore des pas de côté et des mises en suspension en pratiquant le tâtonnement et les vertus du je-ne-sais-quoi... Le méta-sujet qui écrit ici, vient de la grève artiste, du progressif ralentissement, du décrochage de l’arrogance créative... Il vient de la déliaison poétique, du méta- humain – il procède de la méta-grève générale, de la dé-performance. Ici et maintenant, dire « je suis », « je fais », « c’est moi qui » est à la fois une erreur de stratégie et une maladresse de poétique générale... Les méta-topies sont des situations habitées, traversées par une « multitude » où chacun est déjà un essaim en soi. Le commun y est une manière d’être, une forme de porosité continue entre souci de soi et souci de l’autre, va et vient, mise en boucles entre réflexions et actions. La dé performance généralisée (méta-grève) est ce qui permet de sortir des métaphores artistiques pour suggérer et faciliter une déstabilisation de l’impératif économique... Un épochè expérimental en art, où sont mis en jeux migration, exode, dérive, fugue... Chacun à partir du commun construit est libre de s’approprier les éléments qui l’intéressent mais en n’oubliant pas d’évoquer ce commun initial. Porter l’attention perceptive (esthétique) sur l’ordinaire (care) est une façon de dé performer... Il ne s’agit pas de porter un regard insolite sur l’ordinaire, pour le déréaliser, mais d’intensifier sa capacité de perception et d’objectivation afin de se réapproprier le cadre et la condition d’existence et redéployer notre puissance créatrice... **Extraits de considérations sur la méta-grève :** Apprendre à plier bagage, à s’exfiltrer, à développer un non agir gracieux... Il faut déproduire le temps du capital, pour expérimenter et produire nos propres temps... Des temps anthropologiques et non des temps de productions économico- techniciennes. Nous pouvons nous réorganiser il suffit d’imaginer et de prendre courage ! Le premier outil de méta-grève est d’arrêter de faire systématiquement les choses et de réfléchir à ce qui se fait... D’évaluer, ce que nous vivons – est-ce que cela vaut le coup de vivre cela, comme cela ? Déconditionnement de la notion de volonté, de désir, de réalisation, de performance, mettre en expérimentation ce que nous savons et ce que nous ne savons pas... Ce que nous pouvons et ce que nous ne pouvons pas... « Et il y a les « dé- », les déproducteurs, déperformeurs, déviants, ce sont des artistes qui refusent de poursuivre l’obsolète manière de faire de l’art moderne ou postmoderne en polluant les espaces et esprits de leurs niaises marchandises, de leurs surproductions... Les « dé-quelque chose » volontaires (méta-artistes) exercent leur talent à décoloniser leurs propres neurones, à se déprogrammer... Sans définition, sans pratique particulière, sans place définitive, ce sont des « métanautes » d’un devenir autre... » Il nous faut une méta-grève sans objet prédéterminé autre que celui d’y voir mieux la catastrophe écologique humaine dans laquelle nous sommes... Se mettre en d’indétermination ouverte, en méta-exode ... Rester disponible à ce que je ne sais pas, à l’invention des possibles, à l’hors-soi... Nous pouvons l’aborder comme une ligne de fuite a rapprochée de celle élaborée par G. Deleuze et F. Guattari dans Mille Plateaux. « Et pourtant si Félix et Gilles définissent trois lignes (et non deux), c’est bien pour nous garder de tout dualisme. Il n’y a pas d’un côté les méchantes lignes dures et de l’autre les bonnes lignes de fuite. Le dualisme est plutôt celui de la morale et des dispositifs de pouvoir. Prendre une ligne de fuite ne signifie pas « prendre la bonne voie » mais « expérimenter ». Il n’y a pas de dualisme tout d’abord parce que les lignes dures nous sont parfois vitales (pour nous nourrir et avoir un endroit où dormir) bien qu’elles travaillent nos corps, nous découpent, surcodent nos manières de percevoir, d’agir, de sentir. Le travail visant à miner ces lignes est délicat car il se fait non seulement contre l’Etat mais aussi sur soi. » Ligne de fuite, qu’on peut aussi rapprocher de la désertion et de l’exode comme laboratoire politique des multitudes (cf. Toni Negri). Un poète a déjà joué en 1871 ces cartes-là : Rimbaud. Il explicite sa position métapolitique dans une lettre adressée à Georges Izambard depuis Charleville, (13) mai 1871 : « Un jour, j’espère, - bien d'autres espèrent la même chose, - je verrai dans votre principe la poésie objective, je la verrai plus sincèrement que vous ne le feriez ! - Je serai un travailleur : c'est l'idée qui me retient, quand les colères folles me poussent vers la bataille de Paris, - où tant de travailleurs meurent pourtant encore tandis que je vous écris ! Travailler maintenant, jamais, jamais ; je suis en grève. » ## Méta-déproduction (2010) Les protocoles méta procèdent de méthodes soustractives, décélérantes, déproductives et désorientantes... Il ne s’agit pas tant d’une dématérialisation, d’un dispositif d’activités immatérielles, que de la prise en compte de la complexité et de l’élargissement du soi et des temps partagés - où le « faire » comme l’ « agir » s’imposent d’eux-mêmes lorsqu’ils sont nécessaires... et s’agencent comme des méta-productions écosophiques... C’est pour cela que nous intégrons l’indétermination comme élément dynamique dans nos expériences, dans nos méta-topies. Protocoles méta : ce n’est pas un « remuement » supplémentaire, mais la poursuite d’un glissement progressif vers le plaisir d’explorer un art de faire autrement de l’art... Dissolution de l’art dans un agir autre, une transition pour une geste délibérément indéterminée. Tout en sachant que pour nous l’art est entendu comme une indéfinition endémique, comme un inexorable mouvement de résistance à l’identité. Protocoles méta : ce sont des solitaires associés temporairement pour mener des expériences méta-réalisantes. Corps, paroles, connaissances, expériences y sont gagées ensemble pour explorer temps et espace selon des modalités extensives... synchronisation et désynchronisation, inversion des géométries, remixe, marcottage, branchement, infusion... Si les protocoles méta sont une émanation du champ de l’art, ils en sont une forme processus à la fois fugue et « exode ». Avec le temps se développe un champ méta où l’art est devenu vaporeux, un indice de déliaison... Protocoles méta : ce sont des productions d’expérience « rutilante ». Il s’agit de fabriquer de nouveaux outils, de se ré-outiller pour ré- explorer nos manières de faire, agir, penser... Se réoutiller, c’est aussi explorer d’autres méthodes et moyens de faire de l’art, mais c’est encore se dégager de l’asservissement, se déprendre de soi : créer d’autres usages de soi (tache/multitude), une extension de l’hétérogénèse de soi... Inventer une méta-existence et préparer un méta-exode sociétal... **Des enjeux à affiner :** - La « déproduction » : sortir de l’activité forcenée. Réactualiser une écologie sociale, mentale, environnementale (Guattari) et explorer les potentialités de méta-activités (économie et simplicité des moyens). - Le « décampement » : sortir de l’arrogance de la civilisation capitaliste à économie libérale et de son régime suicidaire. Explorer des modes d’exil, de « lâcher prise », en créant des « campements critiques » ... Y produire des contournements, des ruses, une combinaison subtile entre culture de la simplicité et reconnaissance (appropriation) de la complexité du réel. Tenir compte de la multidimensionnalité des problèmes de vie, non pas pour alimenter une résignation, mais pour instaurer une méta-résistance. **Pratique minoritaire** Protocoles méta : c’est une méthode / mode qui a besoin de discrétion, d’attention vigilante et non pas de la fureur évènementielle. C’est un espace et un temps anthropologique écosophique, où l’enjeu est de désamorcer tous ces rapports de hiérarchisation, de domination pour explorer d’autres corrélations, d’autres contingences... Et surtout de libéré du temps des usages consuméristes... Le méta-art est une pratique minoritaire où l’art est surmonté, parfois débordé par les méthodes qu’il utilise : expérimentation, observation, réflexion / une activité qui le déborde et dont l’objectif n’est ni de faire œuvre pratique ou théorique mais d’être un entrelacs d’expériences concrètes et d’expériences imaginaires, continues, sans fin. L’œuvre ne se confond ni avec des fins, ni avec des produits... Elle est manière d’être et d’agir, expérience en lien avec le sens de la vie et de la mort. L’art n’y est qu’un moyen. Une pratique où l’œuvre, faire œuvre, ne se confond pas avec un produit de plus, mais reste la mobilisation vigilante de l’intelligence, de la sensibilité sur la manière d’articuler le trinôme être/faire/agir... Où, selon une autre manière de l’énoncer, l’œuvre ne se confond pas avec le produit mais est l’ensemble des énergies, des pensées, des gestes, des moyens mobilisés, activés pour perpétuer un espace et temps non assujettis à la reproductibilité du système de travail et d’économie marchande actuels. ## Méta-politique (http://fr.metapedia.org/wiki/Métapolitique) La métapolitique est la diffusion dans la mentalité collective et dans la société civile de **valeurs** et d'idées (ou d'"idéologèmes") en excluant tout moyen ou toute visée politicienne, comme tout étiquetage politique, mais selon une visée de "Grande Politique" (Nietzsche), c'est-à-dire de recherche d'un impact **historique**. La reconnaissance d'une réflexion fondatrice comme socle de toutes les grandes révolutions historiques, de la subversion chrétienne de l'Empire romain au manifeste du Parti communiste, en passant par les clubs intellectuels précédant la Révolution française (cf. Augustin Cochin), fut conceptualisée par le penseur communiste italien **Antonio Gramsci**. Dès les années 1920-1930, il fit de la guerre culturelle menée par des "intellectuels organiques" une précondition du succès de l'action politique sur le long terme. " La théorie gramscienne diverge fondamentalement du marxisme classique qui réduit la société civile à l'état de simple infrastructure économique. Pour elle, c'est l'ensemble de la culture, dont l'économie n'est qu'un secteur, qui est en jeu dans la lutte pour le pouvoir. La culture constitue l'infrastructure qu'il faut investir ou subvertir par des moyens intellectuels avant même de s'attaquer au pouvoir politique.[^1] La métapolitique se situe en dehors et au-dessus de la politique politicienne, laquelle est devenue théâtrale et ne constitue plus le lieu de la politique. La stratégie métapolitique vise à diffuser une conception-du-monde de sorte que les valeurs de cette dernière acquièrent dans l'histoire puissance et pouvoir à long terme. Cette stratégie est incompatible avec les ambitions bourgeoises de détenir le pouvoir, d'"être dans" le pouvoir à court terme. Polyvalente, la métapolitique doit s'adresser aux décideurs, aux médiateurs, aux diffuseurs de tous les courants de pensée, auxquels elle ne dévoile pas forcément l'ensemble de son discours. La métapolitique diffuse aussi bien une sensibilité qu'une doctrine ; elle se fait culturelle ou idéologique selon les circonstances. Hauteur de vue, souplesse, efficacité pratique et dureté du "discours interne" (qui se distingue du discours externe, lequel ne trahit nullement le discours interne, mais ne dit pas "tout" et en adapte la formulation) sont les quatre qualités de la stratégie métapolitique. ## Méta-Ikebana L’Ikebana (生け花) également connu sous le nom de kadō (華道/花道), la Voie des fleurs ou l'art de faire vivre les fleurs est un art traditionnel japonais basé sur la composition florale. « En tant qu'êtres humains, nous faisons partie de l'univers, et suivons les mêmes cycles que toutes les autres formes de vie. Aussi lorsque que nous pratiquons avec des éléments végétaux, nous avons l'opportunité de nous étudier tels que nous sommes. En utilisant les formes classiques de l'ikebana, le Kadô nous enseigne comment voire clairement la sagesse dans la nature, en nous- même et dans les autres. Le propos ultime du Kadô n'est pas de faire de belles compositions florales, mais de nous aider à avoir un esprit joyeux, de travailler avec les obstacles, et de développer le respect pour toutes les choses et tous les êtres. » Arnaud Caron, Kadô /Shambhala. Le Méta-Ikebana :
 Il y a ce que l’on apprend dans les temps de pratique Ikebana et ensuite il y a ce que l’on y associe et invente avec la pratique méta-artistique - méta indique ici la succession, le déplacement, la transformation, la métamorphose, le pas de côté... En associant l’esprit Ikebana et l’esprit Méta il est possible de réaliser des compositions « florales » libres avec des matériaux divers, mais aussi avec des combinaisons de personnes à travers des sessions d’expérimentations où l’on réfléchit, où l’on expérimente des variations d’états physiques et mentaux et des manières différentes d’être ensemble et de faire. Oui on peut élargir la notion d’Ikebana à beaucoup de choses, à nos pensées, à nos corps, à la manière de se vêtir, à la manière d’aménager sa maison, à sa manière de vivre... Cela requiert une attention, une conscience du temps et de l’espace présents... Ce sont autant des manières actives de méditer que des manières de créer ! Notamment lorsqu’on prend cette énergie pour la détourner voire la retourner comme dans certains rituels d’inversions liés à la folle sagesse*... * La folle sagesse est un registre de comportement dans lequel des maîtres spirituels et des enseignants de certaines traditions telles que des écoles du bouddhisme, du soufisme, du taoïsme, se présentent soudainement sous un jour inhabituel, choquant voire détestable afin de provoquer l’éveil spirituel de tout aspirant qui en est témoin. Il y a un aspect excentrique que l’on peut retrouver chez certains artistes, écrivains, poètes, danseurs, etc. ## Méta-exode (avril 2012) A ne plus se reconnaître dans cette société occidentale globalisante, s’impose à soi l’invention d’un autre monde... Prendre la route avec quelques viatiques. Construire des radeaux physiques, conceptuels, imaginaires - mais ré-ouvrir le temps des fugues, des évasions intempestives... Oui, fabriquer un méta-radeau [^2] de fortune, concret ou virtuel, pour entamer cette aventure - avec quoi et avec qui ? Se sentir déviant [^3], ou appartenant à la dernière minorité d’artistes qui poursuivent l’approche méta-philosophique et méta-esthétique de l’art – cela permet de sortir de l’exponentielle surproduction d’objets d’arts et des logorrhées arrogantes [^4]. Quelques volontaires discrets mettent en avant des tactiques de désœuvrements pour manœuvrer différemment, pour explorer des pas de côté. La « minorité méta » a trouvé dans l’esquive et les esquifs légers une manière d’opérer une ligne de fuite, une pratique de résistances furtives (tourner le dos, regarder ailleurs, se déplacer vers d’autres horizons...). Les métanautes sont des « combattants désorientant » d’un nouveau genre, à mains nues ils s’enfoncent dans l’épaisseur de l’inconnu, ils défrichent des clairières ou aménagent quelques îles. Ils explorent également les flux d’océans incertains avec leurs méta-radeaux... Notre civilisation a eu lieu – elle s’auto-détruit, s’auto-consume. Désormais par des moyens subtils il faut la quitter discrètement... Dans cette méta-modernité [^5], il faut affiner nos techniques et stratégies de disparition, en activant la diversité, la dissémination, l'éparpillement et le tâtonnement vers un avenir autre. Exode [^6] pour dé-créer, pour désoeuvrer cette société cynique et nihiliste... Il nous reste à découvrir qui partage ce commun de l’exode revivifiant. Jean-Luc Nancy parle de « communauté désœuvrée », Maurice Blanchot de « communauté inavouable », Giorgio Agamben de communauté quelconque, Toni Negri de multitudes. Arrive le temps des méta-communautés... Dans nos boîtes à outils nous amenons des rapports nouveaux : modestie- complexité, hétérogénéité-singularité, intensification-distanciation, agir-gratuité, désir-frugalité, plaisir-pauvreté, déproduction-amour, etc. Transformation par des activités et des chemins indirects, voire buissonniers... Sortir de la réactivité générale, suivre donc le chemin d’un « méta-exode » [^7] tâtonnant et jouer avec des méta-activités destituantes et instauratrices de notre joyeux devenir vagabond et dispersé ... Nous voici dromomanes - guidés par l’irrésistible impulsion à marcher et à courir à notre guise ! --- Notes [^1]: Jacques Marlaud, « Métapolitique : la conquête du pouvoir culturel. La théorie gramscienne de la métapolitique et son emploi par la Nouvelle Droite française », Interpellations. Questionnements métapolitiques, Dualpha, 2004, pp. 121-139. [^2]: « Construisons des méta-radeaux qui puissent se déplacer physiquement aussi bien par eau, air et terre ! Qu’ils soient mentaux ou concrets : ils seront composés de matériaux hétérogènes et de modules divers, qui permettent de les transporter à dos, en des colonnes qui apparaîtront comme des processions ou de longues expéditions énigmatiques mais non moins déterminées dans leur souci d’exode... Plusieurs méta-radeaux pourront partir simultanément de différents lieux, de l’ouest, de l’est, du centre, du sud, du nord afin d’engager autant d’explorations « désorientantes » ... ». Extrait de « Comme une méta-géographie », JP Thibeau et A. Goulesque, septembre 2011. [^3]: habituellement la notion de déviant est disqualifiante, ici nous nous en emparons comme une manière de faire bouger les normes et d’agir en changeant les règles du jeu. Pour Howard S. Becker le caractère déviant, ou non, d’un acte donné dépend en partie de la nature de l’acte (c’est-à-dire de ce qu’il transgresse ou non une norme) et en partie de ce que les autres en font (Howard S. Becker, Outsiders. Métailié, 1992). [^4]: cela participe au flux d’une méta-grève, d’un retrait d’un monde de l’art qui est déjà lui-même une « retraite », une fuite vers un économisme caricatural et mortifère où les artistes sont les petits soldats d’une vaste débâcle conduit par la foultitude des petits caporaux de l’industrie artistique et culturelle. [^5]: méta-modernité : après la modernité, la post- modernité (qu’on pourrait tout autant qualifier de basse- modernité), la méta- modernité est une période interstitielle, un temps transitoire pour changer d’ère civilisationnelle. L’effondrement inéluctable du capitalisme et de l’hégémonie totalitaire de la rationalité économique entrainera de profonds changements de vie et de production, tant de l’humain que des modes d’existences. La méta- modernité est un espace-temps de métamorphose et d’errance. « Méta-modernité qui est et sera le produit des méta-cultures qui sont à l’œuvre sur les six continents et qui engendrera un méta-humanisme » (J-P T. 1997). Ce méta- humanisme est porté par la puissance excédante de notre désœuvrement, de notre pauvreté, de notre humiliation par le féodalisme de l’économisme généralisé. [^6]: Nous rappellerons la nouvelle définition de l’utopie que donne Toni Negri : « L’utopie veut aujourd’hui dire l’exode et la métamorphose. L’exode est en cours, et la métamorphose est possible. Le capital a colonisé le monde, mais il n’en a pas neutralisé les puissances... ». Préservant continuellement une espérance d’émancipation, il pose que la multitude est davantage tentée par l’exode que par l’affrontement direct avec le biopouvoir de l’Empire qui vampirise chacun et la vie même. Il s’agit d’expérimenter le commun comme puissance et d’autres formes de rapport et de travail, mais cela passe par un exode collectif pour mettre en place une absolue démocratie. [^7]: « La dispersion, la tâche ne sont ni désagrégation ni transition, elles contiennent plutôt l’ensemble virtuel d’une nouvelle structure qui, dès que son organisation devient discernable et stable, perd ce qu’elle a de meilleur, se voit dépouillée de sa richesse énergétique. Est sujet à la désagrégation ce qui cherche à conserver une ou sa direction. Tout lieu particulier est désagrégation ». Botho Strauss- L’incommencement. Réflexions sur la tâche et la ligne. Arcade/Gallimard (p83).